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12/03/2014 | FRANCE | N°360642

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 12 mars 2014, 360642


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société GSD Gestion, dont le siège est 37, rue de Liège à Paris (75008), M. C...B...et M. D...B..., domiciliés tous deux à cette même adresse ; la société GSD Gestion et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 mai 2012 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé, d'une part, une sanction de 150 000 euros et un blâme à l'encontre

de la société GSD Gestion, d'autre part, un blâme à l'encontre de M. C...B......

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 2 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société GSD Gestion, dont le siège est 37, rue de Liège à Paris (75008), M. C...B...et M. D...B..., domiciliés tous deux à cette même adresse ; la société GSD Gestion et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 mai 2012 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé, d'une part, une sanction de 150 000 euros et un blâme à l'encontre de la société GSD Gestion, d'autre part, un blâme à l'encontre de M. C...B...et de M. D...B...et, enfin, a décidé de publier cette décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de retirer toute mention de la décision attaquée de son site internet et de ses publications, et d'insérer en première page de ce site, dans les deux jours de la notification de la décision à intervenir, un encart faisant état de l'annulation par le Conseil d'Etat de la décision attaquée, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société GSD Gestion et de MM. C...et D...B..., et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé, le 22 juillet 2009, de faire procéder à un contrôle du respect, par la société GSD Gestion, de ses obligations professionnelles, portant principalement sur " les conditions d'investissement dans certaines catégories d'instruments financiers gérés dans le cadre de mandats et sur le respect des dispositions réglementaires visant à encadrer l'effet de levier des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ", pour la période du 1er janvier 2007 au 31 juin 2009 ; qu'à l'occasion de l'examen de la situation de deux clients, M. et MmeA..., désireux de placer " sans risque " une importante somme d'argent et pour le compte desquels la société GSD a souscrit des " Euro Medium Terme Note " (EMTN) émis par une banque islandaise dont la mise en faillite est intervenue avant qu'il ait été procédé au remboursement de ces titres, les contrôleurs ont constaté, au sein de la société, des pratiques susceptibles de constituer des manquements ; que le 25 janvier 2011, au vu du rapport de contrôle et des observations qu'il a suscitées, le collège de l'AMF a notifié à la société GSD et à MM. C...et D...B..., pris en leur qualité respective de président directeur général et de directeur général délégué, des griefs tirés de l'insuffisance de l'organisation de la société pour mener à bien ses activités et du non-respect de l'obligation d'agir au mieux des intérêts de ses clients ; que, par une décision du 3 mai 2012, la commission des sanctions de l'AMF a infligé à la société GSD Gestion une sanction pécuniaire de 150 000 euros assortie d'un blâme et à MM. C... et D...B...un blâme ; qu'elle a également décidé de publier la décision sur le site internet de l'AMF ; que la société et les personnes sanctionnées ont formé un recours contre cette décision ; que, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 621-30 et du quatrième alinéa de l'article R. 621-45 du code monétaire et financier, le président de l'Autorité des marchés financiers a présenté un recours incident tendant à ce que les sanctions prononcées soient aggravées ;

Sur la régularité :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'absence de signature manuscrite du président de la 1ère section de la commission des sanctions sur la décision attaquée manque en fait ; qu'il ne peut, par suite, qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " Un membre du collège, ayant examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction, est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction " ; que, d'une part, eu égard au caractère et aux modalités de la procédure suivie devant la commission des sanctions ainsi qu'à la possibilité offerte aux personnes poursuivies de s'exprimer en dernier lieu lors de l'audience, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les modalités de la participation du membre du collège de l'AMF à la procédure de sanction seraient, par elles-mêmes, contraires au principe d'égalité des armes garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, d'autre part, les requérants n'établissent pas, au cas d'espèce, qu'ils auraient été privés de la possibilité de répondre aux observations du représentant du collège au cours de la procédure de sanction ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si le collège de l'AMF utilise la faculté, ouverte par les dispositions du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier cité ci-dessus, de désigner un agent de ses services pour le représenter au cours de la procédure de sanction, ni les dispositions du I de l'article L. 621-15, ni l'article R. 621-40 de ce code n'imposent, contrairement à ce qui est soutenu, que soit nommément désigné, dans les visas de la décision de la commission des sanctions, le membre du collège que cet agent représenterait ; qu'ainsi, la mention, dans les visas de la décision attaquée, selon laquelle MmeE..., agent des services de l'AMF, aurait été entendue en qualité de représentante du collège de l'Autorité n'est pas entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne les manquements :

S'agissant du grief tiré du non respect du programme d'activité :

