Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 8 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer, représentée par son maire ; la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10MA02604 du 7 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0903896 du 12 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. et MmeA..., annulé la décision du 23 avril 2009 par laquelle le maire de la commune a exercé, par substitution, le droit de préemption du département des Bouches-du-Rhône sur plusieurs parcelles non bâties situées au lieu-dit Baisse de Leveillat ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et MmeA... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 3 avril 2009, le maire de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer a exercé, en se substituant au département des Bouches-du-Rhône et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le droit de préemption sur quatre parcelles d'une superficie totale de 78 912 mètres carrés, incluses dans une zone créée, au titre des espaces naturels sensibles du département, par un arrêté du 19 décembre 1982 ; que, par un jugement du 12 mai 2010, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. et MmeA..., acquéreurs évincés, annulé cette décision au motif qu'elle était insuffisamment motivée en droit et en fait ; que la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 7 mai 2012, a confirmé ce jugement ; que la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non " ; qu'aux termes de l'article L. 142-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies. / Dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé, les zones de préemption sont créées avec l'accord du conseil municipal. (...) / A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. / (...) Au cas où le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est territorialement compétent, celui-ci ou, à défaut, la commune, peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas le droit de préemption (...) " ; que selon le premier alinéa de l'article L. 142-10 : " Les terrains acquis en application des dispositions du présent chapitre doivent être aménagés pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel. Cet aménagement doit être compatible avec la sauvegarde des sites, des paysages et des milieux naturels " ;
3. Considérant que l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 dispose que " doivent être motivées les décisions qui (...) imposent des sujétions (...) " ; que les décisions de préemption prises en application de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme sont des décisions individuelles imposant des sujétions ; qu'elles entrent, par suite, dans le champ de la loi du 11 juillet 1979 et doivent, dès lors, comporter l'énoncé des motifs de droit et de fait ayant conduit l'autorité administrative à préempter ;
4. Considérant que, pour juger que la décision du maire des Saintes-Maries-de-la-Mer du 23 avril 2009 était insuffisamment motivée, la cour administrative d'appel a d'abord estimé qu'elle aurait dû préciser la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site ; que, toutefois, une telle précision ne saurait être regardée comme nécessaire, dès lors que l'inclusion de parcelles dans une zone de préemption est nécessairement subordonnée à leur intérêt écologique ; que la cour a également estimé que la décision de préemption aurait dû indiquer soit que les terrains préemptés seraient ouverts au public, soit les raisons de l'absence d'un tel aménagement ; que, toutefois, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu'elle envisage de préempter ; qu'ainsi, en jugeant que, faute de comporter les deux éléments de motivation mentionnés ci-dessus, la décision litigieuse était insuffisamment motivée, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé pour ce motif ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant que la lettre de notification au notaire de la décision du 23 avril 2009 du maire des Saintes-Maries-de-la-Mer se borne à faire état de " la nécessité pour la commune de préempter pour assurer la préservation et la protection du milieu naturel existant sur ce secteur du territoire communal ", sans se référer à l'acte portant création de la zone de préemption et sans indiquer les raisons pour lesquelles la préservation et la protection des parcelles en cause justifiaient la préemption ; qu'une telle motivation ne répond pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de son appel, que la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 23 avril 2009 ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune le versement à M. et Mme A...d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 7 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'appel de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La commune des Saintes-Maries-de-la-Mer versera à M. et Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer et à M. et MmeA....