Vu 1°, sous le n° 362916, la requête, enregistrée le 20 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association Bocal, dont le siège est 12, Villa Riberolle à Paris (75020), représentée par son président ; l'association Bocal demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2012-33 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en date du 24 juillet 2012 relative à la numérotation logique des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre en métropole ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 362954, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 et 24 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI), dont le siège est 34, rue Godot de Mauroy à Paris (75009), représenté par son représentant légal en exercice ; le SIRTI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2012-33 du CSA en date du 24 juillet 2012 relative à la numérotation logique des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre en métropole ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu 3°, sous le n° 362992, la requête, enregistrée le 24 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Société pyrénéenne de télévision, dont le siège est situé route de Bayonne à Bidart (64210), représentée par son gérant en exercice ; la Société pyrénéenne de télévision demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la délibération n° 2012-33 du CSA en date du 24 juillet 2012 relative à la numérotation logique des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre en métropole, d'autre part, la lettre du 9 août 2012 par laquelle le CSA lui a confirmé le principe de la modification unilatérale du numéro logique qui lui avait été accordé dans le cadre de son autorisation d'émettre et, enfin, la décision du 24 juillet 2012 par laquelle le CSA a attribué à une autre chaîne le numéro logique qui lui avait été précédemment attribué ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 4°, sous le n° 363015, la requête enregistrée le 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la société Vosges télévision, dont le siège est 2, rue de la Chipotte, BP 267 à Epinal (88007), représentée par son directeur général, le syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes (" Les Locales TV "), dont le siège est 78, avenue Raymond Poincaré à Paris (75116), représenté par son président, l'union des télévisions locales de service public (TLSP), dont le siège est 11, rue de Lafayette à Paris (75009), représentée par son président, et l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), dont le siège est 11, rue Lafayette à Paris (75009), représentée par son président ; la société Vosges Télévision, le syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes, l'union des TLSP et l'AVICCA demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° 2012-33 du CSA en date du 24 juillet 2012 relative à la numérotation logique des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre en métropole ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 24 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon, Caen, Thiriez, avocat de Métropole Télévision M6, de la société M6 génération, de 6Ter, de la SCP Hemery, Thomas-Raquin, avocat de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, de la société civile des auteurs multimédia, du Syndicat des producteurs de films d'animation, de l'union syndicale de la production audiovisuelle, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de HD1, de l'Equipe HD, de TVous la Télédiversité, de la SCP Piwnica Molinié, avocat la société RMC Découverte, de Me Spinosi, avocat du Syndicat interprofessionnel des radios et des télévisions et de la Société Pyréneenne de télévision ;
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes de l'association Bocal, de la société pyrénéenne de télévision, du syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI), de la société Vosges Télévision, du syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes (" Les Locales TV "), de l'union des télévisions locales de service public et de l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 24 juillet 2012, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a modifié l'organisation de la " numérotation logique des services de communication audiovisuelle en métropole " afin d'attribuer des " numéros logiques " à six nouveaux services nationaux de télévision en clair ; que cette réorganisation se traduit notamment par l'attribution, d'une part, des " numéros logiques " 1 à 29 aux services de télévision nationale anciennement diffusés en mode analogique et aux services nationaux en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique, auxquels étaient précédemment attribués les numéros 1 à 19 et, d'autre part, des numéros 30 à 39 aux services de télévision à vocation locale diffusés par voie hertzienne terrestre, qui bénéficiaient jusqu'alors des numéros 20 à 29 ; que l'association Bocal, la société pyrénéenne de télévision, le syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, la société Vosges Télévision, le syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes (" Les Locales TV "), l'union des télévisions locales de service public et l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 24 juillet 2012 ; que la société pyrénéenne de télévision demande également l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du CSA du 9 août 2012 lui notifiant la délibération du 24 juillet 2012 et de la décision du 24 juillet 2012 attribuant à une nouvelle chaîne nationale le numéro 20 qui lui était auparavant attribué ;
Sur les interventions :
3. Considérant que la société HD1, la société l'Equipe HD, la société TVous La Télédiversité, la société RMC Découverte, la société Chérie HD, la société NRJ Group, la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la société civile des auteurs multimédia, l'union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et le syndicat des producteurs de films d'animation (SFPA) ont intérêt au maintien des décisions contestées ; qu'ainsi, leurs interventions en défense sont recevables ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 24 juillet 2012 :
En ce qui concerne la légalité externe de la délibération :
4. Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant les règles d'attribution des numéros logiques, les dispositions de la loi du 30 septembre 1986, notamment son article 30-1, qui donnent au CSA compétence pour autoriser l'usage des ressources radioélectriques pour la diffusion des services de télévision, impliquent que le CSA est compétent pour organiser la diffusion de ces services par la fixation des règles de la numérotation logique des chaînes et leur modification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CSA n'était pas compétent pour modifier le régime d'attribution des numéros logiques dans le cadre de l'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de services de télévision ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. Il délibère à la majorité des membres présents. Le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix " ; qu'il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 24 juillet 2012, au cours de laquelle a été adoptée la délibération attaquée, que sept des neuf membres du CSA étaient présents ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une méconnaissance de la règle du quorum prévue à l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 manque en fait ;
