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04/04/2014 | FRANCE | N°369707

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 04 avril 2014, 369707


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mmes B...A...et C...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 11 février 2013 par lequel le maire d'Ajaccio (Corse-du-Sud) a accordé à la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente (FALEP) de Corse-du-Sud un permis de construire en vue de réaliser des travaux sur un immeuble à usage de centre d'accueil de jour situé 4, avenue Kennedy.
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VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mmes B...A...et C...A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 11 février 2013 par lequel le maire d'Ajaccio (Corse-du-Sud) a accordé à la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente (FALEP) de Corse-du-Sud un permis de construire en vue de réaliser des travaux sur un immeuble à usage de centre d'accueil de jour situé 4, avenue Kennedy.

Par une ordonnance n° 1300416 du 12 juin 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu l'exécution de l'arrêté du maire d'Ajaccio du 11 février 2013.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 12 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente (FALEP) de Corse-du-Sud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1300416 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 12 juin 2013 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée devant ce tribunal par Mmes B... A...et C...A...;

3°) de mettre à la charge de Mmes B...A...et C...A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit en regardant comme sérieux le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation, alors que les prescriptions de cet article ne portent pas sur le libre accès au bâtiment, que les sorties existantes permettaient l'évacuation effective du public et que le simple doute sur la propriété de l'impasse et l'absence de servitude de passage étaient dépourvus d'incidence.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, la commune d'Ajaccio demande au Conseil d'Etat d'admettre son intervention, de faire droit aux conclusions du pourvoi de la FALEP de Corse-du-Sud et de mettre solidairement à la charge de Mmes B...A...et C...A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'associe aux moyens du pourvoi et soutient, en outre, que :

- le juge des référés a insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit en admettant l'intervention de Mme E...A... ;

- il a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'il existait un doute sérieux sur la propriété de l'impasse ;

- il a insuffisamment motivé son ordonnance en ne répondant pas au moyen tiré de ce que le fond de l'impasse appartient au propriétaire de l'immeuble loué par la FALEP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2013, Mmes B...A...et C...A...concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la FALEP de Corse-du-Sud et de la commune d'Ajaccio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'intervention de Mme E... A...est nouveau en cassation et que les autres moyens du pourvoi et de l'intervention ne sont pas fondés.

Par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur un moyen, relevé d'office, tiré de ce que l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas applicable au litige.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 14 février 2014, Mmes A...reprennent les conclusions de leur précédent mémoire et soutiennent que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi n'est pas fondé ;

- en tout état de cause, l'établissement était tenu de disposer de deux sorties en vertu de l'article PE 11 du règlement de sécurité.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération des associations laïques d'éducation permanente (FALEP) de la Corse-du-Sud, et à la SCP Gaschignard, avocat de Mmes C...et B...A....

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur l'intervention de la commune d'Ajaccio :

2. La commune d'Ajaccio, qui était partie à l'instance devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, avait qualité pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance attaquée. Dès lors, son intervention n'est pas recevable. A supposer qu'elle doive être regardée comme un pourvoi en cassation, celui-ci, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 octobre 2013, soit après l'expiration du délai dont disposait la commune pour se pourvoir, serait tardif et, par suite, irrecevable.

Sur les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 123-14 du code de la construction et de l'habitation : " Les établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'établissement sont assujettis à des dispositions particulières déterminées dans le règlement de sécurité. / Le maire, après consultation de la commission de sécurité compétente, peut faire procéder à des visites de contrôle dans les conditions fixées aux articles R. 123-45 et R. 123-48 à R. 123-50 afin de vérifier si les règles de sécurité sont respectées (...) ". Il résulte de ce texte que, sous réserve des établissements disposant de locaux d'hébergement pour le public, régis par le troisième alinéa du même article, les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, à l'exception de celles des articles R. 123-45 et R. 123-48 à R. 123-50 auxquels il fait référence expressément, ne sont pas applicables aux établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité. Il en est ainsi, en particulier, des dispositions de l'article R. 123-7 du même code qui prévoient que " tout établissement doit disposer de deux sorties au moins ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le centre d'accueil de jour géré par la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente (FALEP) de Corse-du-Sud, susceptible de recevoir un effectif maximum de 61 personnes, est classé en établissement de 5e catégorie, laquelle regroupe, en application de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation, les " établissements faisant l'objet de l'article R. 123-14 dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre minimum fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'exploitation ". Par suite, l'article R. 123-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas applicable au centre d'accueil de jour géré par la FALEP de Corse-du-Sud. Dès lors, en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire accordé pour la réhabilitation du bâtiment accueillant ce centre, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, la FALEP de Corse-du-Sud est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mmes B...A...et C...A....

