La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/12/2013 | FRANCE | N°344431

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 26 décembre 2013, 344431


Vu le pourvoi, enregistré le 19 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00725 du 30 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel de la société à responsabilité limitée " Aux Délicatesses

", a, d'une part, annulé le jugement n° 0606857 du 10 février 2009 d...

Vu le pourvoi, enregistré le 19 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00725 du 30 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel de la société à responsabilité limitée " Aux Délicatesses ", a, d'une part, annulé le jugement n° 0606857 du 10 février 2009 du tribunal administratif de Lyon, d'autre part, déchargé cette société du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thierry Carriol, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SARL " Aux Délicatesses " ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la période d'imposition en litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) c) (...) qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable lorsqu'ils présentent un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...exerçait, depuis le 1er janvier 1986, une activité de traiteur, consistant en la vente de denrées et de boissons non alcooliques à emporter, soumise à la TVA au taux de 5,5 % ; qu'il s'est ensuite associé successivement avec deux sociétés qui organisaient des réceptions, activité de prestations de services soumise au taux normal de la TVA, auxquelles il vendait ces denrées et boissons ; que l'association avec la seconde société n'ayant plus donné satisfaction, une salariée de M. A...a créé, avec le soutien financier de celui-ci, en juin 1997, l'EURL Ain Location Service Villieu pour l'organisation de réceptions, qui se fournissait auprès de l'entreprise de M. A...en denrées et boissons ; qu'en novembre 2000, au moment où M. A... prenait sa retraite, cette salariée a vendu ses parts de l'EURL au fils de M. A...et a créé la SARL " Aux Délicatesses " pour reprendre, dans le cadre d'une location-gérance, l'activité de traiteur de M. A...; que cette SARL a fait l'objet en 2005 d'une vérification de comptabilité qui a notamment porté sur la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle elle s'est vu notifier, le 19 avril 2005, dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit, une proposition de rectification portant sur des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée pour la période litigieuse ; que le comité consultatif pour la répression des abus de droit, dans sa séance du 27 avril 2006, a émis un avis favorable au maintien des redressements notifiés par l'administration ;

3. Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon qui avait rejeté la demande de décharge de la société et prononcé la décharge de ces rappels de droits et des pénalités correspondantes, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement fait valoir que la création de deux entités, une EURL ayant pour objet l'organisation de réceptions, dont les prestations sont soumises à la TVA au taux normal et une SARL, reprenant l'activité de traiteur de M.A..., soumise à la TVA au taux réduit, révèle un montage artificiel inspiré par le seul motif de faire échapper l'ensemble de l'activité d'organisation de réceptions au cours desquelles des denrées et boissons sont consommées au taux normal de TVA qui aurait été appliqué s'il y avait eu une entité unique, dès lors que les capitaux des deux sociétés sont dans les mains de personnes unies par des liens familiaux ou personnels, que les clientèles sont les mêmes, que l'action commerciale présente ensemble l'activité des deux sociétés et que celles-ci sont localisées au même endroit ; que, toutefois, après avoir relevé la chronologie des faits, que les deux sociétés pré-existaient et que leur viabilité économique n'était pas liée, la cour administrative d'appel de Lyon, en jugeant que les opérations contestées par l'administration fiscale avaient pu être inspirées par d'autres motifs, notamment économiques, que celui d'atténuer les charges de taxe sur la valeur ajoutée et en en déduisant que la SARL " Aux Délicatesses " n'avait pas commis d'abus de droit, n'a entaché son arrêt ni de dénaturation des faits, ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique ; qu'il suit de là que le pourvoi du ministre doit être rejeté ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SARL " Aux Délicatesses " au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SARL " Aux Délicatesses " une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la SARL " Aux délicatesses ".


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 344431
Date de la décision : 26/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2013, n° 344431
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thierry Carriol
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:344431.20131226
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award