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 31 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Si les décisions d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède, préalablement au lancement des procédures prévues aux articles 29, 30, 30-1, 30-5 et 30-6, à une consultation publique " ; que la délibération litigieuse n'a pas pour objet de lancer un appel à candidatures ou d'autoriser l'usage d'une ressource radioélectrique ; que la circonstance que le CSA a procédé en 2004 à une telle consultation pour définir les principes applicables à la numérotation logique des chaînes de la télévision numérique terrestre n'implique pas qu'il procède à une consultation publique préalablement à toute décision de modification de ces modalités ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'adoption de la délibération du 24 juillet 2012 aurait dû être précédée d'une consultation publique ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que la délibération attaquée énonce sous une forme suffisante les considérations de droit et de fait sur lesquelles le CSA s'est fondé ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation manque en fait ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que toutes les chaînes concernées ont été informées dès l'appel à candidature pour de nouveaux services nationaux lancé le 18 octobre 2011 de l'intention du CSA de définir un nouveau cadre d'attribution des numéros logiques et ont été mises à même de faire valoir leurs observations sur les conséquences de cette opération ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 manque également en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne de la délibération :
9. Considérant, en premier lieu, que si le titulaire d'une autorisation d'émettre un service de télévision délivrée par le CSA dispose d'un droit acquis à conserver cette autorisation durant l'intégralité de sa période de validité, sous réserve des dispositions législatives permettant son retrait ou son abrogation, il ne bénéficie cependant pas d'un droit acquis au maintien de toutes les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette autorisation ; qu'il est dès lors loisible au CSA, dans un objectif de bonne gestion du domaine public hertzien et de prise en compte de l'intérêt du public, de redéfinir, dans le cadre de son pouvoir réglementaire, les modalités d'utilisation des autorisations d'émettre en cours de validité, dans la mesure où les nouvelles modalités ne remettent pas en cause l'existence même des autorisations délivrées ni les conditions essentielles de leur mise en oeuvre ; qu'il en va ainsi des règles régissant les modalités d'attribution des numéros logiques ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait illégalement procédé à l'abrogation de décisions créatrices de droits acquis doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que si, en application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la délivrance des autorisations d'usage de fréquence pour chaque service de télévision est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le CSA au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation, la signature d'une telle convention n'a pas pour effet de placer le titulaire de l'autorisation dans une situation contractuelle ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée porterait illégalement atteinte à des situations contractuelles en cours, en méconnaissance du principe de sécurité juridique, doit être écarté ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard aux bassins de population qu'ils desservent, à la nature des services qu'ils diffusent et aux modes de financement auxquels ils ont recours, en particulier en ce qui concerne les recettes publicitaires, les services de télévision locaux et les services de télévision nationaux ne peuvent être considérés comme placés dans une situation identique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CSA ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité et porter atteinte à la libre concurrence, réserver aux nouveaux services nationaux les numéros logiques 20 à 29 et aux services locaux les numéros 30 à 39 ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA doit veiller, lorsqu'il attribue des autorisations d'émettre un service de télévision, à favoriser les services à vocation locale ; que ces dispositions n'impliquent toutefois pas que le CSA soit tenu de favoriser de manière systématique les chaînes à vocation locale dans le cadre des actes réglementaires ou individuels qu'il édicte pour la gestion du domaine public hertzien ; qu'au demeurant, la décision du CSA de procéder au décalage d'une dizaine des numéros logiques attribués aux chaînes locales n'est pas, eu égard aux modalités de diffusion et aux modes de financement de ces chaînes, ainsi qu'aux actions de communications menées préalablement auprès des téléspectateurs, de nature à remettre en cause la pérennité de leur diffusion ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
13. Considérant, enfin, que les nouvelles règles de numérotation conduisent à un système cohérent et lisible pour les téléspectateurs ; que les modifications apportées à leurs habitudes par le changement de numéro logique de certaines chaînes ont été accompagnées par des mesures de communication et d'information appropriées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CSA aurait fait une inexacte appréciation de la conformité de cette modification au regard de l'intérêt du public ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la délibération du 24 juillet 2012 qu'elles attaquent ;
Sur les conclusions présentées par la société pyrénéenne de télévision tendant à l'annulation du courrier du 9 août 2012 et de la décision du 24 juillet 2012 attribuant à une nouvelle chaîne nationale le numéro 20 qui lui était précédemment attribué :
15. Considérant que les conclusions de la société pyrénéenne de télévision tendant à l'annulation de la lettre du 9 août 2012 du CSA lui notifiant la délibération du 24 juillet 2012 ainsi que de la décision du 24 juillet 2012 attribuant à une nouvelle chaîne nationale le numéro 20 qui lui était précédemment attribué, qui ne sont assorties d'aucun moyen spécifiquement dirigés contre ces actes, doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 24 juillet 2012 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que ces mêmes dispositions font obstacle au versement de la somme que demandent au même titre la société RMC Découverte, la société HD1, la société l'Equipe HD et la société TVous La Télédiversité, intervenantes en défense, qui ne sont pas partie à la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions présentées par la société HD1, la société l'Equipe HD, la société TVous La Télédiversité, la société RMC Découverte, la société Chérie HD, la société NRJ Group, la société des auteurs et compositeurs dramatiques, la société civile des auteurs multimédia, l'union syndicale de la production audiovisuelle et le syndicat des producteurs de films d'animation sont admises.
Article 2 : Les requêtes de l'association Bocal, de la société pyrénéenne de télévision, du syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, de la société Vosges Télévision, du syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes, de l'union des télévisions locales de service public et de l'association des villes et collectivités pour les communications sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société RMC Découverte, la société HD1, la société l'Equipe HD et la société TVous La Télédiversité au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Bocal, à la société pyrénéenne de télévision, au syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes, à la société Vosges Télévision, au syndicat professionnel des télévisions locales hertziennes (" Les Locales TV "), à l'union des télévisions locales de service public, à l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société HD1, à la société l'Equipe HD, à la société TVous La Télédiversité, à la société RMC découverte, à la société Chérie HD, à la société NRJ Group, à la société des auteurs et compositeurs dramatiques, à la société civile des auteurs multimédia, à l'union syndicale de la production audiovisuelle et au syndicat des producteurs de films d'animation.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.