Sur la recevabilité de la demande de suspension :

7. Mmes B...A...et D...A...justifient de leur qualité de nues-propriétaires de l'immeuble contigu de celui qui fait l'objet du permis de construire litigieux, lequel autorise des travaux consistant dans le déplacement de l'entrée principale et dans la modification de la toiture. Par suite, la commune d'Ajaccio et la FALEP de Corse-du-Sud ne sont pas fondées à soutenir qu'elles ne justifieraient pas d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

Sur l'intervention de Mme E...A... :

8. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct ". L'intervention de Mme E...A...a été présentée non par mémoire distinct mais dans un mémoire présenté par Mmes B... A...et C...A.... Dès lors, elle n'est pas recevable.

Sur la recevabilité de la demande d'annulation du permis de construire litigieux :

9. Mmes B...A...et C...A...ont justifié avoir, en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, notifié à la commune d'Ajaccio et à la FALEP de Corse-du-Sud leur requête aux fins d'annulation du permis de construire litigieux, enregistrée le 11 avril 2013 au greffe du tribunal administratif de Bastia, par courriers recommandés avec accusé de réception expédiés le lendemain. Dès lors, la commune d'Ajaccio et la FALEP de Corse-du-Sud ne sont pas fondées à soutenir que la requête de Mmes A... tendant à l'annulation du permis de construire litigieux serait, en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, irrecevable.

Sur l'urgence :

10. Si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d'un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le bénéficiaire du permis ou l'autorité qui l'a délivré justifient de circonstances particulières tenant, notamment, à l'intérêt s'attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai.

11. En l'espèce, en premier lieu, si les travaux portent sur un bâtiment existant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils soient aisément réversibles. En deuxième lieu, la circonstance tenant au démarrage des travaux de désamiantage, invoquée par la FALEP de Corse-du-Sud devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, ne peut être regardée, à la date à laquelle le Conseil d'Etat statue, comme de nature à justifier la poursuite des travaux. En dernier lieu, la seule circonstance que les requérantes aient formé le 23 mai 2013 leur demande de suspension du permis litigieux délivré le 11 février 2013 n'est pas de nature à établir l'absence d'urgence. Par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

Sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 11 février 2013 :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le permis litigieux autorise des travaux de nature à affecter l'aspect d'un bâtiment situé à moins de 500 mètres d'un immeuble classé et donc susceptible d'être considéré comme situé, en vertu de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans le champ de visibilité de cet immeuble. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis aurait été délivré sans avoir fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, en méconnaissance des dispositions des articles L. 621-31 du même code et R. 425-1 et R. 423-67-1 du code de l'urbanisme, est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux.

13. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article PE 11 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public qu'un établissement de 5e catégorie accueillant de 51 à 100 personnes doit disposer d'au moins deux dégagements permettant l'évacuation rapide et sûre de l'établissement. Eu égard au caractère sérieux du litige existant sur la propriété de la plus grande partie de l'impasse sur laquelle donne l'un des deux dégagements et, de ce fait, aux dimensions limitées de l'espace permettant de façon certaine l'évacuation des occupants du centre, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article PE 11 du règlement de sécurité doit également être regardé comme de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux.

14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens soulevés par Mmes A...à l'appui de leur demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 février 2013, tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire, de la violation des articles R. 111-19-18, R. 111-19-19, R. 123-7 et R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation ainsi que de l'existence de manoeuvres frauduleuses, ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux.

15. Il résulte de ce qui précède que Mmes B...A...et C...A...sont fondées à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 février 2013 par lequel le maire d'Ajaccio a délivré un permis de construire à la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente de Corse-du-Sud.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mmes B...A...et C...A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FALEP de Corse-du-Sud et de la commune d'Ajaccio le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à Mmes B... A...et C...A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la commune d'Ajaccio n'est pas admise.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 12 juin 2013 est annulée.

Article 3 : L'intervention présentée par Mme E...A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia n'est pas admise.

Article 4 : L'exécution de l'arrêté du maire d'Ajaccio du 11 février 2013 est suspendue.

Article 5 : La FALEP de Corse-du-Sud et la commune d'Ajaccio verseront chacune une somme de 1 500 euros à Mmes B...A...et C...A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la FALEP de Corse-du-Sud et la commune d'Ajaccio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des associations laïques et d'éducation permanente de Corse-du-Sud, à Mme B...A..., à Mme C...A...et à la commune d'Ajaccio.

Copie en sera adressée pour information à Mme E...A....


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 369707
Date de la décision : 04/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2014, n° 369707
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:369707.20140404
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