Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Saint-Martin-le-Vinoux, représentée par son maire ; la commune de Saint-Martin-le-Vinoux demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07LY01814 du 2 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel de Mme F...D..., de M. B...A...et de M. E... C...a, d'une part, annulé le jugement n° 0404874 du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2007 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 25 mars 2004 à la société Les Espaces Magnan et, d'autre part, annulé en totalité ce permis de construire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux et à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme D..., de M. A...et de M. C...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 mars 2004, le maire de Saint-Martin-le-Vinoux a délivré à la société Les Espaces Magnan un permis de construire neuf maisons individuelles ; que le tribunal administratif de Grenoble, saisi par MmeD..., M. A...et M.C..., a, par un jugement du 7 juin 2007, annulé ce permis en tant qu'il autorisait la construction de plus de sept maisons individuelles ; que, sur appel de MmeD..., M. A...et M.C..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 2 février 2010, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus des conclusions de la demande de première instance et annulé le permis de construire dans sa totalité, d'autre part, rejeté l'appel incident de la commune tendant à l'annulation du même jugement en ce qu'il avait annulé le permis de construire en tant qu'il portait sur plus de sept maisons ; que la commune de Saint-Martin-le-Vinoux se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sur l'intervention de la société Les Espaces Magnan :
2. Considérant que la société Les Espaces Magnan, partie à l'instance devant la cour administrative d'appel de Lyon, avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué ; que, dès lors, sa prétendue intervention ne peut être regardée que comme un pourvoi en cassation ; que ce pourvoi n'a été enregistré au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat que le 13 mai 2011, soit après l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'il est, ainsi, comme le soutiennent MmeD..., M. A...et M.C..., tardif et, par suite, irrecevable ;
Sur l'arrêt attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle le tribunal administratif et la cour ont statué : " Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive " ;
4. Considérant que le tribunal administratif de Grenoble, après avoir relevé qu'il résultait des dispositions de l'article NA 5 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, selon lesquelles la construction d'une habitation individuelle dans les secteurs NAb n'est autorisée qu'à la condition d'intéresser une parcelle d'une superficie minimale de 2 000 mètres carrés, que le terrain d'assiette du projet classé en zone NAb, d'une superficie de 14 220 m², pouvait supporter sept habitations individuelles, en a déduit qu'en autorisant la construction de neuf maisons, le maire de Saint-Martin-le-Vinoux avait méconnu les dispositions de cet article ; qu'il a toutefois estimé que cette illégalité n'affectait qu'une partie du permis de construire délivré le 25 mars 2004 et a annulé celui-ci en tant seulement qu'il autorisait la construction de plus de sept maisons ; que la cour, après avoir repris à son compte les mêmes constatations que le tribunal, a, ainsi qu'il a été dit, annulé partiellement le jugement du tribunal administratif de Grenoble et rejeté l'appel incident de la commune ;
5. Considérant, toutefois, que l'illégalité du permis de construire litigieux relevée par le tribunal administratif, qui tenait à la méconnaissance de l'article NA 5 du règlement du plan d'occupation des sols, viciait le permis en son entier, dès lors que seul un nouveau projet, prévoyant une implantation appropriée des maisons à construire, pouvait être autorisé dans le respect des dispositions, mentionnées au point 4, de l'article du règlement en cause ; qu'ainsi, en prononçant une annulation partielle du permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions de l'article L 600-5 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble s'est mépris sur les pouvoirs qu'il tenait de cet article et a méconnu son office ; qu'il incombait à la cour administrative d'appel, même d'office, de censurer une telle irrégularité, puis de statuer sur la demande présentée devant les premiers juges par la voie de l'évocation; que l'erreur commise par la cour en ne procédant pas ainsi doit être relevée d'office par le juge de cassation ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il y a lieu, sans examiner les moyens présentés devant la cour administrative d'appel de Lyon, d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif puis de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de MmeD..., M. A...et M.C... ;
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande par la commune de Saint-Martin-le-Vinoux et la société Les Espaces Magnan :
