Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret, dont le siège est 91, rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris (75008), représentée par son président ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'instruction du gouvernement du 2 août 2013 relative au dispositif de majoration du prix de la prestation de transport routier de marchandises liée à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, car de nombreuses entreprises de transport ont fait expressément connaître leur intention d'appliquer le nouveau dispositif dès son entrée en vigueur ;
- l'instruction présente un caractère impératif ;
- elle prévoit une entrée en vigueur au 1er octobre 2013 qui est illégale ;
- elle fixe une assiette de la majoration qui viole l'article L. 3222-3 du code des transports ;
- elle est illégale dans sa fixation de la majoration pour les locations de véhicules avec conducteur, dans sa prise en compte des contrats de commission et du mécanisme d'indexation du prix du gazoil ;
- l'instruction méconnaît les articles 3, 3.3, 5 et 9 du règlement n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;
Vu l'instruction dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2013, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie, car l'impact financier du mécanisme de majoration est trop faible pour préjudicier de manière grave et immédiate aux intérêts que défend l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret ;
- les moyens de légalité soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association des Utilisateurs des Transports de Fret, d'autre part, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'économie et des finances ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 novembre 2013 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret ;
- les représentants de l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret ;
- les représentants du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au vendredi 22 novembre 2013 à 18 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 novembre 2013, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; le ministre indique qu'un arrêté abrogeant l'arrêté du 2 octobre 2013 relatif à la date d'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises sera pris en vue d'une publication avant le 31 décembre 2013 ; que l'urgence n'est, dans ces conditions, pas établie ; qu'aucun des moyens n'est, par ailleurs, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'instruction ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 novembre 2013, présenté pour l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret ; l'association reprend les conclusions de sa requête avec les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que l'impact de la majoration sur les chargeurs est de nature à caractériser un préjudice grave et immédiat ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2013 à 18 h 45, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des transports ;
Vu le code des douanes ;
Vu la loi n°2013-431 du 28 mai 2013, notamment le II de son article 16 ;
Vu l'arrêté du 2 octobre 2013 ;
Vu le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu' il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
3. Considérant que l'association requérante demande la suspension de l'instruction du 2 août 2013 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, ont précisé les conditions d'entrée en vigueur du dispositif de majoration du prix de la prestation de transport routier prévu par l'article L. 3222-3 du code des transports ;
4. Considérant qu'en vertu des dispositions du II de l'article 16 de la loi du 28 ai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de transport, l'entrée en vigueur de ce dispositif de majoration est fixée à la même date que celle de l'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, dite " écotaxe poids lourds ", prévue par les articles 269 à 283 quater du code des douanes ; que cette date a été fixée au 1er janvier 2014 par l'arrêté du 2 octobre 2013 relatif à la date d'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ;
5. Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises a été suspendue par une décision publiquement annoncée par le gouvernement le 29 octobre 2013 ; que, la loi du 28 mai 2013 ayant posé le principe de la simultanéité d'entrée en vigueur des deux dispositifs, la décision du gouvernement de suspendre l'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises doit être regardée comme entraînant nécessairement, pour la même durée, la suspension du dispositif de majoration du prix de la prestation de transport routier ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a d'ailleurs, par un courrier du 20 novembre 2013, fait savoir qu'un arrêté abrogeant l'arrêté du 2 octobre 2013 était en préparation et serait publié avant le 31 décembre 2013 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension de l'instruction contestée, n'est pas remplie ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de cette instruction, la requête de l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association des Utilisateurs de Transport de Fret, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'économie et des finances.