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19/02/2014 | FRANCE | N°371729

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 19 février 2014, 371729


Vu 1°, sous le n° 371729, la requête, enregistrée le 29 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. F...H..., demeurant..., Mme L...A..., demeurant..., M. D... B..., demeurant..., M. C...M...G..., demeurant..., Mme E...K..., demeurant ...Domaine Vaihi-Manohati, à Punaauia (98718), M. I...J..., demeurant ...; M.H..., MmeA..., M.B..., M. G..., MmeK..., M. J...demandent au Conseil d'Etat de déclarer la " loi du pays " n° 2013-21 LP/APF du 6 août 2013 définissant les prérogatives du médiateur de la Polynésie française et les dispositions particuli

res de son statut non conforme au bloc de légalité tel qu'il est...

Vu 1°, sous le n° 371729, la requête, enregistrée le 29 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. F...H..., demeurant..., Mme L...A..., demeurant..., M. D... B..., demeurant..., M. C...M...G..., demeurant..., Mme E...K..., demeurant ...Domaine Vaihi-Manohati, à Punaauia (98718), M. I...J..., demeurant ...; M.H..., MmeA..., M.B..., M. G..., MmeK..., M. J...demandent au Conseil d'Etat de déclarer la " loi du pays " n° 2013-21 LP/APF du 6 août 2013 définissant les prérogatives du médiateur de la Polynésie française et les dispositions particulières de son statut non conforme au bloc de légalité tel qu'il est défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu 2°, sous le n° 371783, la requête, enregistrée le 31 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le haut-commissaire de la République en Polynésie française ; le haut-commissaire demande au Conseil d'Etat de déclarer la " loi du pays " n° 2013-21 LP/APF du 6 août 2013 définissant les prérogatives du médiateur de la Polynésie française et les dispositions particulières de son statut non conforme au bloc de légalité tel qu'il est défini au III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 71-1 et 74 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thierry Carriol, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.H..., de MmeA..., de M.B..., de M. M...G..., de Mme K...et de M. J...;

1. Considérant que les requêtes visées ci dessus sont dirigées contre la même " loi du pays " ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que l'assemblée de la Polynésie française a adopté, au cours de sa séance du 6 août 2013, une " loi du pays ", publiée au Journal officiel de la Polynésie française le 15 août 2013, définissant les prérogatives du médiateur de la Polynésie française et les dispositions particulières de son statut, dont les requérants demandent qu'elle soit déclarée illégale ;

Sur la recevabilité de la requête du haut-commissaire de la Polynésie française :

3. Considérant que le I de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours suivant l'adoption d'une " loi du pays ", le haut commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou six représentants à l'assemblée de la Polynésie française disposent d'un délai de quinze jours pour déférer cet acte au Conseil d'Etat ; qu'en l'espèce, si la requête adressée en télécopie par le haut-commissaire de la République en Polynésie française contre la loi du 6 août 2013, a été reçue par le Conseil d'Etat le 31 août 2013 à 00h43, il résulte du décalage horaire entre la métropole et la Polynésie française que sa requête a été transmise le 30 août 2013, soit dans les délais fixés par le I de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu'elle est, dès lors, recevable ;

Sur la légalité externe de la " loi du pays " attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'un rapport a été réalisé par une représentante à l'assemblée de la Polynésie française préalablement à la mise en discussion du projet de " loi du pays ", conformément aux articles 130 et 142 de la loi organique du 27 février 2004 ; que le contenu de ce rapport, dès lors qu'il n'est pas tel qu'il doive conduire à regarder le rapport comme inexistant, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de la " loi du pays " attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 130 et 142 ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, que l'absence de publication du compte-rendu intégral de la séance du 6 août 2013 consacrée à l'examen de la " loi du pays " contestée, dans un délai de huit jours suivant la fin cette séance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de ce texte ;

Sur la légalité interne de la " loi du pays " attaquée :