5. Considérant qu'en vertu de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier, les sociétés de gestion de portefeuille sont agréées par l'Autorité des marchés financiers ; que, pour délivrer l'agrément, l'Autorité vérifie notamment que la société dispose d'un programme d'activité pour chacun des services qu'elle entend exercer ; que ce programme d'activité précise les conditions dans lesquelles la société de gestion de portefeuille envisage de fournir les services d'investissements concernés ou d'exercer la gestion des organismes de placement collectif en valeur mobilière (OPCVM) et indique le type d'opérations envisagées ainsi que la structure d'organisation de la société ; que les sociétés de gestion de portefeuille doivent satisfaire, à tout moment, aux conditions de leur agrément, au nombre desquelles figure le respect de leur programme d'activité ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, en vertu du programme d'activité annexé à son dossier d'agrément, la société GSD Gestion n'était pas autorisée à utiliser des instruments financiers non cotés ; que cette société a cependant acquis, pour le compte de M. et Mme.A..., des " Euro Medium Term Notes " (EMTN) émis par la banque Landsbanki Island HF, dont il n'est pas contesté qu'ils ne faisaient l'objet d'aucune cotation sur un marché réglementé ou organisé ; que, d'autre part, si la société exerçait par ailleurs des activités de gestion collective pour lesquelles, en vertu de dispositions spécifiques relatives à la composition de l'actif des OPCVM, elle était habilitée à avoir recours à d'autres types d'instruments financiers, seuls les instruments financiers décrits dans le programme d'activité annexé à son agrément pour l'activité de gestion individuelle de portefeuille sous mandat pouvaient être utilisés dans le cadre de cette activité ; que, par suite, en retenant que les investissements litigieux avaient été réalisés en violation du programme d'activité de la société GSD et, dès lors, de son agrément, la commission des sanctions de l'AMF n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant que la commission des sanctions de l'AMF a jugé que les carences dans la gestion des risques et le suivi des positions prises par GSD constituaient une circonstance aggravante du manquement tiré du non respect du programme d'activité mentionné au point précédent ; que si les requérants soutiennent que de telles carences ne seraient pas établies, ils n'apportent pas d'éléments de nature à démontrer que l'appréciation de la commission des sanctions sur ce point serait erronée ;

S'agissant du grief tiré de l'information incomplète et de l'absence de mise en garde des clients sur les caractéristiques des EMTN :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un fax adressé le 22 mai 2007 à l'expert comptable de M. et MmeA..., la société GSD Gestion a informé ses clients des caractéristiques des EMTN, de la qualité de la signature de la banque Landsbanki Island HF et du rendement actuariel attendu, de 4,56 % en devise euro ; qu'il est reproché à la société GSD d'avoir donné à ses clients une information insuffisante, s'agissant de la cotation des EMTN, et erronée, s'agissant du taux de rendement actuariel attendu, et d'avoir ainsi méconnu les articles L. 533-4 du code monétaire et financier, 322-63 et 322-64 du règlement général de l'AMF, en vigueur au moment de la souscription, desquels il résulte, d'une part, que les prestataires de services d'investissement doivent communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles afin de permettre au client de confier la gestion de ses actifs ou de prendre une décision d'investissement ou de désinvestissement en toute connaissance de cause et, d'autre part, que le devoir d'information comporte la mise en garde contre les risques encourus ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'alors même que M. et MmeA..., clients de la société GSD Gestion, n'avaient pas manifesté l'intention de se défaire des titres souscrits, l'information relative à l'absence de cotation des EMTN émis par Landsbanki Island HF était au nombre des informations utiles pour leur permettre apprécier l'opportunité de leur décision d'investissement et les risques encourus, dès lors que cette information déterminait directement le niveau de liquidité des titres ; que, par suite, en estimant que le manquement tiré de l'information incomplète et de l'absence de mise en garde sur les caractéristiques des EMTN n'était pas caractérisé, au motif que les clients de la société n'avaient " pas l'intention de se défaire des titres ", la commission des sanctions a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que ce manquement doit, au contraire, être regardé comme caractérisé ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que le taux de rendement actuariel annoncé par la société GSD et ses dirigeants à ses clients le 22 mai 2007, d'un montant de 4,56 % en devise euros, était erroné ; que les mis en cause ont affirmé devant la commission des sanctions de l'AMF avoir recalculé le taux actuariel attendu à 4,06 %, la différence de taux résultant du retard d'un mois dont a été affectée la souscription des EMTN, et en avoir informé M. et MmeA..., qui n'auraient pas formulé de contestation ; que, pour écarter le grief tiré de l'insuffisante information des clients sur ce point, la commission des sanctions s'est fondée sur le fait que le fax du 22 mai 2007 étant antérieur à la souscription, rien ne permettait d'écarter les justifications invoquées par les mis en cause ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à ces derniers d'établir qu'ils avaient effectivement porté à la connaissance de M. et Mme A...l'information relative au taux corrigé de rendement actuariel attendu, la commission des sanctions de l'AMF a commis une erreur de droit ; que, les mis en cause n'apportant aucun élément devant le Conseil d'Etat de nature à établir qu'ils se sont effectivement acquittés de leur obligation d'informer M. et Mme A...de leur erreur dans le calcul du taux de rendement actuariel attendu, le manquement à l'obligation d'information suffisante des clients sur le taux de rendement actuariel, lequel constitue l'une des caractéristiques essentielles de l'investissement litigieux, doit être regardé comme caractérisé ;

