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13/12/2013 | FRANCE | N°339612

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 13 décembre 2013, 339612


Vu 1°, sous le n° 339612, le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, enregistré le 18 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA03117 du 18 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0313505-054972 du 3 juin 2008 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a fixé qu'à un montant de 3 % des sommes indûment réglées en numéraire l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôt

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Vu 1°, sous le n° 339612, le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, enregistré le 18 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA03117 du 18 mars 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement n° 0313505-054972 du 3 juin 2008 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a fixé qu'à un montant de 3 % des sommes indûment réglées en numéraire l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts mise à la charge de M. B... en raison de paiements en espèces effectués au cours des années 1999 à 2001 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.B... ;

Vu 2°, sous le n° 340092, le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 31 mai 2010, 31 août 2010 et 10 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler le même arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, en tant qu'il a fixé à un montant de 3 % des sommes indûment réglées en numéraire l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts mise à sa charge en raison de paiements en espèces effectués au cours des années 1999 à 2001 et rejeté sa demande de décharge totale de cette amende ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. B...;

1. Considérant que les pourvois n° 339612 du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État et n° 340092 de M. B...sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une amende a été infligée à M. B..., en application de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, pour des paiements en espèces de transactions portant sur des métaux précieux effectués au cours des années 1999 à 2001, en méconnaissance de l'interdiction de certains paiements en espèces prévue par l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, puis, à compter du 1er janvier 2001, par l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ; qu'il a demandé la décharge de cette amende au tribunal administratif de Paris, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 3 juin 2008 ; qu'après avoir annulé ce jugement au motif qu'il avait à tort rejeté comme irrecevable la demande présentée devant lui, la cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt du 18 mars 2010, a réduit de 5 % à 3 % des sommes indûment réglées en numéraire le montant de l'amende mise à la charge de M. B... ; que M. B... demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il maintient une amende à sa charge et en fixe le taux à 3 % ; que le ministre demande l'annulation du même arrêt en tant qu'il ramène de 5 % à 3 % le taux de l'amende litigieuse ;

Sur le pourvoi de M.B... :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'amende litigieuse : " Conformément aux deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code précité sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indument réglées en numéraire " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

5. Considérant qu'en jugeant que l'administration n'était pas tenue de motiver le taux de l'amende qu'elle prononçait en application des dispositions précitées de l'article 1840 N sexies du code général des impôts, alors que celles-ci prévoient, pour la détermination de ce taux, un pouvoir de modulation et que, alors même qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que certaines infractions avaient été commises en 1999 et 2000, elles étaient applicables à la sanction litigieuse, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de M.B..., ce dernier est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 18 mars 2010 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il maintient une amende à sa charge et en fixe le taux à 3 % ;

Sur le pourvoi du ministre :

6. Considérant que, pour ramener de 5 % à 3 % le taux de l'amende infligée à M.B..., la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du montant des paiements en espèces effectués ; qu'en excluant ainsi la prise en compte de l'une des circonstances de l'espèce qui lui était soumise, elle a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi du ministre, ce dernier est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il lui est défavorable ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les articles 2 à 5 de l'arrêt du 18 mars 2010 de la cour administrative d'appel de Paris doivent être annulés ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en statuant sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement de l'amende infligée à M. B... sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts a été émis le 31 décembre 2004 ; que l'intéressé en a accusé réception le 6 janvier 2005 ; que M. B... a présenté à l'administration deux réclamations les 29 mars et 1er avril 2005, qui ont été rejetées les 22 et 24 août 2005 ;

10. Considérant que, par sa décision n° 313461 du 19 juillet 2010, le Conseil d'État, statuant au contentieux a jugé que l'avis de mise en recouvrement de l'amende infligée à M. B... sur le fondement de l'article 1840 N sexies du code général des impôts mentionnait les voies et délais de recours et que, faute d'avoir été présentées dans le délai de deux mois suivant la réception de cet avis de mise en recouvrement, les réclamations présentées à l'administration les 29 mars et 1er avril 2005 n'avaient pu préserver le délai de recours contentieux ; qu'ainsi que le soutient le ministre, cette décision est revêtue de l'autorité relative de la chose jugée, dès lors que la demande présentée par M. B...dans la présente instance tend à la décharge de la même amende et qu'elle a été introduite après les mêmes réclamations préalables ; que la demande de M. B...ne peut donc qu'être rejetée en raison de son caractère tardif ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt du 18 mars 2010 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel de Paris et devant le Conseil d'État sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 339612
Date de la décision : 13/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2013, n° 339612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:339612.20131213
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