8. Considérant, en premier lieu, que MmeD..., M. A...et M.C..., qui sont propriétaires de terrains et de constructions situés à proximité du lieu d'implantation du projet litigieux avaient, en cette qualité, compte tenu des règles en vigueur à la date d'introduction de leur demande devant le tribunal administratif de Grenoble, un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté du maire autorisant la réalisation de ce projet ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de leur défaut d'intérêt pour demander l'annulation de cet arrêté ne peut qu'être rejetée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des pièces produites tant devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel que devant le Conseil d'Etat que les demandeurs ont justifié avoir accompli les formalités exigées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme en notifiant au pétitionnaire, dans le délai de quinze jours francs fixé par les dispositions de cet article, le recours gracieux qu'ils avaient formé contre le permis litigieux, puis en notifiant à la commune et au pétitionnaire, dans le même délai, le recours contentieux contre cette décision ;
10. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...et M. A..., d'une part, M. C..., d'autre part, ont présenté des recours gracieux, respectivement les 21 et 24 mai 2004, contre le permis de construire du 25 mars 2004 ; que ces recours gracieux ont été, comme il a été dit au point précédent, notifiés à la société Les Espaces Magnan, conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, ils ont interrompu le délai du recours contentieux, qui n'a recommencé à courir qu'à compter des 21 et 24 juillet 2004, dates des décisions par lesquelles le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux les a implicitement rejetés ; que, dès lors, ce délai n'était pas expiré le 17 septembre 2004, date à laquelle la demande d'annulation du permis présentée par Mme D..., M. A... et M. C... a été enregistrée au tribunal administratif de Grenoble ; qu'en conséquence, la commune de Saint-Martin-le-Vinoux n'est pas fondée à soutenir que cette demande est tardive et, par suite, irrecevable ;
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
11. Considérant qu'après le jugement du tribunal administratif du 7 juin 2007, la société Les Espaces Magnan a demandé un permis de construire modificatif pour la construction de sept maisons individuelles " afin de se mettre en conformité avec ce jugement " ; que le maire de Saint-Martin-le-Vinoux, en se fondant sur le second alinéa de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, cité au point 3, a accordé un tel permis le 14 mai 2008, alors même, au demeurant, que ces dispositions ne pouvaient trouver à s'appliquer, le jugement n'étant pas devenu définitif ; qu'en tout état de cause, un permis modificatif, délivré à seule fin de tirer les conséquences d'un jugement frappé d'appel, ne saurait avoir pour effet de régulariser les illégalités affectant le permis de construire litigieux et de rendre inopérants les moyens tirés de ces illégalités ; que l'adoption du plan local d'urbanisme le 25 septembre 2006, après l'intervention du permis litigieux, est, de même, sans incidence sur la légalité de ce dernier, laquelle doit être appréciée en fonction des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de cette décision ;
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-6 du code de l'urbanisme, alors applicable : " Dans le cas où des équipements communs sont prévus, le dossier de demande est, sous réserve de ce qui est dit à l'article R. 315-7, complété par les pièces annexes suivantes : / a) L'engagement du lotisseur que sera constituée une association syndicale des acquéreurs de lots à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien des équipements communs jusqu'à leur transfert éventuel dans le domaine d'une personne morale de droit public ; / b) Les statuts de l'association syndicale comprenant au moins les dispositions énumérées à l'article R. 315-8 ; / c) L'engagement du lotisseur de provoquer la réunion d'une assemblée de l'association syndicale dans le mois suivant l'attribution de la moitié des lots ou au plus tard dans l'année suivant l'attribution du premier lot, afin de substituer à l'organe d'administration provisoire de l'association un organe désigné par cette assemblée " ; que l'article R. 315-7, alors applicable, du même code disposait que : " Les dispositions de l'article R. 315-6 ne sont pas applicables si le nombre de lots destinés à l'implantation des bâtiments n'étant pas supérieur à cinq, le lotisseur s'engage à ce que les équipements communs soient attribués en propriété divise ou indivise aux acquéreurs de lots. / Il en est de même si le lotisseur justifie de la conclusion avec une personne morale de droit public d'une convention prévoyant le transfert dans le domaine de cette personne morale de la totalité des équipements communs une fois les travaux achevés " ; que le respect de ces exigences était imposé par l'article R. 421-7-1 du même code, alors applicable, lorsque la demande de permis de construire portait sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette devait faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'imprimé-type de la demande de permis de construire et de la notice jointe à cette demande, qu'une partie des constructions autorisées par le permis attaqué est destinée à être vendue et que " la gestion du sol sera celle d'une copropriété horizontale " ; qu'un tel régime comporte une division en parties affectées à l'usage de tous et en parties affectées à l'usage exclusif des copropriétaires, chacun d'eux disposant d'un droit de