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26/12/2013 | FRANCE | N°360124

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26 décembre 2013, 360124


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société civile immobilière Rostand, dont le siège est 63, rue de la Croix Rousse à Saint-Priest (69800) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00985 du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0808207 du 8 février 2011 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant au r

emboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la pér...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société civile immobilière Rostand, dont le siège est 63, rue de la Croix Rousse à Saint-Priest (69800) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00985 du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0808207 du 8 février 2011 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant au dernier trimestre 2007 et, d'autre part, à ce que soit ordonné ce remboursement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la SCI Rostand ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière Rostand a, par acte du 5 septembre 2007, donné à bail un terrain de 6 305 m² situé à Saint-Priest (Rhône) qu'elle venait d'acquérir et d'aménager ; qu'elle a souscrit, en novembre 2007, une option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers encaissés et a demandé, en décembre, le remboursement d'un crédit de taxe de 35 000 euros au titre du quatrième trimestre 2007 ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause cette option au motif que la location portait sur un terrain nu au sens du 2° de l'article 261 D du code général des impôts et était, en conséquence, exonérée de taxe ; que la société civile immobilière Rostand se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 avril 2012 qui a confirmé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2011 rejetant sa demande de remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 261 D du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) 2° les locations de terrains non aménagés et de locaux nus (...) " ; que doit être regardée comme une location de terrains aménagés celle qui porte sur des terrains qui sont pourvus des aménagements nécessaires, c'est-à-dire de ceux sans lesquels l'exploitation commerciale à laquelle ils sont destinés n'est pas possible ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain que possède la société requérante a été donné en location à une société d'auto-école par un bail qui prévoyait que cette société l'utiliserait pour une activité d'entraînement à la conduite sur site propre ; que ce terrain avait fait l'objet d'aménagements préalables à sa location, consistant, après la réalisation de travaux de terrassement, à créer une piste d'entraînement goudronnée plane, dotée d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales, conçue pour être utilisée par des motos, des voitures et des camions et disposant d'une aire de stationnement, l'ensemble étant clôturé et fermé par deux portails ; que des marquages au sol délimitaient les circuits permettant de pratiquer divers exercices de conduite ; qu'en jugeant qu'en l'absence de tout autre équipement, notamment de locaux d'accueil pour les clients et de hangars pour abriter les véhicules et autres matériels nécessaires à l'apprentissage de la conduite, le terrain ne pouvait être regardé comme muni des aménagements nécessaires à l'exploitation commerciale à laquelle ils étaient destinés, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et a, en conséquence, commis une erreur de droit en jugeant que la location portait sur des locaux non aménagés et était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 2° de l'article 261 D du code général des impôts ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le terrain litigieux avait reçu les aménagements nécessaires à l'exercice d'une activité d'entraînement à la conduite sur site propre et qu'il avait été donné à bail en vue d'une telle exploitation commerciale ; que sa location revêtait donc un caractère commercial et constituait une prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 du code général des impôts ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société civile immobilière Rostand est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté au titre du dernier trimestre 2007 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 avril 2012 et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à la société civile immobilière Rostand le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 35 000 euros au titre du quatrième trimestre 2007.

Article 3 : L'Etat versera à la société civile immobilière Rostand la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Rostand et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360124
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES AU CONSEIL D'ETAT - RECOURS EN CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION DE TERRAIN MUNI DES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES À L'EXPLOITATION COMMERCIALE À LAQUELLE IL EST DESTINÉ (ART - 261 D - 2° DU CGI) [RJ1].

19-02-045-01-02-03 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur la notion de terrain aménagé, c'est-à-dire de terrain muni des aménagements nécessaires à l'exploitation commerciale à laquelle il est destiné, pour l'application de l'article 261 D du code général des impôts (CGI).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS - EXONÉRATION DES LOCATIONS DE TERRAINS NON AMÉNAGÉS ET DE LOCAUX NUS (ART - 261 D - 2° DU CGI) - NOTION DE TERRAINS AMÉNAGÉS - 1) TERRAINS POURVUS DES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES - C'EST-À-DIRE DE CEUX SANS LESQUELS L'EXPLOITATION COMMERCIALE À LAQUELLE ILS SONT DESTINÉS N'EST PAS POSSIBLE - 2) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS [RJ1].

19-06-02-02 1) Pour l'application du 2° de l'article 261 D du code général des impôts, doit être regardée comme une location de terrains aménagés celle qui porte sur des terrains qui sont pourvus des aménagements nécessaires, c'est-à-dire de ceux sans lesquels l'exploitation commerciale à laquelle ils sont destinés n'est pas possible.,,,2) Le juge de cassation exerce, sur la notion de terrain muni des aménagements nécessaires à l'exploitation commerciale, un contrôle de la qualification juridique des faits.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION DE TERRAIN MUNI DES AMÉNAGEMENTS NÉCESSAIRES À L'EXPLOITATION COMMERCIALE À LAQUELLE IL EST DESTINÉ (ART - 261 D - 2° DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS) [RJ1].

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits sur la notion de terrain aménagé, c'est-à-dire de terrain muni des aménagements nécessaires à l'exploitation commerciale à laquelle il est destiné.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur le contrôle du juge de cassation sur la notion de mise à disposition de l'essentiel du matériel nécessaire à l'exploitation pour l'application du 5° du I de l'article 35 du code général des impôts, CE, 16 mai 2012, M. et Mme D'Arras, n° 323079, T. pp. 697- 718- 954.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 360124
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360124.20131226
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