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26/12/2013 | FRANCE | N°362675

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 362675


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une ordonnance n° 1202303 du 4 septembre 2012, enregistrée le 11 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 9 juin 2012 au greffe de ce tribunal, présentée par la SARL Belle des Pains.

Par cette requête et par de nouveaux mémoires, enregistrés les 20 septembre, 18 octobre et 7 novembre 2013, la SARL Belle des Pains demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet r...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Par une ordonnance n° 1202303 du 4 septembre 2012, enregistrée le 11 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Rennes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 9 juin 2012 au greffe de ce tribunal, présentée par la SARL Belle des Pains.

Par cette requête et par de nouveaux mémoires, enregistrés les 20 septembre, 18 octobre et 7 novembre 2013, la SARL Belle des Pains demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre chargé du travail sur sa demande d'abrogation de l'arrêté du préfet du Finistère du 29 juin 1998 relatif à la fermeture hebdomadaire des points de vente de pain ;

2°) d'enjoindre au ministre, sous astreinte, d'abroger cet arrêté à la date du 22 octobre 2010, subsidiairement à la date de la décision à intervenir ou de réexaminer la demande d'abrogation dans un délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2013, la Fédération de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du Finistère conclut au rejet de la requête et au versement, par la requérante, de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une intervention et par de nouveaux mémoire, enregistrés les 26 août, 21 octobre et 7 novembre 2013, le Groupement libre des artisans modernes, syndicat d'artisans boulangers et boulangers-pâtissiers du Finistère, demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de la SARL Belle des Pains et mette à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 septembre et 14 novembre 2013, l'Union départementale CFDT du Finistère conclut au rejet de la requête.

Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur les moyens, relevés d'office, tirés, d'une part, de ce qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de prononcer l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 29 juin 1998 et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions de la société Belle des Pains tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 5 mai 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté la demande d'abrogation de l'arrêté du 29 juin 1998.

Par une intervention, enregistrée le 7 novembre 2013, la SARL Boulangerie la Gerbière, la SARL Calvez panification et la SARL L'étagère à pain demandent que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête de la SARL Belle des Pains.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

Sur la recevabilité de la requête :

1. La requête de la SARL Belle des Pains tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite née le 15 avril 2012 du silence gardé pendant deux mois par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur sa demande d'abrogation de l'arrêté du préfet du Finistère du 29 juin 1998 relatif à la fermeture hebdomadaire des points de vente de pain, doit être regardée comme dirigée contre la décision du 5 mai 2012 par laquelle le ministre a expressément rejeté sa demande. Sa requête a été enregistrée le 9 juin 2012 au greffe du tribunal administratif de Rennes, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois mentionné à l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Par suite, l'Union départementale CFDT du Finistère n'est pas fondée à soutenir que la requête de la SARL Belle des Pains serait tardive.

Sur les interventions :

2. Le Groupement libre des artisans modernes, syndicat d'artisans boulangers et boulangers-pâtissiers du Finistère, la SARL Boulangerie la Gerbière, la SARL Calvez panification et la SARL L'étagère à pain ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, leurs interventions sont recevables.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, reprenant les dispositions du premier alinéa de l'ancien article L. 221-17 du code du travail: " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou partie de celui-ci est susceptible d'être fermé. Aux termes de l'article R. 3132-22 du même code : " Lorsqu'un arrêté préfectoral de fermeture au public, pris en application de l'article L. 3132-29, concerne des établissements concourant d'une façon directe à l'approvisionnement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail après consultation des organisations professionnelles intéressées. / Cette décision ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en application de l'arrêté préfectoral ".

4. A la suite de l'accord intervenu le 16 mai 1998 entre plusieurs syndicats d'employeurs et de travailleurs concernés, le préfet du Finistère a, par un arrêté du 29 juin 1998, prescrit la fermeture un jour par semaine des établissements, parties d'établissements, dépôts, tant pour les fabricants artisanaux qu'industriels, sédentaires ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain et viennoiseries, emballés ou non, dans le département du Finistère.

5. L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'en février 2010, le ministre chargé du travail, saisi par une organisation professionnelle d'une demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Finistère du 29 juin 1998, a demandé à ses services de procéder, sur le fondement des dispositions de l'article R. 3132-22 du code du travail, à une consultation des organisations professionnelles intéressées par cet arrêté. Des réunions ont été organisées entre juin et octobre 2010 et une enquête par questionnaire lancée auprès des boulangeries du département en septembre 2010 afin de déterminer la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent la profession. La décision du ministre chargé du travail rejetant la demande de la société requérante est motivée par la circonstance qu'à l'issue de l'enquête, ont été dénombrés 566 établissements favorables au maintien de l'arrêté litigieux contre 543 favorables à son abrogation.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'enquête diligentée s'est fondée sur une liste des établissements intéressés par l'arrêté litigieux établie par l'UNEDIC qui ne recensait que les établissements employant au moins un salarié, alors que l'arrêté du 29 juin 1998 s'applique à tous les établissements du département dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain et viennoiseries, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'ils emploient ou non des salariés. D'autre part, le ministre a comptabilisé comme favorables au maintien de l'arrêté litigieux les boulangeries et boulangeries-pâtisseries artisanales qui s'étaient abstenues de se prononcer pour ou contre ce maintien. Par suite, le ministre n'a pu légalement se fonder sur les résultats de cette enquête pour estimer que l'arrêté correspondait encore à la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés.

8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation de la décision du ministre chargé du travail rejetant sa demande d'abrogation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par les sociétés intervenantes, tiré de l'absence d'accord préalable à l'arrêté du 29 juin 1998.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

10. L'annulation de la décision refusant d'abroger l'arrêté du préfet du Finistère du 29 juin 1998 implique seulement, compte tenu des motifs de la présente décision, que la demande d'abrogation de la SARL Belle des Pains soit réexaminée, afin que le ministre y statue après avoir vérifié l'existence ou non d'une majorité indiscutable de la profession en faveur de la fermeture au public un jour par semaine. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme 250 euros à verser à la SARL Belle des Pains, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Belle des Pains, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Fédération de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du Finistère demande au même titre. Enfin, le Groupement libre des artisans modernes n'ayant pas la qualité de partie à la présente instance, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions du Groupement libre des artisans modernes, syndicat d'artisans boulangers et boulangers-pâtissiers du Finistère, de la SARL Boulangerie la Gerbière, de la SARL Calvez panification et de la SARL L'étagère à pain sont admises.

Article 2 : La décision du 5 mai 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté la demande de la SARL Belle des Pains tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Finistère du 29 juin 1998 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de procéder au réexamen de la demande de la SARL Belle des Pains dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Belle des Pains une somme de 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Fédération de la boulangerie, de la boulangerie-pâtisserie du Finistère et du Groupement libre des artisans modernes, syndicat d'artisans boulanger et boulangers-pâtissiers du Finistère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Belle des Pains est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Belle des Pains, à la Fédération de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du Finistère, au Groupement libre des artisans modernes, syndicat d'artisans boulanger et boulangers-pâtissiers du Finistère, à l'Union départementale CFDT du Finistère, à la SARL Boulangerie la Gerbière, à la SARL Calvez panification et la SARL L'étagère à pain et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée à l'Union départementale CFE/CGC du Finistère.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 362675
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 362675
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:362675.20131226
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