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26/12/2013 | FRANCE | N°369145

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 369145


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juin, 17 juillet et 12 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société France Restauration rapide demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande du 15 février 2013 tendant au retrait de la décision du 18 juin 2009 par laquelle le ministre a re

fusé d'abroger l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996 portant ...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juin, 17 juillet et 12 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société France Restauration rapide demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande du 15 février 2013 tendant au retrait de la décision du 18 juin 2009 par laquelle le ministre a refusé d'abroger l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996 portant sur la fermeture des boulangeries et points de vente de pain de l'Indre et, d'autre part, la décision du 18 juin 2009 ;

2°) d'enjoindre au ministre de retirer ou, à défaut, d'abroger l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996 dans le délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2013, le syndicat patronal de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de l'Indre conclut au rejet de la requête et au versement, par la société France Restauration rapide, de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat du syndicat patronal de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de l'Indre ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, reprenant les dispositions du premier alinéa de l'ancien article 221-17 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé. Aux termes de l'article R. 3132-22 du même code : " Lorsqu'un arrêté préfectoral de fermeture au public, pris en application de l'article L. 3132-29, concerne des établissements concourant d'une façon directe à l'approvisionnement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail après consultation des organisations professionnelles intéressées. / Cette décision ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en application de l'arrêté préfectoral ".

2. A la suite de l'accord intervenu le 21 juin 1996 entre certaines organisations de salariés et d'employeurs concernées, le préfet de l'Indre a, par arrêté du 13 septembre 1996, prescrit la fermeture au public un jour par semaine des établissements, parties d'établissements, dépôts, tant pour les fabricants artisanaux qu'industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue, à titre principal ou accessoire, la vente au détail ou la distribution de pain, emballé ou non, dans le département de l'Indre. Par une décision du 29 octobre 2007, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision implicite, née du silence gardé sur la demande reçue le 24 juin 2002, par laquelle le ministre chargé du travail a refusé d'abroger l'arrêté du 13 septembre 1996 et a enjoint au ministre de procéder à un nouvel examen de la demande de la société France Restauration Rapide tendant à l'abrogation de cet arrêté. Après une nouvelle instruction, le ministre a de nouveau refusé, le 18 juin 2009, de procéder à cette abrogation. La société requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 juin 2009 et de la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté sa demande du 15 février 2013 tendant à son retrait.

Sur la légalité des décisions attaquées :

3. L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

4. Pour refuser l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 13 septembre 1996, le ministre a estimé qu'une majorité indiscutable de la profession était favorable à son maintien. Toutefois, il ressort des comptes-rendus des réunions organisées les 7 février et 3 juillet 2008 par la préfecture de l'Indre que, d'une part, si les organisations favorables au maintien de l'arrêté représentaient alors 216 ou 239 entreprises et les organisations défavorables 161 entreprises, l'opinion de 92 entreprises du secteur du commerce d'alimentation générale, auxquelles l'arrêté litigieux est applicable et qui étaient par leur nombre susceptibles de modifier le sens de la majorité exprimée, n'a pas été recherchée, en l'absence d'organisation professionnelle représentative de ce secteur dans le département. D'autre part, la circonstance que six organisations d'employeurs et de salariés étaient favorables au maintien de l'arrêté tandis que quatre organisations d'employeurs y étaient opposées ne permettait pas d'estimer que l'accord du 21 juin 1996 correspondait toujours à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent la profession dans le département. Par suite, en déduisant des éléments recueillis à l'occasion des réunions des 7 février et 3 juillet 2008 que la fermeture au public un jour par semaine correspondait toujours à la volonté d'une telle majorité, le ministre a fait une inexacte application des dispositions des articles L. 3132-29 et R. 3132-22 du code du travail.

5. Il résulte de ce qui précède que la société France Restauration rapide est fondée à demander l'annulation de la décision du 18 juin 2009 et celle de la décision implicite rejetant son recours contre cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite (...) d'une astreinte (...) ".

7. Par sa décision du 29 octobre 2007, le Conseil d'Etat a annulé la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail avait refusé de faire droit à la demande d'abrogation de l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996, reçue le 24 juin 2002, au motif qu'à la date de la décision ministérielle attaquée, la réglementation résultant de cet arrêté préfectoral ne pouvait être regardée comme correspondant encore à la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés. La même décision a enjoint au ministre de procéder à un nouvel examen de la demande d'abrogation et d'y statuer après avoir constaté l'existence ou non d'une majorité indiscutable en faveur de l'accord du 21 juin 1996. Dans ces conditions, l'annulation de la décision du 18 juin 2009 et de la décision implicite refusant de la retirer, au motif que le ministre n'a pas constaté l'existence d'une majorité indiscutable en faveur de l'accord du 21 juin 1996, implique nécessairement l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 13 septembre 1996. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure dans un délai de trois mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la société France Restauration rapide.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme 2 000 euros à verser à la société France Restauration rapide au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la société France Restauration rapide, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le syndicat patronal de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de l'Indre au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté la demande de la société France Restauration rapide de retirer la décision du 18 juin 2009 refusant d'abroger l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996 et cette décision du 18 juin 2009 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'abroger l'arrêté du préfet de l'Indre du 13 septembre 1996 dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société France Restauration Rapide la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du syndicat patronal de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de l'Indre présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société France Restauration Rapide est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société France Restauration rapide, au syndicat patronal de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de l'Indre et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée pour information à la confédération générale de l'alimentation au détail, au conseil national des professions de l'automobile, au syndicat patronal des pâtissiers de l'Indre, à l'union départementale du syndicat Force ouvrière de l'Indre, à l'union départementale du syndicat CGT de l'Indre et à l'union départementale du syndicat CFTC de l'Indre.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 369145
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 369145
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:369145.20131226
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