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24/12/2013 | FRANCE | N°374073

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 décembre 2013, 374073


Vu le recours, enregistré le 19 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303319 du 26 novembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet du Loiret de réexaminer, dans un délai de quinze jours, la situation de Mme F...A...et des autres membres de sa famille, qui ont demandé à être admis au

séjour au titre de l'asile ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...et aut...

Vu le recours, enregistré le 19 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303319 du 26 novembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet du Loiret de réexaminer, dans un délai de quinze jours, la situation de Mme F...A...et des autres membres de sa famille, qui ont demandé à être admis au séjour au titre de l'asile ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...et autres ;

il soutient que :

- la Hongrie, membre de l'Union européenne, partie aux conventions de Genève et de New York, garantit le droit d'asile sur son territoire ;

- il n'est nullement établi que le traitement par les autorités hongroises des demandes d'asile de la famille A...porterait atteinte à leur droit constitutionnel de solliciter l'asile et les requérants n'apportent aucun élément nouveau de nature à étayer leurs allégations ;

- le préfet du Loiret n'a commis aucune erreur de droit concernant l'application du règlement " Dublin " du 18 février 2003 à M. G...A...et à son épouse, dès lors que la mesure de réadmission trouve son fondement dans une autre disposition de ce règlement, qui est son article 10 et non l'article 8 mentionné par le juge des référés ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre, présenté pour Mme A...et autres qui produisent à nouveau leur demande de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur et, d'autre part, Mme A...et autres ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 23 décembre 2013 à 10 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- la représentante du ministre de l'intérieur ;

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des consortsA... ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il implique que l'étranger qui sollicite la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile lorsque sa demande relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants, de nationalité kosovare, ont déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Loiret le 2 août 2013 ; qu'après avoir constaté, par la consultation du fichier " Eurodac ", que leurs empreintes avaient été relevées en Hongrie, le 21 septembre 2009 pour G...A...et le 29 mai 2013 pour les autres membres de la famille, le préfet du Loiret, estimant que la France n'était pas responsable de leurs demandes d'asile, a refusé, par décisions du 6 août 2013, leur admission au séjour au titre de l'asile et a saisi les autorités hongroises en vue d'une réadmission dans ce pays ; que celles-ci ont accepté de reprendre en charge les demandes d'asile des membres de la famille A...les 5 et 6 septembre 2013 ; que les intéressés ont formé devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, des requêtes tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de les admettre au séjour au titre de l'asile, qui ont été rejetées par des ordonnances du 4 octobre 2013, confirmées en appel par le juge des référés du Conseil d'Etat le 29 octobre 2013 ; que le préfet du Loiret a alors pris à leur encontre un arrêté de remise aux autorités hongroise le 29 octobre 2013 ; que les intéressés ont à nouveau saisi le juge des référés afin qu'il soit enjoint au préfet de transmettre leurs demandes à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de les admettre au séjour à titre provisoire ; que, par l'ordonnance du 26 novembre 2013 dont le ministre de l'intérieur fait appel, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a enjoint au préfet de réexaminer la situation des requérants dans un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance ;

4. Considérant que la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que des documents d'ordre général ne peuvent suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; que le juge des référés a estimé, en ce qui concerne Mme F...A..., M. E... A..., Mme H...A..., Mme D...C...née A...et M. J...C..., que les éléments nouveaux produits par les requérants et leurs déclarations à l'audience établissaient l'existence d'un risque que leurs dossiers de demande d'asile ne soient pas traités par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que toutefois, la valeur probante de ces éléments, qui pour l'essentiel sont des témoignages recueillis en France auprès de personnes leur ayant apporté une aide dans leurs démarches et qui se bornent à rapporter la relation faite par les intéressés eux-mêmes de leur passage en Hongrie, est contredite par les pièces produites en appel par le ministre, notamment par les déclarations faites par deux d'entre eux sur procès-verbal de police, à la suite de leur interpellation pour vol le 9 décembre 2013 ; que, dans ces conditions, le préfet du Loiret ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte manifestement illégale au droit d'asile en estimant que l'examen de leur demande d'asile relevait de la Hongrie et en décidant, en conséquence, de procéder à leur réadmission vers ce pays ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des déclarations faites par M. G...A...lors de sa demande d'admission au séjour qu'il est effectivement passé par la Hongrie en 2013 avant d'arriver en France, contrairement à ce qu'il a soutenu devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans ; que, s'il n'y a alors pas demandé l'asile, contrairement à ce qu'il avait fait lors de son premier passage en 2009 et si, par suite, sa situation ne relève pas des dispositions du 1 de l'article 16 du règlement du 18 février 2003 que l'administration avait dans un premier temps invoquées, il résulte néanmoins de l'article 10 du même règlement que l'examen de sa demande d'asile relève de ce pays ; qu'il en va de même pour son épouse I...A...; que, par suite, et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la circonstance que la Hongrie aurait donné son accord sur le fondement d'une autre disposition de ce règlement ne permet pas de regarder la procédure de réadmission dont ils font l'objet comme entachée d'une illégalité manifeste ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a fait droit à la demande de Mme F...A...et autres ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 26 novembre 2013 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme F...A...et autres devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme F...A.... Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par Maître Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 374073
Date de la décision : 24/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2013, n° 374073
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:374073.20131224
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