S'agissant du grief tiré du non respect de l'obligation d'agir au mieux des intérêts des clients et du non respect des objectifs poursuivis par M. et Mme A...:

11. Considérant qu'en vertu de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, repris aujourd'hui à l'article L. 533-11, et de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, les prestataires de services d'investissement sont tenus, lorsqu'ils fournissent des services d'investissement et des services connexes à des clients, d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, et de servir au mieux les intérêts de leurs clients ; qu'il leur incombe, en conséquence, de procéder à une analyse des intérêts de leurs clients, compte tenu notamment des préférences qu'ils ont exprimées en termes de risque, des performances qu'ils recherchent et des investissements disponibles, et, avant de procéder à un investissement, de clarifier avec eux, si nécessaire, les objectifs poursuivis, en leur indiquant dans quelle mesure les placements proposés peuvent ou non satisfaire chacun de ces objectifs ; qu'il en résulte que, quels que soient les objectifs d'investissement exprimés par leurs clients, les prestataires de services d'investissement doivent s'abstenir de procéder à des choix d'investissements qui seraient manifestement incompatibles avec l'un des objectifs ainsi exprimés ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, M. et Mme A... poursuivaient un objectif " d'optimisation fiscale " consistant à minimiser leurs revenus imposables au titre de l'année 2008 ; que, d'autre part, M. et Mme A...a avaient fait part de leur préoccupation, reprise par GSD Gestion dans leur audit patrimonial, pour l'un, de " définir une stratégie de placement dans un cadre fiscal optimisé et avec un niveau de risque nul " et, pour l'autre, de " définir une stratégie de placement évolutive (...) dans un cadre fiscal optimisé et avec un niveau de risque peu élevé " ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'investissement recommandé par la société GSD consistait à investir 70% des fonds placés par M. et Mme A...dans des EMTN Landsbanki Island HF, instruments financiers non cotés sur un marché réglementé, assortis d'un double coupon en 2007 mais d'aucun pour l'exercice 2008 ;

14. Considérant que, pour écarter le grief tiré de ce que la société GSD et ses dirigeants n'auraient pas respecté les objectifs poursuivis par leurs clients ni agi au mieux de leurs intérêts, la commission des sanctions de l'AMF s'est fondée sur le caractère difficilement conciliable des deux objectifs exprimés par M. et MmeA..., sur le caractère prépondérant de l'objectif dit " d'optimisation fiscale " ainsi que sur la circonstance que l'investissement dans les EMTN, qui portait sur plus de 70% des fonds placés, ne représentait que le tiers du patrimoine de M. et Mme A...; que toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 11, d'une part, qu'en statuant ainsi, la commission des sanctions de l'AMF a commis une erreur de droit, dès lors que, à le supposer avéré, le caractère contradictoire des objectifs d'investissements énoncés par les clients n'était pas, par lui-même, de nature à exonérer le prestataire de service d'investissement de ses responsabilités propres en termes d'analyse des placements financiers et de prise en compte de l'intérêt de ses clients ; que, d'autre part, au vu des principales caractéristiques de l'investissement décrites au point précédent et eu égard au degré important d'aversion au risque exprimé par M. et MmeA..., la société GSD et ses dirigeants n'ont pas agi au mieux des intérêts de leurs clients en leur proposant un investissement qui, certes, permettait d'atteindre leur objectif dit " d'optimisation fiscale ", mais qui présentait aussi, compte tenu de l'absence de diversification des risques et des caractéristiques mêmes des EMTN souscrits, un niveau de risque extrêmement élevé ; que, par suite, le manquement aux obligations résultant de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, repris aujourd'hui à l'article L. 533-11, et de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, est caractérisé ;

En ce qui concerne les sanctions :

