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26/12/2013 | FRANCE | N°361377

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 361377


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'une pension de réversion du chef de son conjoint, ancien militaire de l'armée française ;

- d'enjoindre au ministre de la défense de lui allouer une pension de réversion avec effet au 27 janvier 1993, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de lui verser le reliquat de pension dont a été

privé son époux.

Par un jugement n° 0900085 du 21 juin 2012, le tribunal administratif de P...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers :

- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'une pension de réversion du chef de son conjoint, ancien militaire de l'armée française ;

- d'enjoindre au ministre de la défense de lui allouer une pension de réversion avec effet au 27 janvier 1993, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de lui verser le reliquat de pension dont a été privé son époux.

Par un jugement n° 0900085 du 21 juin 2012, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision par laquelle le ministre de la défense a refusé à Mme B...le bénéfice d'une pension de réversion, enjoint à l'Etat de lui verser une pension de réversion du chef de son époux à compter du 1er janvier 2011 dans les conditions fixées par l'article 211 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 12 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement n° 0900085 du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'enjoindre à l'Etat de lui verser une pension de réversion à compter du 27 janvier 1993 en procédant, dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, à la liquidation de cette pension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2012 et 13 juin 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut, en cas de règlement au fond, au rejet de la demande de première instance en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 17 mars 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2013, le ministre de la défense s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Combettes, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de MmeB... ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...B..., ressortissant marocain ayant servi dans l'armée française, a été admis au bénéfice d'une pension militaire de retraite par un arrêté du 23 février 1955, qui a été transformée en indemnité personnelle et viagère en application de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960. MmeB..., sa veuve, a saisi le ministre de la défense d'une demande, reçue le 17 mars 2008 et rejetée implicitement, tendant à obtenir le bénéfice d'une pension de réversion à compter du 27 janvier 1993, date du décès de son époux. Par un jugement du 21 juin 2012 contre lequel elle se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Poitiers a enjoint à l'Etat de lui verser une pension de réversion à compter du 1er janvier 2011 seulement. Son pourvoi doit être regardé comme tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au bénéfice d'une pension de réversion pour la période comprise entre le 27 janvier 1993 et le 31 décembre 2010.

2. Par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII. En outre, il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision ". Sont ainsi abrogées depuis le 1er janvier 2011, en particulier, les dispositions du VI de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 relatives aux pensions de réversion.

3. A la suite de cette décision du Conseil constitutionnel, l'article 211 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini les nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, les pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960. Aux termes du paragraphe VI de cet article 211 : " Le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine des instances ". Aux termes du XI du même article : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 ".

4. Comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. L'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne, mais abroge aussi des dispositions qui définissent, notamment, les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à une pension de réversion. Ainsi, alors même qu'il mentionne seulement la " révision des pensions ", le paragraphe VI de l'article 211 doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de réversion.

5. Par suite, en fixant au 1er janvier 2011 la date à compter de laquelle Mme B... bénéficierait d'une pension de réversion du chef de son époux décédé, alors que la présente instance, en cours au 28 mai 2010, trouve son origine dans une demande reçue par l'administration le 17 mars 2008, le tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi tiré de l'insuffisante motivation du jugement, Mme B...est fondée à en demander l'annulation en tant qu'il rejette ses conclusions tendant au bénéfice d'une pension de réversion pour la période antérieure au 31 décembre 2010.

7. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 juin 2012 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B...tendant au bénéfice d'une pension de réversion pour la période antérieure au 31 décembre 2010.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de MmeB..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C...veuveB..., au ministre de l'économie et des finances et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 361377
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 361377
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Combettes
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:361377.20131226
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