Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA01495 du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement n° 0712529/3-1 du 15 février 2011 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 juin 2007 du ministre de l'intérieur constatant l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul et des décisions lui retirant des points à la suite d'infractions relevées les 6 mars et 24 avril 2003, 22 septembre 2004 et 23 janvier 2006 et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui restituer les points illégalement retirés ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., à l'encontre duquel ont été relevées, entre 2003 et 2006, plusieurs infractions au code de la route, a demandé l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, des décisions du ministre de l'intérieur lui retirant des points de son permis de conduire à raison de ces infractions et, d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur du 18 juin 2007 constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul ; que, par un jugement du 15 février 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 18 juin 2007 et contre les décisions lui ayant retiré des points à la suite des infractions relevées les 6 mars et 24 avril 2003, 22 septembre 2004 et 23 janvier 2006 avec injonction au ministre de lui restituer les points illégalement retirés ;
2. Considérant que la délivrance, au titulaire du permis de conduire à l'encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre, avant d'en reconnaître la réalité par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal ; qu'elle revêt le caractère d'une formalité substantielle et conditionne la régularité de la procédure au terme de laquelle le retrait de points est décidé ;
3. Considérant que, pour juger que M. B...avait bénéficié, lors de la constatation des infractions relevées les 24 avril 2003 et 22 septembre 2004, de l'information exigée par la loi, la cour administrative d'appel s'est fondée à la fois sur la circonstance qu'il s'était acquitté des amendes forfaitaires et sur les mentions figurant sur les procès-verbaux versés au dossier par l'administration ;
En ce qui concerne le paiement des amendes forfaitaires :
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et, notamment, des mentions du relevé d'information intégral relatif au permis de conduire de M. B... que les infractions relevées à son encontre les 24 avril 2003 et 22 septembre 2004 ont donné lieu, à défaut de paiement des amendes forfaitaires correspondant à ces infractions ou d'une requête en exonération, à l'émission de titres exécutoires en vue du recouvrement d'amendes forfaitaires majorées ; que, dès lors, en relevant que M. B...s'était acquitté des amendes forfaitaires, pour en déduire qu'il avait nécessairement reçu des documents sur lesquels figurait l'information exigée par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier ;
En ce qui concerne les mentions des procès-verbaux :
5. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 537 et 429 du code de procédure pénale que les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve du contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; que la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route n'est pas revêtue de la même force probante ; que, néanmoins, même contredite par le contrevenant, cette indication peut emporter la conviction du juge si elle corroborée par d'autres éléments ; que tel est notamment le cas s'il ressort des pièces du dossier que le contrevenant a contresigné le procès-verbal ou qu'il a pris connaissance, sans élever d'objection, de son contenu ;
6. Considérant que, pour juger que l'administration établissait avoir délivré à M. B..., à l'occasion des infractions commises les 24 avril 2003 et 22 septembre 2004, l'information requise par les dispositions mentionnées ci-dessus, la cour administrative d'appel a relevé que, même si les procès-verbaux n'étaient pas revêtus de sa signature et ne comportaient pas la mention selon laquelle il aurait refusé de les signer, les renseignements qui y figuraient en ce qui concerne son état-civil, son adresse et le numéro de son permis de conduire, ainsi que l'identité et l'adresse du propriétaire du véhicule, étaient de nature à établir qu'il avait eu la possibilité de prendre connaissance des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; qu'en statuant ainsi, alors que de telles mentions attestaient seulement que les procès-verbaux avaient été dressés en présence de l'intéressé et qu'il ne pouvait pas en résulter que celui-ci en avait reçu copie, la cour a commis une erreur de droit ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt du 13 avril 2012 de la cour administrative d'appel de Paris doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... dirigées contre la décision du 18 juin 2007 constatant la perte de validité de son permis de conduire et contre les décisions de retrait de points consécutives aux infractions relevées les 24 avril 2003 et 22 septembre 2004, ainsi que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir les points ainsi retirés et à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 avril 2012 est annulé en tant qu'il rejette, d'une part, les conclusions de M. B...dirigées contre le jugement du 15 février 2011 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2007 du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et des décisions lui retirant des points à la suite des infractions relevées les 24 avril 2003 et 22 septembre 2004, et, d'autre part, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir les points retirés à la suite de ces infractions et à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.