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13/12/2013 | FRANCE | N°353073

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 décembre 2013, 353073


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre et 29 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Ofi Asset Management, dont le siège est au 1, rue Vernier à Paris (75017) ; la société Ofi Asset Management demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 30 juin 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction de 300 000 euros et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Au

torité des marchés financiers et dans le recueil annuel des décisions ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre et 29 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Ofi Asset Management, dont le siège est au 1, rue Vernier à Paris (75017) ; la société Ofi Asset Management demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 30 juin 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction de 300 000 euros et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers et dans le recueil annuel des décisions de la commission des sanctions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Ofi Asset Management et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

1. Considérant que, par la décision du 30 juin 2011 dont la société Ofi Asset Management demande l'annulation, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a infligé à cette dernière une sanction pécuniaire de 300 000 euros en raison de plusieurs manquements commis dans la gestion de deux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) dénommés Oval Palmares Europlus (fonds OPE) et Oval Alpha Palmares (fonds OAP) résultant notamment de la souscription, le 4 juin 2008, par le fonds OAP de 29 500 parts du fonds OPE représentant, à cette date, 70,5 % du passif de ce dernier fonds ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée sur le site internet de l'Autorité et dans le recueil annuel des décisions de la commission des sanctions ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le collège de l'Autorité des marchés financiers a notifié les griefs à la société Ofi Asset Management par lettre du 14 avril 2010 ; que cette lettre contient l'énoncé des griefs adressés à celle-ci, précisant les considérations de fait comme de droit en constituant le fondement ; qu'elle indique notamment que la société aurait procédé à un dépassement du ratio d'emprise du fonds OAP dans le fonds OPE et qu'un tel manquement est susceptible de donner lieu à une sanction sur le fondement des dispositions des articles L. 214-4 et R. 214-18 du code monétaire et financier ; qu'ainsi que l'a fait valoir la société requérante et que l'a relevé la commission des sanctions dans sa décision, si ces dispositions définissent des règles générales d'investissement qui ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des OPCVM, des modalités spécifiques sont applicables aux OPCVM agréés à règles d'investissement allégées de fonds alternatifs, auxquels appartient le fonds OAP ; qu'ainsi, le plafond du ratio d'emprise applicable au fonds OAP n'est pas défini par l'article R. 214-18 mais par l'article R. 214-26 du code monétaire et financier ; que le manquement sanctionné résidant dans la méconnaissance par la société requérante de l'interdiction pour un OPCVM, posée par l'article L. 214-4, de détenir plus d'un certain quota d'une même catégorie de titres financiers d'un même émetteur, la circonstance que la notification de griefs ne précise pas la disposition fixant le plafond du ratio d'emprise applicable ne constitue pas une irrégularité de nature à vicier la procédure de sanction ; que, par suite, n'a pas été méconnu le principe des droits de la défense, rappelé tant par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ; que, pour le même motif, n'ont pas été méconnues les dispositions de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier imposant au rapporteur de saisir le collège de l'Autorité des marchés financiers lorsqu'il estime que les griefs doivent être complétés ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

En ce qui concerne le dépassement du ratio d'emprise :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-35 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable : " Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières à règles d'investissement allégées peut, dans des conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'Etat, déroger à l'article L. 214-4. (...) " ; que les OPCVM à règles d'investissement allégées de fonds alternatifs constituent des OPCVM non coordonnés ; que si les dispositions particulières de l'article R. 214-36 du code monétaire et financier régissant les OPCVM à règles d'investissement allégées de fonds alternatifs ne prévoyaient alors aucune règle propre en matière de dépassement de ratio d'emprise, s'appliquaient cependant à cette catégorie d'OPCVM les règles fixant le ratio d'emprise qui ne peut pas être dépassé pour l'ensemble des OPCVM non coordonnés ; que, dès lors, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que s'appliquaient au fonds OAP les dispositions de l'article R. 214-26 du même code, qui précise, pour la catégorie des OPCVM non coordonnés, le ratio d'emprise ne pouvant être dépassé ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 214-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : "Les règles de composition de l'actif prévues aux articles L. 214-39 et L. 214-40 et les règles de division des risques prévues à l'article L. 214-4 doivent être respectées à tout moment. Toutefois, si un dépassement des limites fixées par ces articles intervient indépendamment de la volonté de la société d'investissement à capital variable ou de la société de gestion du fonds commun de placement ou à la suite de l'exercice de souscription, la société de gestion ou la société d'investissement à capital variable doivent, dans leurs opérations de vente, avoir pour objectif prioritaire de régulariser cette situation dans les plus brefs délais, tout en tenant compte de l'intérêt des actionnaires ou porteurs de parts" ; que si la société Ofi Asset Management a invoqué le contexte économique exceptionnel entraînant un manque de liquidités pour justifier le dépassement du ratio d'emprise du fonds OAP dans le fonds OPE, il résulte de l'instruction que la souscription de parts du fonds OPE était destinée à faire face aux importantes demandes de rachat dont la société requérante était saisie par ses clients après qu'elle eut décidé de les informer de l'évolution défavorable du fonds et leur eut conseillé de choisir un autre investissement monétaire ; que, par suite, en décidant que le dépassement du ratio d'emprise, intervenu en connaissance de cause, n'était pas indépendant de la volonté de la société Ofi Asset Management, au sens de l'article R. 214-10 du code monétaire et financier, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