jouissance privative exclusif sur sa maison individuelle et le terrain attenant ; que le projet de la société entrait ainsi dans les prévisions de l'article R. 421-7-1 et, par voie de conséquence, des articles R. 315-6 et R. 315-7 du code de l'urbanisme ; qu'il est constant que les différentes pièces relatives à la constitution d'une association syndicale, prévues par l'article R. 315-6 du code de l'urbanisme, n'ont pas été produites par le pétitionnaire, alors que des équipements communs sont prévus, notamment pour la défense incendie, l'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales, ainsi que la desserte routière et que la demande, portant sur plus de cinq bâtiments, ne comporte pas l'engagement ou la convention prévus par l'article R. 315-7 du même code ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'arrêté litigieux a été délivré en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 421-7-1 et R. 315-6 du code de l'urbanisme ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article NA 2 du règlement du plan d'occupation des sols : " (...) Dans les secteurs NAa, NAb et Nac, les habitations individuelles sont autorisées sur des parcelles d'une surface minimum définie à l'article 5 de ce règlement (...) " ; qu'aux termes de l'article NA 5 dudit règlement : " Dans les secteurs NAb, la construction d'une habitation individuelle autorisée au titre de l'article NA 2 ne peut être envisagée que lorsqu'elle intéresse une parcelle d'une superficie minimale de 2000 m² (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, d'une superficie de 43 271 m², fait l'objet d'un classement en zone NAb, pour 14 220 m², et en zone ND, pour 29 051 m² ; que, pour le calcul de la surface minimale de 2 000 m² exigée par les dispositions précitées de l'article NA 5 du règlement du plan d'occupation des sols pour la construction d'une maison individuelle en zone NAb, seule la partie du terrain d'assiette du projet faisant l'objet d'un classement en zone NAb doit être prise en compte ; qu'à l'inverse, il ne peut être tenu compte de la partie de ce terrain classée en zone ND, dans laquelle les constructions à usage d'habitation sont interdites ; que, par suite, en autorisant la construction de neuf maisons individuelles, le maire a méconnu les dispositions des articles NA 2 et NA 5 du plan d'occupation des sols ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la surface minimale devant être calculée pour chacune des maisons alors même que celles-ci feraient l'objet d'une seule demande de permis de construire, cette illégalité entache la totalité du permis de construire délivré à la société Les Espaces Magnan ;
15. Considérant, en troisième lieu, que le projet de la société Les Espaces Magnan prévoit une évacuation des eaux pluviales dans un fossé à débit intermittent, situé à l'ouest du projet, après rétention des eaux dans un bassin d'infiltration qui est situé en zone ND du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux ; que ce bassin ne correspond à aucun des types d'occupation ou d'utilisation du sol autorisés par l'article ND 2 du règlement de cette zone, par exception à l'article ND 1 qui énumère les types d'occupation ou d'utilisation du sol interdits ; que, par suite, et alors même que ce bassin serait enterré et recouvert de terre végétale, le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article ND 2 du règlement du plan d'occupation des sols ;
16. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens, tirés de la méconnaissance des articles L. 110, L. 122-28 L. 145-3- III, R. 111-2, R. 421-1-1, R. 421-2, R. 315-5 du code de l'urbanisme, des articles NA 3, NA 8 et NA 11 du plan d'occupation des sols de la commune et de l'illégalité de ce même plan en tant qu'il procède au classement en zone NA des terrains servant d'assise aux constructions projetées ne sont pas susceptibles de fonder l'annulation du permis attaqué ;
17 Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 25 mars 2004 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux a délivré un permis de construire à la société Les Espaces Magnan doit être annulé ;
18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux et de la société Les Espaces Magnan une somme de 2 000 euros à verser chacune, pour la première instance, l'appel et la cassation, respectivement à MmeD..., M. A...et M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme D..., M. A... et M. C..., qui ne sont pas les parties perdantes dans l'instance devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d'appel ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la société Les Espaces Magnan n'est pas admise.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 février 2010 et les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2007 sont annulés.
Article 3 : L'arrêté du 25 mars 2004 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux a délivré un permis de construire à la société Les Espaces Magnan est annulé.
Article 4 : La commune de Saint-Martin-le-Vinoux et la société Les Espaces Magnan verseront chacune la somme de 2 000 euros respectivement à Mme D..., M. A... et M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux et de la société Les Espaces Magnan présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Martin-le-Vinoux, à la société Les Espaces Magnan, à Mme F...D..., à M. B...A...et à M. E...C....