6. Considérant qu'aux termes de l'article LP. 1 de la " loi du pays " litigieuse, le médiateur de la Polynésie française reçoit " les réclamations concernant, dans leurs relations avec les usagers, le fonctionnement des administrations de la Polynésie française, de ses établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public relevant des compétences de la Polynésie française. " ; que la " loi du pays " litigieuse vise ainsi à faciliter les relations des usagers avec les services relevant de la Polynésie française ; qu'à cette fin, le médiateur de la Polynésie française peut seulement adresser des recommandations aux responsables des services et, éventuellement, les publier ; qu'il ne dispose d'aucun pouvoir de décision, d'injonction ou de coercition ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède qu'en adoptant la " loi du pays " attaquée, l'assemblée de la Polynésie française ne peut être regardée comme ayant institué une autorité administrative indépendante ; que, par suite, sont inopérants le moyen tiré de l'insuffisante indépendance du médiateur de la Polynésie française et le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 30-1 de la loi organique du 27 février 2004, qui n'autorisent la Polynésie française à créer des autorités administratives indépendantes disposant de pouvoirs dérogeant aux dispositions des articles 64, 67, 89 à 92 et 95 de la loi organique qu'aux fins d'exercer des missions de régulation dans le secteur économique, auraient été méconnues ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 74 de la Constitution, le statut de chaque collectivité d'outre-mer régie par cet article fixe " les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante " ; que, eu égard aux missions et prérogatives qui lui ont été confiées, qui ont été précisées au point 6 ci-dessus, le médiateur de la Polynésie française ne saurait être regardé comme une institution de la Polynésie française dont la création participerait des " règles de fonctionnement et d'organisation des institutions " de cette collectivité, lesquelles relèvent de la loi organique ; qu'aucune des dispositions relatives aux attributions du médiateur ne déroge aux prérogatives des institutions de la Polynésie française, mentionnées aux articles 64, 67, 89 à 92 et 95 de la loi organique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le cinquième alinéa de l'article 74 de la Constitution aurait été méconnu ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 71-1 de la Constitution : " Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences " ; qu'aucune des missions confiées au médiateur de la Polynésie française par la loi du pays attaquée ne relève du Défenseur des droits ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 71-1 de la Constitution et de la loi organique du 27 février 2004 doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution, le statut de chaque collectivité d'outre-mer régie par cet article fixe " les compétences de celle-ci " ; que le 1° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 confie à l'Etat la compétence en matière de droit électoral, lequel englobe le régime des incompatibilités applicables aux fonctions électives ; que, par ailleurs, le régime des incompatibilités applicables aux institutions de la Polynésie française relève, comme l'ensemble de leurs règles d'organisation et de fonctionnement, de la loi organique ; que, dès lors, sont entachés d'incompétence les deux derniers alinéas de l'article LP 2 de la " loi du pays ", aux termes desquels : " Les fonctions de médiateur de la Polynésie française sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement, membre du conseil économique, social et culturel ainsi qu'avec tout mandat électif. / Ces incompatibilités prennent fin six (6) mois après la fin de fonctions du médiateur. " ; que, par suite, il y a lieu de déclarer ces dispositions contraires à l'article 74 de la Constitution et à la loi organique du 27 février 2004 ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que l'article 144 de la loi organique du 27 février 2004 soumettant le vote du budget au principe d'équilibre et de sincérité du budget est inapplicable en l'espèce ; que, par suite, le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité régissant la rémunération des agents publics n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant de juger de son bien-fondé ; qu'il ne peut, dès lors, qu'être écarté ; qu'il en est de même des moyens tirés de l'atteinte au principe de neutralité du service public et à celui d'égalité devant le service public ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H...et autres et le haut-commissaire de la République en Polynésie française sont seulement fondés à demander que les deux derniers alinéas de l'article LP 2 de la " loi du pays " qu'ils attaquent soient déclarés illégaux et que le surplus de leurs requêtes doit être rejeté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les deux derniers alinéas de l'article LP 2 de la " loi du pays " n° 2013-21 LP/APF du 6 août 2013 définissant les prérogatives du médiateur de la Polynésie française et les dispositions particulières de son statut sont déclarés illégaux et ne peuvent être promulgués.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées, d'une part, par M.H..., Mme A..., M.B..., M.G..., Mme K...et M.J..., d'autre part, par le haut commissaire de la République en Polynésie française est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F...H..., Mme L...A..., M. D... B..., M. C...M...G..., Mme E...K..., M. I...J..., au haut commissaire de la République en Polynésie française, au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française et au ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 371729
Date de la décision : 19/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - GÉNÉRALITÉS - COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE POUR DÉFINIR PAR UNE LOI DU PAYS LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AU MÉDIATEUR DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE - ABSENCE.

46-01-01-005 Le 1° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 confie à l'Etat la compétence en matière de droit électoral, lequel englobe le régime des incompatibilités applicables aux fonctions électives. Par ailleurs, le régime des incompatibilités applicables aux institutions de la Polynésie française relève, comme l'ensemble de leurs règles d'organisation et de fonctionnement, de la loi organique. Dès lors, incompétence de la Polynésie française pour définir par une loi du pays les incompatibilités applicables au médiateur de la Polynésie française.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - STATUTS - POLYNÉSIE FRANÇAISE - COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE POUR DÉFINIR PAR UNE LOI DU PAYS LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AU MÉDIATEUR DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE - ABSENCE.

46-01-02-02 Le 1° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 confie à l'Etat la compétence en matière de droit électoral, lequel englobe le régime des incompatibilités applicables aux fonctions électives. Par ailleurs, le régime des incompatibilités applicables aux institutions de la Polynésie française relève, comme l'ensemble de leurs règles d'organisation et de fonctionnement, de la loi organique. Dès lors, incompétence de la Polynésie française pour définir par une loi du pays les incompatibilités applicables au médiateur de la Polynésie française.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2014, n° 371729
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thierry Carriol
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:371729.20140219
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