S'agissant de l'imputabilité :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier, les sociétés de gestion de portefeuille doivent, pour être agréées, " (...) être dirigées par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente (...) " ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 313-6 du règlement général de l'AMF, la responsabilité de s'assurer que le prestataire de services d'investissement se conforme à ses obligations professionnelles incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'époque des faits, M. C... B...exerçait les fonctions de président directeur général de la société GSD Gestion tandis que M. D...B...exerçait celles de directeur général délégué ; que si M. D... B...avait pour mission, en sa qualité de responsable de la conformité et du contrôle interne, de contrôler et d'évaluer l'adéquation et l'efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place pour détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier et de conseiller les personnes concernées chargées des services d'investissement afin qu'elles se conforment à ces obligations professionnelles, il avait également, en qualité de dirigeant de la société GSD et ainsi qu'il a été dit au point précédent, la responsabilité du respect par la société qu'il dirigeait de ses obligations professionnelles ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. D...B..., la circonstance qu'il ait été mis en cause par la commission des sanctions de l'AMF en sa seule qualité de directeur général délégué, alors qu'il occupait par ailleurs les fonctions de responsable de la conformité et du contrôle, ne fait pas obstacle à ce que sa responsabilité soit recherchée pour des manquements tirés de l'organisation insuffisante de la société pour mener à bien ses activités et du non respect de l'obligation d'agir au mieux des intérêts des clients ;

S'agissant du quantum :

17. Considérant qu'en vertu du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements " ;

18. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une requête dirigée contre une sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'AMF, de vérifier que son montant était, à la date à laquelle elle a été infligée, proportionné tant aux manquements commis qu'à la situation, notamment financière, de la personne sanctionnée ; que dans l'hypothèse où il est amené, dans le cadre d'un recours des personnes sanctionnées ou d'un recours incident du président de l'AMF, à réformer cette sanction, il lui appartient également, eu égard à son office de juge de plein contentieux, de tenir compte de la situation de la personne sanctionnée à la date à laquelle il statue pour apprécier si le montant de l'amende, qu'il substitue à celle prononcée par la commission des sanctions, est proportionné à cette situation ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que deux manquements, tirés respectivement de l'information insuffisante des clients sur l'absence de cotation des EMTN et le taux de rendement actuariel attendu et du non respect des objectifs poursuivis par les clients et de leurs intérêts, écartés à tort par la commission des sanctions, doivent être ajoutés à ceux déjà retenus dans la décision attaquée, et justifient que soient réformées en conséquence les sanctions prononcées à l'encontre de la société GSD Gestion et de MM. C...et D...B...;

20. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard, d'une part, à la nature et à la gravité des manquements constatés, qui procèdent d'une organisation insuffisante de la société pour mener à bien ses activités et du non respect de l'obligation d'agir au mieux des intérêts des clients et à la circonstance que la société GSD Gestion a déjà été sanctionnée en 2004 par la commission des sanctions pour non respect de ses obligations professionnelles, d'autre part, au fait que la société GSD et ses dirigeants n'ont retiré aucun profit ni aucun avantage de ces manquements et se sont efforcés de remédier à certains des dysfonctionnements constatés, et alors qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi que M. et Mme A...auraient perçu, à la suite d'une procédure judiciaire introduite à leurs côtés par la société GSD et ses dirigeants, une somme couvrant les fonds qu'ils ont perdus, il y a lieu de porter la sanction pécuniaire infligée à la société GSD Gestion à 300 000 euros ; qu'il y a lieu de prononcer à l'encontre de M. C... B..., qui outre sa responsabilité en qualité de dirigeant de la société GSD, assurait personnellement la gestion du portefeuille de M. et MmeA..., une sanction pécuniaire de 30 000 euros et, à l'encontre de M. D...B..., en sa qualité de dirigeant de la société GSD, une sanction pécuniaire d'un montant de 15 000 euros ; que la présente décision, qui réforme le quantum des sanctions infligées par la décision du 3 mai 2012, publiée sur le site internet de l'AMF, implique que l'AMF en fasse mention sur son site internet ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de la société GSD Gestion et autres ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le président de l'AMF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société GSD Gestion et autres est rejetée.

Article 2 : La sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de la société GSD Gestion est portée à 300 000 euros.

Article 3 : Une sanction pécuniaire d'un montant de 30 000 euros est prononcée à l'encontre de M. C...B....

Article 4 : Une sanction pécuniaire d'un montant de 15 000 euros est prononcée à l'encontre de M. D...B....

