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27/12/2013 | FRANCE | N°374188

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 décembre 2013, 374188


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Alliance Environnement Exploitation SAS, dont le siège est 216, chemin de Campagne à Sommières (30250), représentée par son représentant légal en exercice ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303331 du 5 décembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejet

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Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Alliance Environnement Exploitation SAS, dont le siège est 216, chemin de Campagne à Sommières (30250), représentée par son représentant légal en exercice ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303331 du 5 décembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Gailhan du 11 avril 2013 portant réglementation de la circulation des poids lourds sur le chemin communal C5, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de Gailhan d'enlever les panneaux interdisant la circulation des véhicules de plus de 19 tonnes sur ce chemin communal dans le délai de 24 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, à ce qu'il soit enjoint au maire de rétablir la libre circulation sur le chemin dans un délai de 24 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Gailhan du 11 avril 2013 portant réglementation de la circulation des poids lourds sur le chemin communal C5 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gailhan la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'ordonnance attaquée :

- est insuffisamment motivée, le juge des référés n'ayant pas répondu sur l'intérêt général s'attachant à la suspension de l'arrêté ;

- est entachée d'une erreur de droit sur les critères de l'urgence en matière de référé-liberté, en relevant que la condition d'urgence n'était pas satisfaite au seul motif que la mesure d'interdiction ne faisait pas totalement obstacle à la poursuite de l'activité de la société sur le site ;

- est entachée d'une erreur d'appréciation à avoir jugé que la condition d'urgence n'était pas satisfaite, dès lors qu'en empêchant l'arrivée des camions, dont le choix du tonnage ne dépend pas de la société requérante, l'arrêté du maire ne permet pas à l'établissement de continuer à fonctionner ;

- aurait dû juger que l'arrêté du maire portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'aller et de venir, dans des conditions caractérisant un détournement de pouvoir ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire de production, enregistré le 26 décembre 2013, présenté pour la commune de Gailhan ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2013, présenté pour la commune de Gailhan, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les moyens soulevés contre l'ordonnance ne sont pas fondés ;

- que la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes huit mois après l'arrêté du maire édictant l'interdiction de circulation qu'elle conteste ;

- que l'impact allégué de cette mesure sur la situation de la société n'est pas démontré ;

- que cette mesure n'est pas disproportionnée compte tenu de l'état du chemin, du risque pour la sécurité et du coût de la remise en état ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Alliance environnement exploitation SAS et, d'autre part, la commune de Gailhan ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 décembre 2013 à 10 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Alliance environnement exploitation SAS ;

- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Gailhan ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que la société Alliance Environnement Exploitation exploite, sur le territoire des communes de Gailhan et de Lecques, dans le Gard, une plate-forme de compostage de boues d'épuration et de déchets végétaux, dont l'activité a été autorisée et réglementée par un arrêté du préfet du Gard en date du 13 août 2012 ; que les boues et déchets sont transportés sur la plate-forme par des camions empruntant la voie communale C5 de la commune de Gailhan, dit " chemin de Lecques " ; que le maire de cette commune a, par un arrêté du 11 avril 2013, interdit la circulation et le stationnement des poids lourds de plus de 19 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC) sur ce chemin ; que la signalisation indiquant cette interdiction a été mise en place le 20 novembre 2013 ; que, par une requête enregistrée le 3 décembre 2013, la société Alliance Environnement Exploitation a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, l'exécution de cet arrêté et d'enjoindre au maire d'enlever les panneaux limitant la circulation des poids lourds de plus de 19 tonnes sur le chemin ; que, par une ordonnance du 5 décembre 2013, dont la société relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette requête ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le passage fréquent de camions de fort tonnage, depuis la mise en fonction de la plate-forme, en 2004, a provoqué une dégradation importante de la chaussée de cette voie communale ; que, d'ailleurs, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 6 décembre 2013, fixé le montant de la contribution spéciale due par la société à la commune en raison des détériorations anormales provoquées sur ce chemin, en application des dispositions de l'article L. 141-9 du code de la voirie routière ; que, toutefois, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'état de dégradation de la chaussée menacerait, à court terme, la sécurité publique ni que le passage des véhicules de plus de 19 tonnes, en lui-même, serait incompatible avec la configuration de cette voie communale, dès lors que celle-ci serait entretenue et que les conditions de circulation, notamment de vitesse des véhicules, seraient réglementées ; que, d'autre part, les camions qui livrent à la plate-forme les boues d'épuration et les déchets végétaux n'appartiennent pas à la société requérante, laquelle, du moins à brève échéance, est ainsi dépourvue des moyens de faire acheminer les produits nécessaires à son activité par des camions dont le poids total autorisé en charge ne dépasse pas 19 tonnes, conformément aux prescriptions de l'arrêté du maire de la commune ; que, dès lors, l'activité de l'établissement, si l'interdiction de circulation était maintenue et respectée, devrait être durablement interrompue ; qu'en outre, cette activité présente un caractère d'intérêt général pour le traitement des boues d'épuration des collectivités de l'Hérault et du Gard ;

4. Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rapprochées de celles de l'article L. 521-1 du même code, toutes deux issues de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, qu'en opérant une distinction entre les deux procédures de référé régies respectivement par les articles L. 521-1 et L. 521-2, le législateur a entendu répondre à des situations différentes ; que les conditions auxquelles est subordonnée l'application de ces dispositions ne sont pas les mêmes, non plus que les pouvoirs dont dispose le juge des référés ; qu'en particulier, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 doit justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article ;

5. Considérant qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, l'interdiction de circulation édictée par le maire de la commune de Gailhan ne fait pas apparaître pour la société requérante une urgence caractérisée qui rendrait nécessaire l'intervention, à très bref délai, du juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par suite, la condition d'urgence particulière définie par les dispositions de cet article ne peut être regardée comme remplie ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel de la société Alliance Environnement Exploitation contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 5 décembre 2013 doit être rejeté ; qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Gailhan au titre de ces dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Alliance Environnement Exploitation est rejetée.

Article 2 : La société Alliance Environnement Exploitation versera la somme de 3 000 euros à la commune de Gailhan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Alliance Environnement Exploitation SAS et à la commune de Gailhan.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Gard.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 374188
Date de la décision : 27/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2013, n° 374188
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:374188.20131227
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