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17/03/2014 | FRANCE | N°357594

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 17 mars 2014, 357594


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 25 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes, dont le siège est 31, route des Sarrazins à Pomarez (40360), représenté par sa présidente ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat du 10 janvier 2012 portant approbation de l'a

venant n° 3 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes libéra...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 25 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes, dont le siège est 31, route des Sarrazins à Pomarez (40360), représenté par sa présidente ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat du 10 janvier 2012 portant approbation de l'avenant n° 3 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes libéraux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2014, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 mars 2014, présentée pour l'UNCAM ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat du syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

1. Considérant que, sur le fondement de l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont approuvé, par l'arrêté attaqué du 10 janvier 2012, l'avenant n° 3 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, conclu le 30 novembre 2011 entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale ; qu'il résulte des stipulations du quatrième alinéa du point 1.2.1.1. de l'avenant litigieux que, dans les zones " sur-dotées ", l'accès au conventionnement d'un masseur-kinésithérapeute ne peut intervenir que si un autre masseur-kinésithérapeute cesse son activité libérale dans la zone considérée ; que ces stipulations, qui instituent une limitation du nombre de professionnels susceptibles d'être conventionnés dans certaines zones, touchent aux principes fondamentaux de la sécurité sociale ; que, dès lors, elles ne pouvaient être légalement approuvées en l'absence d'une habilitation expresse du législateur ;

3. Considérant, il est vrai, que le ministre chargé de sécurité sociale et l'UNCAM se prévalent des dispositions de l'article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale selon lesquelles : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les masseurs-kinésithérapeutes sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs des organisations syndicales les plus représentatives des masseurs-kinésithérapeutes et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. / Cette convention détermine notamment : (...) 3° Les conditions à remplir par les masseurs-kinésithérapeutes pour être conventionnés et notamment celles relatives aux modalités de leur exercice professionnel et à leur formation ; (...) 9° Les mesures d'adaptation, notamment incitatives, des dispositions de l'article L. 162-14-1 et du présent article applicables aux masseurs-kinésithérapeutes en fonction du niveau de l'offre en soins au sein de chaque région dans les zones définies par l'agence régionale de santé en application de l' article L. 1434-7 du code de la santé publique (...) " ; qu'il résulte toutefois de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 19 décembre 2007 de financement de sécurité sociale pour 2008 dont le 9° est issu, que le législateur n'a pas entendu permettre l'adoption par les partenaires conventionnels de mesures limitant de façon contraignante les possibilités de conventionnement en fonction de la zone géographique d'installation ; qu'au demeurant, les dispositions de cet alinéa sont issues de la même loi que celles de l'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale, applicables aux infirmiers, qui prévoient que la convention détermine " les conditions à remplir par les infirmiers pour être conventionnés et notamment celles relatives (...) à la zone d'exercice définie par l'agence régionale de santé en application de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique " ; que les dispositions de l'article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale ne peuvent, ainsi, être regardées comme habilitant les signataires de la convention à subordonner le conventionnement des masseurs-kinésithérapeutes à une condition relative à la zone d'exercice ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant est fondé à soutenir que l'avenant n° 3 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, en tant qu'il subordonne l'accès au conventionnement d'un masseur-kinésithérapeute dans certaines zones à la cessation d'activité libéral d'un autre masseur-kinésithérapeute est entaché d'incompétence ; que ces stipulations, ainsi que celles des points 1.2.1.3. et 1.2.1.4. et de l'annexe 5 qui en organisent les modalités, sont divisibles des autres stipulations de l'avenant litigieux ; que leur illégalité entache d'illégalité l'arrêté attaqué en tant qu'il les approuve ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, dirigés contre les mêmes stipulations, que le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2012 dans cette mesure seulement ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 10 janvier 2012 est annulé en tant qu'il approuve le quatrième alinéa du point 1.2.1.1., les points 1.2.1.3. et 1.2.1.4. et l'annexe 5 de l'avenant n° 3 à la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes libéraux.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros au syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du syndicat de masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée à la fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 357594
Date de la décision : 17/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-02-01 SÉCURITÉ SOCIALE. RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES. RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS DE SANTÉ. - CONVENTION NATIONALE ENTRE L'ASSURANCE MALADIE ET LES MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES - STIPULATIONS LIMITANT LE NOMBRE DE PROFESSIONNELS POUVANT ÊTRE CONVENTIONNÉS DANS LES ZONES SUR-DOTÉES - MISE EN CAUSE DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - NÉCESSITÉ D'UNE HABILITATION LÉGISLATIVE - EXISTENCE - DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L. 162-12-9 DU CSS CONSTITUTIVES D'UNE TELLE HABILITATION - ABSENCE.

62-02-01 Les stipulations par lesquelles la convention conclue entre une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des masseurs-kinésithérapeutes et l'union nationale des caisses d'assurance maladie institue une limitation du nombre de professionnels susceptibles d'être conventionnés dans les zones sur-dotées touchent aux principes fondamentaux de la sécurité sociale au sens de l'article 34 de la Constitution et ne peuvent dès lors être légalement approuvées qu'en présence d'une habilitation expresse du législateur.,,,Il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale (CSS), selon lesquelles cette convention détermine les conditions de conventionnement des masseurs-kinésithérapeutes, et de celles du 9° du même article, selon lesquelles elle détermine les mesures d'adaptation, notamment incitatives, des dispositions de cet article L. 162-12-9 et de l'article L. 162-14-1 du même code, en fonction du niveau de l'offre en soins au sein de chaque région dans les zones définies à cet effet par l'agence régionale de santé, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 19 décembre 2007 de financement de sécurité sociale pour 2008 dont le 9° est issu, que le législateur n'a pas entendu permettre l'adoption par les partenaires conventionnels de mesures limitant de façon contraignante les possibilités de conventionnement en fonction de la zone géographique d'installation.,,,Par suite, les stipulations de la convention sont, en l'absence d'habilitation législative, entachées d'incompétence.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2014, n° 357594
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:357594.20140317
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