Article 5 : La décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en date du 3 mai 2012 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 6 : Le surplus des conclusions du recours incident du président de l'Autorité des marchés financiers et les conclusions de l'Autorité des marchés financiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : Il est enjoint à l'Autorité des marchés financiers de mentionner la présente décision sur son site internet.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la société GSD Gestion, premier requérant dénommé et au président de l'Autorité des marchés financiers. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation, qui les représente devant le conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360642
Date de la décision : 12/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - PRESTATAIRES DE SERVICES FINANCIERS - OBLIGATION DE SERVIR AU MIEUX LES INTÉRÊTS DES CLIENTS - PORTÉE.

13-01 En vertu de l'article L. 533-4 du code des marchés financiers (CMF), repris aujourd'hui à l'article L. 533-11, et de l'article 314-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, les prestataires de services d'investissement sont tenus, lorsqu'ils fournissent des services d'investissement et des services connexes à des clients, d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, et de servir au mieux les intérêts de leurs clients. Il leur incombe, en conséquence, de procéder à une analyse des intérêts de leurs clients, compte tenu notamment des préférences qu'ils ont exprimées en termes de risque, des performances qu'ils recherchent et des investissements disponibles, et, avant de procéder à un investissement, de clarifier, si nécessaire, avec eux les objectifs poursuivis, en leur indiquant dans quelle mesure les placements proposés peuvent ou non satisfaire chacun de ces objectifs. Il en résulte que, quels que soient les objectifs d'investissement exprimés par leurs clients, les prestataires de services d'investissement doivent s'abstenir de procéder à des choix d'investissements qui seraient manifestement incompatibles avec l'un des objectifs ainsi exprimés.

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - COMMISSION DES SANCTIONS - 1) POUVOIRS DU JUGE SAISI D'UN RECOURS PRINCIPAL OU INCIDENT DU PRÉSIDENT DE L'AMF CONTRE UNE SANCTION PRONONCÉE PAR LA COMMISSION DES SANCTIONS (ART - L - 621-30 ET R - 621-45 DU CMF) - POSSIBILITÉ DE RETENIR DES MANQUEMENTS ÉCARTÉS PAR LA COMMISSION DES SANCTIONS ET - COMPTE TENU DE LA GRAVITÉ DE L'ENSEMBLE DES MANQUEMENTS RETENUS PAR LUI ET DE LA SITUATION DE LA PERSONNE SANCTIONNÉE À LA DATE À LAQUELLE IL STATUE - DE RÉFORMER LA SANCTION PRONONCÉE INITIALEMENT - EXISTENCE - 2) MANQUEMENT DE NATURE À JUSTIFIER UNE SANCTION - OBLIGATION POUR LES PRESTATAIRES DE SERVICES D'INVESTISSEMENT DE SERVIR AU MIEUX LES INTÉRÊTS DE LEURS CLIENTS - PORTÉE.

13-01-02-01 1) Le juge administratif, saisi d'un recours principal ou incident du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) contre une sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'AMF, vérifie que son montant était, à la date à laquelle elle a été infligée, proportionné tant aux manquements commis qu'à la situation, notamment financière, de la personne sanctionnée. Il peut retenir des manquements écartés par la commission des sanctions. Dans l'hypothèse où, au regard de l'ensemble des manquements finalement retenus, il est amené à réformer cette sanction, il lui appartient également, eu égard à son office de juge de plein contentieux, de tenir compte de la situation de la personne sanctionnée à la date à laquelle il statue pour apprécier si le montant de l'amende, qu'il substitue à celle prononcée par la commission des sanctions, n'est pas excessif au regard de cette situation.,,,2) En vertu de l'article L. 533-4 du code des marchés financiers (CMF), repris aujourd'hui à l'article L. 533-11, et de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, les prestataires de services d'investissement sont tenus, lorsqu'ils fournissent des services d'investissement et des services connexes à des clients, d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, et de servir au mieux les intérêts de leurs clients. Il leur incombe, en conséquence, de procéder à une analyse des intérêts de leurs clients, compte tenu notamment des préférences qu'ils ont exprimées en termes de risque, des performances qu'ils recherchent et des investissements disponibles, et, avant de procéder à un investissement, de clarifier, si nécessaire, avec eux les objectifs poursuivis, en leur indiquant dans quelle mesure les placements proposés peuvent ou non satisfaire chacun de ces objectifs. Il en résulte que, quels que soient les objectifs d'investissement exprimés par leurs clients, les prestataires de services d'investissement doivent s'abstenir de procéder à des choix d'investissements qui seraient manifestement incompatibles avec l'un des objectifs ainsi exprimés.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2014, n° 360642
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360642.20140312
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