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30/12/2013 | FRANCE | N°370695

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 30 décembre 2013, 370695


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière DHEC a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 4 mars 2013 par laquelle le maire de la commune d'Argenteuil a exercé le droit de préemption urbain sur un bien immobilier situé 6 rue Laugier.

Par une ordonnance n° 1305197 du 15 juillet 2013, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la déci

sion du 4 mars 2013.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière DHEC a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 4 mars 2013 par laquelle le maire de la commune d'Argenteuil a exercé le droit de préemption urbain sur un bien immobilier situé 6 rue Laugier.

Par une ordonnance n° 1305197 du 15 juillet 2013, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la décision du 4 mars 2013.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 8 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Argenteuil demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1305197 du 15 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Financière DHEC ;

3°) de mettre à la charge de la société Financière DHEC la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement de la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.

Le pourvoi a été communiqué à la société Financière DHEC, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de la commune d'Argenteuil ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 4 mars 2013, le maire de la commune d'Argenteuil a exercé le droit de préemption urbain sur un bien immobilier situé 6 rue Laugier, appartenant à la SCI rue Laugier. Saisi par la société Financière DHEC, acquéreur évincé, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par une ordonnance du 15 juillet 2013 prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, admis l'intervention de Me A...B..., mandataire judiciaire de la SCI rue Laugier, suspendu l'exécution de cette décision et statué sur les conclusions accessoires des parties. La commune d'Argenteuil doit être regardée comme demandant l'annulation de cette ordonnance en tant seulement qu'elle a prononcé cette suspension et statué sur les conclusions accessoires des parties.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge des référés, lorsqu'il ordonne la suspension de l'exécution d'une décision, de désigner avec une précision suffisante le moyen qui lui paraît propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. En outre, aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".

3. Le juge des référés a relevé que le bien objet de la préemption ne faisait pas partie du périmètre de " l'îlot Laugier " , dont la requalification, sous la forme de la réalisation d'un éco-quartier, avait été confiée en 2011 à une société commerciale, et que l'objectif général de la commune portant sur la réalisation de logements de qualité en accession à prix maîtrisés ne suffisait pas à caractériser la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement à la date du 4 mars 2013, pour en déduire que la commune ne justifiait pas de circonstances particulières, tenant par exemple à l'intérêt s'attachant à la réalisation rapide du projet, de nature à faire obstacle à ce que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative soit regardée comme remplie. Il a jugé que la décision de préemption du 4 mars 2013 devait dès lors être suspendue, sans désigner le ou les moyens qui lui paraissaient propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. Par suite, il a insuffisamment motivé son ordonnance.

4. Il y a lieu, dès lors, d'annuler les articles 2 à 5 de l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, tirés, en premier lieu, du défaut de signature de l'ordonnance, en deuxième lieu, de la contradiction de motifs qui l'entache, en troisième lieu, des erreurs de droit commises en ne recherchant pas si la condition de doute sérieux était remplie, en caractérisant l'urgence par des considérations relatives à la légalité de la décision et en établissant une corrélation automatique entre le défaut de justification du projet et l'absence d'intérêt s'attachant à sa réalisation rapide et, en dernier lieu, de la dénaturation des faits commise en jugeant que la commune ne justifiait ni d'un tel intérêt ni de la réalité du projet.

5. En application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Financière DHEC, dans la mesure de la cassation prononcée.

6. La société Financière DHEC soutient, en premier lieu, que la délibération du conseil municipal d'Argenteuil du 25 septembre 2007 instituant le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune n'a pas fait l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, en deuxième lieu, que le maire était incompétent, la délibération du conseil municipal du 31 mars 2008 n'ayant pu légalement lui déléguer l'exercice du droit de préemption faute d'avoir été précédée d'une convocation régulière adressée aux conseillers municipaux dans le délai prévu à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales et accompagnée d'un ordre du jour complet et d'une note explicative de synthèse, en troisième lieu, que la décision de préemption est insuffisamment motivée, en quatrième lieu, que la commune ne justifie pas de l'existence d'un projet d'action ou d'une opération d'aménagement à la date de la décision de préemption et, en dernier lieu, que l'opération ne poursuit pas un intérêt général suffisant. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision du maire de la commune d'Argenteuil du 4 mars 2013.

7. Par suite, la demande de suspension présentée par la société Financière DHEC doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par conséquent, qu'être également rejetées.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Financière DHEC le versement à la commune d'Argenteuil d'une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 de ce code, relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Argenteuil la somme que la société Financière DHEC a demandé à ce titre devant le juge des référés.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 juillet 2013 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Financière DHEC devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : La société Financière DHEC versera à la commune d'Argenteuil une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Argenteuil et à la société Financière DHEC.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 370695
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2013, n° 370695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:370695.20131230
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