La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/12/2013 | FRANCE | N°354265

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 354265


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'annuler la décision du 19 décembre 2008 par laquelle le président du conseil général du Puy-de-Dôme a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante familiale et la décision du 26 mars 2009 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler la décision du 24 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Puy-de-Dôme l'a licenciée de ses fonctions d'assistante familial et la décision implicite reje

tant son recours gracieux ;

- de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui payer une s...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'annuler la décision du 19 décembre 2008 par laquelle le président du conseil général du Puy-de-Dôme a prononcé le retrait de son agrément en qualité d'assistante familiale et la décision du 26 mars 2009 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler la décision du 24 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Puy-de-Dôme l'a licenciée de ses fonctions d'assistante familial et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

- de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui payer une somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de son retrait d'agrément et de son licenciement.

Par un jugement n° 0901049-0901634 du 30 août 2010, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 10LY02480 du 22 septembre 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 août 2010 et les décisions du président du conseil général du Puy-de-Dôme des 19 décembre 2008, 24 mars 2009 et 26 mars 2009 et condamné le département à verser à Mme B... la somme de 11 000 euros.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 novembre 2011 et 24 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Puy-de-Dôme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 10LY02480 de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 septembre 2011 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2012, Mme A...B...conclut au rejet du pourvoi et à ce que soit mise à la charge du département du Puy-de-Dôme la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du département du Puy-de-Dôme et à la SCP Lévis, avocat de Mme B... ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., agréée en qualité d'assistante familiale en application des articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, était employée depuis 1993 par le département du Puy-de-Dôme pour accueillir à son domicile des enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance. A la suite d'un signalement, effectué en 2007 et faisant état de relations sexuelles imposées à plusieurs reprises, quelques années auparavant, par son fils alors mineur, à une jeune fille accueillie à son domicile, le président du conseil général a prononcé le 19 décembre 2008 le retrait définitif de l'agrément de MmeB..., retrait confirmé, sur recours gracieux, le 26 mars 2009. Le 24 mars 2009, il a décidé en conséquence de la licencier. Par un arrêt du 22 septembre 2011, contre lequel le département du Puy-de-Dôme se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé pour excès de pouvoir ces trois décisions et a condamné le département à verser à Mme B... la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices subis par celle-ci.

2. Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil ". En vertu de l'article L. 421-3 du même code, l'agrément est accordé aux assistants familiaux si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt-et-un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Selon l'article L. 421-6 de ce code, le président du conseil général peut procéder au retrait de l'agrément si les conditions de celui-ci cessent d'être remplies. En outre, selon l'article L. 221-6 du même code, qui reprend les dispositions de l'article 80, abrogé, du code de la famille et de l'aide sociale : " Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance (...) est tenue de transmettre sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, et notamment toute information sur les situations de mineurs susceptibles de relever du chapitre VI du présent titre (...) ", relatif à la protection des mineurs en danger.

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le retrait de l'agrément d'un assistant familial peut être légalement fondé sur la révélation d'une carence de celui-ci dans l'accomplissement des missions qui lui sont confiées. Pour juger que le président du conseil général du Puy-de-Dôme avait commis une erreur d'appréciation et entaché d'illégalité la décision de retrait d'agrément, la cour s'est fondée sur la circonstance que les faits incriminés étaient anciens et qu'à la date de cette décision, ils n'étaient pas susceptibles de se renouveler, le fils de Mme B...étant devenu majeur et ne vivant plus au domicile de ses parents, de sorte que l'entourage immédiat de l'intéressée ne pouvait plus faire courir de risques aux enfants accueillis. Elle s'est ainsi fondée sur la seule appréciation des risques courus du fait de l'entourage familial, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le retrait d'agrément était motivé, d'une part, par le manque de vigilance de Mme B...et, d'autre part, par le silence qu'elle avait gardé sur les faits en cause, malgré leur gravité, alors qu'elle en avait appris l'existence avant le signalement effectué en 2007, conduisant à porter une nouvelle appréciation sur la capacité de celle-ci à assurer aux enfants accueillis des conditions de sécurité physique et affective. Dès lors, la cour s'est méprise sur la portée de la décision de retrait.

4. En second lieu, il résulte des mêmes dispositions qu'un assistant familial doit informer sans délai le département qui l'emploie de tout événement significatif susceptible de porter atteinte à la santé physique ou psychique d'un mineur qu'il accueille, afin que le service de l'aide sociale à l'enfance puisse, le cas échéant, trouver des solutions appropriées permettant d'assurer la protection de ce mineur. Ainsi, en estimant que des relations sexuelles imposées à un mineur n'étaient pas au nombre des faits qu'un assistant familial était tenu de déclarer au département et qu'en conséquence, il ne pouvait être reproché à Mme B...d'avoir manqué à une obligation d'information de son employeur, la cour a commis une erreur de droit. Ce moyen, que le département peut utilement soulever dès lors qu'il est né de l'arrêt attaqué, doit donc également être accueilli.

5. Il résulte de ce qui précède que, pour ces deux motifs, l'arrêt attaqué doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, tiré de l'inexacte qualification des risques que l'entourage de Mme B...faisait courir aux mineurs et de l'insuffisante motivation de l'arrêt, ainsi que de l'erreur de droit et de la dénaturation des faits commises par la cour en condamnant le département à indemniser le préjudice subi par Mme B... du fait d'une perte de rémunérations pour la période comprise entre la date de son arrêt et celle de la fin de validité de l'agrément.

6. Les conclusions de Mme B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Puy-de-Dôme présentées au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département du Puy-de-Dôme et à Mme A...B....

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 354265
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 354265
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354265.20131226
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award