Vu la requête, enregistrée le 14 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Elena, dont le siège est au bureau des associations de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, à la Maison du barreau, 2-4, rue de Harlay à Paris (75001), l'association action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), dont le siège est 7, rue Georges Lardenois à Paris (75009), la fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), dont le siège est 58, rue des Amandiers à Paris (75020), l'association Amnesty International France, dont le siège est 76, boulevard de la Villette à Paris (75019), l'association Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), l'association Dom'Asile, dont le siège est 46, boulevard des Batignolles à Paris (75017), l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), dont le siège est au bureau des associations de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, à la Maison du barreau, 2-4, rue de Harlay, à Paris (75001), l'association Ligue des droits de l'homme (LDH), dont le siège est 138, rue Marcadet à Paris (75018), l'association d'accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR), dont le siège est à l'hôpital Sainte-Anne - Pavillon Piera Aulagnier, 1, rue Cabanis à Paris (75014), l'association JRS France-Service Jésuite des Réfugiés, dont le siège est 14, rue d'Assas à Paris (75006), l'association Centre Primo Levi, dont le siège est 107, avenue Parmentier à Paris (75011), l'association France Terre d'Asile, dont le siège est 24, rue Marc Seguin à Paris (75018), et l'association la Cimade, dont le siège est 64, rue Clisson à Paris (75013), agissant par leurs représentants légaux en exercice ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 16 décembre 2013 du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) inscrivant sur la liste des pays d'origine sûrs la République du Kosovo, la République d'Albanie et la Géorgie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros à chaque association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision litigieuse porte une atteinte grave aux intérêts des demandeurs d'asile provenant d'un pays d'origine sûr et à l'intérêt supérieur de l'enfant, qu'elles entendent défendre, à leur propre situation, ainsi qu'à celle de l'OFPRA et des juridictions administratives ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2014, présenté pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie ;
- aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
Vu les observations, enregistrées le 6 mars 2014, présentées par le ministre de l'intérieur ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Elena et autres et, d'autre part, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 mars 2014 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Elena et autres ;
- les représentants de l'association Elena et autres ;
- Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- le représentant du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif à la condition, notamment, que l'urgence le justifie ; que tel est le cas lorsque l'exécution d'un acte porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
2. Considérant que, par une décision du 16 décembre 2013, le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs la République du Kosovo, la République d'Albanie et la Géorgie ; que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de cette décision, les associations requérantes font valoir qu'elle prive les ressortissants de ces pays, notamment les enfants, des garanties attachées à l'examen des demandes d'asile et qu'elle affecte gravement tant les conditions d'activité et de fonctionnement de l'OFPRA et des juridictions administratives que leur propre situation ;
3. Considérant, toutefois, que l'inscription sur cette liste a pour unique objet de déterminer les pays dont les ressortissants verront leur demande d'octroi de l'asile ou de la protection subsidiaire traitée par l'OFPRA par priorité, en application des dispositions des articles L. 723-1 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a pas pour effet de les priver des garanties essentielles qui s'attachent à la mise en oeuvre du droit d'asile ; que s'il résulte du 2° de l'article L. 741-4 que le préfet peut refuser l'admission provisoire au séjour d'un demandeur d'asile en provenance d'un pays considéré comme sûr, l'intéressé peut, en vertu de l'article L. 742-6, se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA ; que ce dernier procède, dans tous les cas, à un examen individuel de la situation de chaque demandeur ; qu'il en va de même, le cas échant, de la Cour nationale du droit d'asile ; que les demandeurs d'asile relevant de cette catégorie ont également droit, jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente ainsi que d'un hébergement d'urgence, sans que les effets de la décision contestée sur le cas de ceux qui sont accompagnés d'enfants ainsi que sur celui des mineurs isolés ait une incidence, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, sur l'appréciation de la condition d'urgence ; que, si ces demandeurs font l'objet d'une mesure d'éloignement, ils peuvent introduire, devant la juridiction administrative, un recours suspensif, à l'occasion duquel peut en particulier être discuté le choix du pays de renvoi, au regard notamment des risques auxquels l'intéressé soutiendrait, le cas échéant, être exposé en cas de retour dans ce pays ; qu'en cas d'éloignement effectif, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le recours que l'intéressé a pu présenter à la Cour nationale du droit d'asile soit examiné ; que, par ailleurs, il n'apparaît pas que la décision du 16 décembre 2013 soit susceptible d'avoir, sur le fonctionnement des associations requérantes ou sur celui de l'OFPRA et des juridictions administratives, des effets permettant de caractériser en eux-mêmes une situation d'urgence ;
4. Considérant que, dans ces conditions, et alors que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sera normalement en mesure de se prononcer sur la requête en annulation dans les prochains mois, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, la requête de l'association Elena et autres doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Elena et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Elena, premier requérant dénommé, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre de l'intérieur. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.