En ce qui concerne l'atteinte aux intérêts des porteurs :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code monétaire et financier : " Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs " ; que l'article 313-18 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers dispose que : " Le prestataire de services d'investissement prend toute la mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d'intérêts se posant lors de la prestation de services d'investissement, de services connexes ou de la gestion d'OPCVM :/ (...) 2° Soit entre deux clients " ; que l'article 313-20 du même règlement précise que : " Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelle une politique efficace de gestion des conflits d'intérêts qui doit être fixée par écrit et être appropriée au regard de sa taille, de son organisation, de la nature et de la complexité de son activité " ;

6. Considérant que la société Ofi Asset Management soutient que la commission des sanctions a, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, porté une appréciation erronée en estimant que la souscription de parts du fonds OPE n'avait pas été réalisée dans l'intérêt exclusif des porteurs ; qu'il résulte de l'instruction que, si la société requérante a avancé que l'investissement réalisé dans le fonds OPE n'était pas, à long terme, contraire à l'intérêt des porteurs du fonds OAP, elle n'a pas contesté qu'il avait été réalisé dans l'unique objectif d'apporter de la liquidité au fonds OPE et de pouvoir ainsi faire face aux importantes demandes de rachat dont la requérante était saisie par ses clients après qu'elle eut décidé de les informer de l'évolution défavorable du fonds OPE et leur eut conseillé de choisir un autre investissement monétaire ; que la circonstance, invoquée par la société requérante, qu'elle aurait choisi la solution la plus à même de préserver les intérêts des porteurs du fonds OPE est sans incidence sur l'appréciation du manquement ainsi constitué ; qu'il résulte également de l'instruction que, compte tenu des conditions et modalités de prise en compte de certaines décotes de fonds sous-jacents dans le calcul de valeur liquidative du fonds OPE à la date de la souscription choisie par la société, celle-ci ne peut être regardée comme ayant agi, à cette date, dans l'intérêt des porteurs du fonds OAP ; que, par suite, compte tenu des éléments qu'elle a relevés, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant le manquement par la société Ofi Asset Management à son obligation d'agir au bénéfice exclusif du client pour le compte duquel est prise une décision d'investissement ;

En ce qui concerne le défaut de communication des valeurs liquidatives du fonds OPE :

7. Considérant que la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision de contradiction de motifs en affirmant que les porteurs du fonds OPE avaient été privés d'informations sur la valeur liquidative de ce fonds pendant seize jours ouvrés entre le 25 juin et le 17 juillet 2008, tout en constatant qu'un opérateur commercialisant le fonds OPE avait communiqué, de sa propre initiative, à l'un de ses clients une information relative à la valeur liquidative du fonds le 7 juillet 2008 ; qu'en effet, la société Ofi Asset Management n'a communiqué la valeur liquidative à ce client que le 17 juillet ; que la valeur liquidative du fonds OPE n'a pas été transmise quotidiennement à l'Autorité des marchés financiers durant la même période ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commission des sanctions ait commis une erreur d'appréciation en retenant un tel manquement ;

En ce qui concerne les sanctions prononcées :

8. Considérant qu'en infligeant à la société Ofi Asset Management une sanction pécuniaire de 300 000 euros et en décidant la publication de sa décision, la commission des sanctions n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé de sanctions disproportionnées au regard de la gravité et de la nature des manquements reprochés ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ofi Asset Management n'est pas fondée à demander l'annulation de la sanction qui lui a été infligée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Ofi Asset Management est rejetée.

Article 2 : La société Ofi Asset Management versera à l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ofi Asset Management et à l'Autorité des marchés financiers.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 353073
Date de la décision : 13/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2013, n° 353073
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:353073.20131213
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