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26/02/2014 | FRANCE | N°353724

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 26 février 2014, 353724


Vu, 1° sous le n° 353724, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre 2011 et 30 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sud Radio Services, dont le siège est 94, rue du Lac à Labège (31681) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-671 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention conclue avec lui le 11 mai 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat l

e versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu, 1° sous le n° 353724, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre 2011 et 30 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sud Radio Services, dont le siège est 94, rue du Lac à Labège (31681) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-671 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention conclue avec lui le 11 mai 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 353725, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre 2011 et 30 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sud Radio +, dont le siège est 7, rue du Colombier à Orléans (45000) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-672 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention conclue avec lui le 17 mai 2011 ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3° sous le n° 353726, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 octobre 2011 et 30 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sud Radio Services, dont le siège est 94, rue du Lac à Labège (31681) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2011-673 du 31 août 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention conclue avec lui le 8 juillet 2008 ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Sud Radio Services et Sud Radio + ;

Vu la décision n° 2013-359 QPC du 13 décembre 2013 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Sud Radio Services et Sud Radio + ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de la société Sud Radio Services et de la société Sud Radio + ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Sud Radio Services a été autorisée par une décision n° 2011-302 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 11 mai 2011 à exploiter un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence en catégorie E dénommé Sud Radio dans les zones de Clermont-Ferrand et Limoges ; qu'elle avait auparavant été autorisée à exploiter des services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence en catégorie B dénommés Sud Radio dans différentes zones du territoire métropolitain ; que la société EURL Sud Radio + a été autorisée par une décision n° 2011-390 du CSA du 17 mai 2011 à exploiter un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence en catégorie E, à Paris, dénommé Sud Radio + ; que les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre les décisions du CSA mettant en demeure les requérantes de se conformer aux conventions qu'elles ont conclues avec lui présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 2-4 des conventions qu'elles ont signées les 8 juillet 2008, 11 mai et 17 mai 2011 avec le CSA, en application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986, les requérantes se sont engagées à veiller dans leurs programmes " à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur (...) appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée " ; qu'aux termes de l'article 4-2-1 de ces conventions : " Le Conseil peut mettre en demeure le titulaire de respecter les obligations qui lui sont imposées par la décision d'autorisation ou les dispositions figurant dans la convention et dans les avenants qui pourraient lui être annexés. Il rend publique cette mise en demeure " ;

3. Considérant que, par les décisions attaquées, le CSA a, en application de l'article 4-2-1 précité, mis en demeure les sociétés Sud Radio Services et Sud Radio +, après la diffusion le 22 août 2011 d'une émission intitulée " Cardoze / Mazet, liberté de parole ", de respecter les exigences mentionnées à l'article 2-4 précité des conventions des 8 juillet 2008, 11 mai et 17 mai 2011 ;

Sur la légalité externe :

4. Considérant, en premier lieu, que les mises en demeure prises en application d'une convention entre le CSA et le bénéficiaire d'une autorisation d'émettre délivrée en application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ne constituent pas des décisions qui infligent une sanction ; qu'elles n'ont pas davantage le caractère d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, les sociétés requérantes ne peuvent utilement soutenir que les mises en demeure qui leur ont été adressées ne pouvaient légalement intervenir qu'au terme d'une procédure conforme au principe général des droits de la défense et aux exigences prévues par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments apportés par le CSA, qui ne sont pas sérieusement contestés pas la société requérante, que l'ordre du jour de la séance du 31 août 2011 pendant laquelle ont été décidées les mises en demeure attaquées a été communiqué aux conseillers dans les délais prescrits par l'article 3 du règlement intérieur du CSA ;

6. Considérant, enfin, qu'il ressort du procès verbal de la séance plénière du 31 août 2011 au cours de laquelle ont été prises les décisions attaquées, que la condition de quorum prévue à l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 et rappelée à l'article 3 du règlement intérieur du CSA était remplie ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait ;

Sur la légalité interne :

7. Considérant que, par une décision du 13 décembre 2013, le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérantes, a déclaré l'article 42 conforme à la Constitution de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de cet article conférant au Conseil supérieur de l'audiovisuel un pouvoir de mise en demeure porteraient atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours d'une émission radiophonique intitulée " Cardoze / Mazet, liberté de parole " diffusée par les requérantes le 22 août 2011 à partir de 17h15, l'un des animateurs de cette émission a encouragé à plusieurs reprises les auditeurs à donner leur avis sur la question de savoir si un " lobby juif " existait en France et si une personnalité politique, alors mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, avait bénéficié du soutien de ce " lobby " ; que cet animateur s'est félicité de l'intervention d'une auditrice affirmant que tel était le cas ; que ces propos faisaient suite à une émission, diffusée quelques heures plus tôt sur les mêmes services, au cours de laquelle un auditeur avait pu tenir des propos identiques ; qu'en dépit de la réprobation aussitôt exprimée par l'autre animateur de l'émission, ces propos à caractère antisémite ainsi que les efforts délibérés du premier animateur pour les susciter ont constitué un encouragement à des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;

9. Considérant, par suite, que le CSA a pu, à bon droit, mettre en demeure les requérantes de respecter les obligations résultant de l'article 2-4 des conventions précitées ; qu'en prenant cette mesure destinée à prévenir des encouragements à la discrimination, il n'a pas porté à la liberté d'expression une atteinte excessive ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions du CSA du 31 août 2011 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n° 353724, 353725 et 353726 sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Sud Radio Services, à la Société Sud Radio +, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 353724
Date de la décision : 26/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 fév. 2014, n° 353724
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:353724.20140226
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