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19/11/2013 | FRANCE | N°352488

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 19 novembre 2013, 352488


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2011 et le 7 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale immobilière, dont le siège est 100-104, avenue de France à Paris (75013), représentée par son président directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY02802, 10LY02893 du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement n° 1001421 du 15 octobre 2010

par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande du pré...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2011 et le 7 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale immobilière, dont le siège est 100-104, avenue de France à Paris (75013), représentée par son président directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY02802, 10LY02893 du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement n° 1001421 du 15 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande du préfet de la Drôme, d'une part, la délibération du 14 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal de Romans-sur-Isère a autorisé le maire à signer avec elle un bail emphytéotique administratif relatif à la gestion de locaux affectés à la Gendarmerie nationale, d'autre part, le bail conclu le 16 décembre 2009 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;

Vu la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Angélique Delorme, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la Société Nationale Immobilière ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur un tènement immobilier lui appartenant, la commune de Romans-sur-Isère a édifié, pour la gendarmerie nationale, trois bâtiments à usage de logements et de services qui ont été achevés à la fin de l'année 2005 et donnés à bail à l'Etat le 1er février 2006 ; que par délibération du 14 décembre 2009, le conseil municipal de Romans-sur-Isère a autorisé son maire à signer un bail emphytéotique avec la Société nationale immobilière pour transférer à celle-ci la gestion de cet ensemble immobilier ; que, sur déféré du préfet de la Drôme, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, par jugement du 15 octobre 2010, cette délibération et le bail emphytéotique conclu le 16 décembre 2009 ; que la Société nationale immobilière se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté, après les avoir joints, les appels de la commune de Romans-sur-Isère et de la Société nationale immobilière contre ce jugement ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la légalité de la délibération du 14 décembre 2009 :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, issues, avant leur codification par la loi du 21 février 1996, de l'article 13 de la loi du 5 janvier 1988 : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (...). " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, notamment de la référence qu'elles comportent au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, que le législateur n'a ainsi entendu viser que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels une collectivité territoriale confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant ; que, s'il résulte des dispositions insérées à l'article L. 1311-2 par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle comporterait un effet rétroactif ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour juger que l'objet de la convention conclue par la commune de Romans-sur-Isère avec la Société nationale immobilière n'entrait pas dans les prévisions des dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, la cour ne s'est pas fondée sur un motif tiré de ce que l'installation de services de gendarmerie dans la commune de Romans-sur-Isère, d'une part, et l'encaissement de la somme de 5,1 millions d'euros prévue par la convention litigieuse, d'autre part, seraient dépourvus de tout intérêt public communal ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier en excluant, pour de tels motifs, l'existence d'un intérêt public local à la conclusion de la convention litigieuse ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, que la cour a relevé, par une motivation suffisante et au terme d'une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la convention conclue en l'espèce par la commune de Romans-sur-Isère avec la Société nationale immobilière confiait à cette société la gestion courante de biens immobiliers ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de qualification juridique ni d'erreur de droit, qu'une telle convention n'entrait pas dans les prévisions des dispositions de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 14 mars 2011 ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la légalité du contrat du 16 décembre 2009 :

6. Considérant que lorsque le préfet, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, saisit le juge administratif d'un déféré tendant à l'annulation d'un contrat administratif, un tel recours, eu égard à son objet, relève du contentieux de pleine juridiction ; que dès lors, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le déféré du préfet de la Drôme qui demandait l'annulation du contrat de bail présentait la nature d'un recours pour excès de pouvoir ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il concerne le déféré préfectoral visant le contrat du 16 décembre 2009 ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Société nationale immobilière au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé, dans la mesure où il a statué sur l'appel formé par la Société nationale immobilière contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2010 en tant qu'il a statué sur le déféré préfectoral visant le contrat du 16 décembre 2009.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale immobilière et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 352488
Date de la décision : 19/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - BIENS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - RÉGIME JURIDIQUE DES BIENS - BIENS FAISANT L'OBJET D'UN BAIL EMPHYTÉOTIQUE ADMINISTRATIF (ART - L - 1311-2 DU CGCT) - FINALITÉS EN VUE DESQUELLES LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PEUVENT CONCLURE UN TEL BAIL - ETAT DU DROIT ANTÉRIEUR À LA LOI DU 14 MARS 2011 - RÉALISATION PAR LE PRENEUR D'INVESTISSEMENTS SUR UN BIEN APPARTENANT À LA COLLECTIVITÉ - EXISTENCE - GESTION COURANTE DU BIEN PAR LE PRENEUR - ABSENCE - CARACTÈRE RÉTROACTIF DE LA LOI DU 14 MARS 2011 - ABSENCE.

135-01-03-02 Aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 et antérieure à la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 : Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (…). ,,,Il résulte de ces dispositions, notamment de la référence qu'elles comportent au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, que le législateur n'a entendu viser que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels la collectivité confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant. S'il résulte des dispositions insérées à l'article L. 1311-2 du CGCT par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle comporterait un effet rétroactif.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - BAIL EMPHYTÉOTIQUE ADMINISTRATIF (ART - L - 1311-2 DU CGCT) - FINALITÉS POUR LESQUELLES LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PEUVENT CONCLURE DE TELS BAUX - ETAT DU DROIT ANTÉRIEUR À LA LOI DU 14 MARS 2011 - RÉALISATION PAR LE PRENEUR D'INVESTISSEMENTS SUR UN BIEN APPARTENANT À LA COLLECTIVITÉ - EXISTENCE - GESTION COURANTE DU BIEN PAR LE PRENEUR - ABSENCE - CARACTÈRE RÉTROACTIF DE LA LOI DU 14 MARS 2011 ÉTENDANT LES FINALITÉS ASSIGNÉES À CES BAUX - ABSENCE.

39-01-03 Aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 et antérieure à la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 : Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (…). ,,,Il résulte de ces dispositions, notamment de la référence qu'elles comportent au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, que le législateur n'a entendu viser que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels la collectivité confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant. S'il résulte des dispositions insérées à l'article L. 1311-2 du CGCT par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle comporterait un effet rétroactif.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2013, n° 352488
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Angélique Delorme
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:352488.20131119
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