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20/12/2013 | FRANCE | N°363667

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 20 décembre 2013, 363667


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les associations France nature environnement, dont le siège est 10, rue Barbier au Mans (72000), Alsace nature, dont le siège est 8, rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), le Mouvement inter-associatif pour les besoins de l'environnement en Lorraine, dont le siège est 9, allée des Vosges à Bar-le-Duc (55000) et France nature environnement-Franche-Comté, dont le siège est 7, rue Voirin à Besançon (25000) ; l'association France nature environnement et autres demandent au Co

nseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret ...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les associations France nature environnement, dont le siège est 10, rue Barbier au Mans (72000), Alsace nature, dont le siège est 8, rue Adèle Riton à Strasbourg (67000), le Mouvement inter-associatif pour les besoins de l'environnement en Lorraine, dont le siège est 9, allée des Vosges à Bar-le-Duc (55000) et France nature environnement-Franche-Comté, dont le siège est 7, rue Voirin à Besançon (25000) ; l'association France nature environnement et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-618 du 2 mai 2012 portant classement du parc naturel régional des Ballons des Vosges (régions Alsace, Franche-Comté et Lorraine), ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur recours gracieux tendant au retrait de ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, auditeur ;

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant que la charte d'un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l'action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis ; qu'il appartient, dès lors, à l'Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en oeuvre les compétences qu'ils tiennent des différentes législations, dès lors qu'elles leur confèrent un pouvoir d'appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis ; que, toutefois, la charte d'un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 333-9 du code de l'environnement : " Les décisions de classement, de renouvellement de classement ou de déclassement prévues aux articles R. 333-10 et R. 333-11 sont précédées des avis du Conseil national de la protection de la nature et de la Fédération des parcs naturels régionaux de France. Faute de réponse dans un délai de deux mois, les avis sont réputés favorables. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les avis du Conseil national de la protection de la nature et de la Fédération des parcs naturels régionaux de France n'ont qu'une valeur consultative ; que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l'autorité administrative compétente pour prononcer le classement ou le renouvellement d'un classement de ne pas avoir suivi ces avis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du Conseil national de la protection de la nature aurait été méconnu ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du I de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au décret attaqué, que les chartes des parcs naturels régionaux ne sont pas au nombre des plans et programmes soumis à une évaluation environnementale ; que si les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent, pour ce motif, la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, qu'elles ont pour objet de transposer, il résulte de ce qui a été dit au point 1, en particulier du caractère non opposable aux tiers des orientations et mesures contenues dans la charte d'un parc naturel régional, que, contrairement à ce qui est soutenu, une telle charte n'est pas au nombre des plans et programmes ayant une incidence notable sur l'environnement au sens de l'article 3 de la directive 2001/42/CE qui doivent être soumis à une évaluation environnementale ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 333-4 du code de l'environnement : " La décision de classement d'un territoire en " parc naturel régional " est fondée sur l'ensemble des critères suivants : / 1° La qualité et le caractère du territoire, de son patrimoine naturel et culturel, ainsi que de ses paysages représentant pour la ou les régions concernées un ensemble remarquable mais fragile et menacé, et comportant un intérêt reconnu au niveau national ; / 2° La cohérence et la pertinence des limites du territoire au regard de ce patrimoine et de ces paysages en tenant compte des éléments pouvant déprécier leur qualité et leur valeur ainsi que des dispositifs de protection et de mise en valeur existants ou projetés ; / 3° La qualité du projet de charte, notamment de son projet de développement fondé sur la protection et la mise en valeur du patrimoine et des paysages ; / 4° La détermination des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l'engagement est essentiel pour mener à bien le projet ; / 5° La capacité de l'organisme chargé de l'aménagement et de la gestion du parc naturel régional à conduire le projet de façon cohérente. " ; qu'aux termes de l'article R. 333-7 du même code : " Le président du conseil régional adresse le projet de charte, pour accord, aux départements et aux communes territorialement concernés ainsi qu'aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le territoire est concerné par le projet. En l'absence de réponse dans un délai de quatre mois, ils sont réputés avoir refusé leur accord au projet de charte. Si une commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, son territoire ne peut être classé que si la commune et l'établissement ont approuvé le projet de charte au regard de leurs compétences respectives et du territoire concerné. Le conseil régional approuve le projet au vu des accords recueillis. " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le territoire d'une commune ayant refusé d'approuver le projet de charte d'un parc naturel régional ne peut légalement être inclus dans le périmètre de ce parc ; qu'eu égard, d'autre part, à la nature et à la portée de la charte d'un parc naturel régional telles que rappelées au point 1, ainsi qu'aux conditions de son adoption, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier si la décision délimitant le périmètre du parc naturel régional n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des critères énoncés à l'article R. 333-4 ;

6. Considérant qu'un certain nombre de communes, dont le territoire avait été inclus dans le périmètre d'étude initial, ont été exclues du périmètre arrêté par le décret attaqué, comme l'autorité compétente était tenue de le faire dès lors que ces communes avaient refusé d'approuver le projet de charte ; que, toutefois, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux critères rappelés au point 4 ci-dessus, le périmètre finalement retenu serait dépourvu de cohérence et serait, pour ce motif, entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que le décret attaqué n'est par ailleurs entaché d'aucune erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 333-4 du code de l'environnement ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 362-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. / La charte de chaque parc naturel régional ou la charte de chaque parc national comporte un article établissant les règles de circulation des véhicules à moteur sur les voies et chemins de chaque commune adhérente du parc naturel régional ou du parc national et des communes comprises en tout ou partie dans le coeur du parc national. " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. / Dans ces secteurs, le maire peut, en outre, par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions du second alinéa de l'article L. 362-1 du code de l'environnement cité ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels et portant modification du code des communes, de laquelle elles sont issues, ainsi que de la nature et de la portée de la charte d'un parc naturel régional, rappelées au point 1 ci-dessus, qu'une telle charte comporte des orientations générales, visant notamment à guider l'action des maires des communes adhérentes dans l'exercice du pouvoir de police de la circulation des véhicules à moteur sur les voies et chemins de leur commune qui leur est reconnu par l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en se bornant à définir dans la charte du parc naturel régional des Ballons des Vosges des orientations générales et à se référer à la loi du 3 janvier 1991, aujourd'hui codifiée aux articles L. 362-1 et suivants du code de l'environnement, le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions du second alinéa de l'article L. 362-1 du code de l'environnement doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, que l'association France nature environnement et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association France nature environnement et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux associations France nature environnement, Alsace nature, Mouvement inter-associatif pour les besoins de l'environnement en Lorraine et France nature environnement-Franche-Comté, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363667
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PARCS NATURELS - PARCS RÉGIONAUX - DÉLIMITATION DU PÉRIMÈTRE DU PARC - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - CONTRÔLE RESTREINT.

44-04-02-01 Eu égard à la nature et à la portée de la charte d'un parc naturel régional, ainsi qu'aux conditions de son adoption, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier si la décision délimitant le périmètre du parc n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des critères énoncés à l'article R. 333-4 du code de l'environnement.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT - DÉLIMITATION DU PÉRIMÈTRE D'UN PARC NATUREL RÉGIONAL.

54-07-02-04 Eu égard à la nature et à la portée de la charte d'un parc naturel régional, ainsi qu'aux conditions de son adoption, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier si la décision délimitant le périmètre du parc n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des critères énoncés à l'article R. 333-4 du code de l'environnement.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2013, n° 363667
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:363667.20131220
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