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13/11/2013 | FRANCE | N°351066

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 13 novembre 2013, 351066


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 11 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Powersource Computer Systems, dont le siège est 70, rue Philippe Girard à Paris (75018) ; la société Powersource Computer Systems demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05675 du 16 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ten

dant à l'annulation de la décision du 28 février 2007 par laquelle le pr...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 11 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Powersource Computer Systems, dont le siège est 70, rue Philippe Girard à Paris (75018) ; la société Powersource Computer Systems demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05675 du 16 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2007 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a mis à sa charge, d'une part, le remboursement des sommes de 74 009 euros et de 77 490 euros à huit organismes paritaires agréés, au titre de conventions de formation professionnelle non exécutées ou partiellement exécutées et, d'autre part, le paiement au Trésor public des mêmes sommes, pour manoeuvres frauduleuses ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Powersource Computer Systems ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 991-6 du code du travail, applicable à la date de la décision litigieuse du préfet de la région Ile-de-France, qui reprend les dispositions de l'article L. 920-9 du code du travail, applicable à la date des faits litigieux : " Faute de réalisation totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire doit rembourser au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait. / En cas de manoeuvres frauduleuses, le ou les contractants sont, de plus, assujettis à un versement d'égal montant au profit du Trésor public " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 27 novembre 2006, consécutive à un contrôle effectué en application des dispositions des articles L. 991-1 et suivants du code du travail alors en vigueur, le préfet de la région Ile-de-France a ordonné à la société Powersource Computer Systems, organisme dispensateur de formation professionnelle, d'une part, de rembourser à plusieurs entreprises et organismes collecteurs paritaires agréés avec lesquels elle avait conclu des conventions de formation les sommes de 74 009 euros et de 77 490 euros, indûment perçues du fait d'heures de formation non réalisées au cours des années 2003 et 2004 et, d'autre part, de verser au Trésor public une somme égale à ces montants, en raison de manoeuvres frauduleuses ; que, saisi par la société Powersource Computer Systems du recours gracieux à caractère obligatoire prévu à l'article R. 991-8 du code du travail alors en vigueur, le préfet de la région Ile-de-France a, par une décision du 28 février 2007, confirmé sa précédente décision ; que, par un arrêt du 16 mai 2011 contre lequel la société se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du 30 juin 2009 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Powersource Computer Systems tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 février 2007 ;

2. Considérant, en premier lieu, que pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 28 février 2007, la cour a estimé que le préfet de la région Ile-de-France avait délégué sa signature au secrétaire général de la préfecture par un arrêté du 1er mars 2006 régulièrement publié ; que la qualité du signataire de l'ampliation de cet arrêté du 1er mars 2006 étant sans incidence sur la validité de la délégation de signature ainsi consentie, la cour n'était pas tenue de répondre à l'argumentation de la société Powerful Computer Systems sur ce point ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 991-3 du code du travail alors applicable : " Sans préjudice des attributions propres des corps d'inspection compétents à l'égard des établissements concernés, le contrôle mentionné aux articles L. 991-1 et L. 991-2 est exercé par les inspecteurs et les contrôleurs de la formation professionnelle commissionnés à cet effet. / Ces agents sont assermentés dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Ils sont tenus au secret professionnel dans les termes des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. / Dans l'exercice de leurs missions, les agents mentionnés au premier alinéa peuvent se faire assister par des fonctionnaires élèves ou stagiaires (...) " ; que selon l'article R. 991-1 du même code, alors applicable : " Les inspecteurs et les contrôleurs de la formation professionnelle exerçant les contrôles définis aux articles L. 991-1 et L. 991-2 sont commissionnés par le préfet de région lorsqu'ils n'interviennent que dans les limites d'une région, ou par le ministre chargé de la formation professionnelle lorsqu'ils ont vocation d'intervenir sur l'ensemble du territoire. / Les agents ainsi commissionnés sont habilités à rechercher et constater par procès-verbal les infractions visées aux articles L. 993-2, L. 993-3 et L. 993-5. / Avant d'entrer en fonctions, ils prêtent serment devant le tribunal de grande instance de leur résidence administrative (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le contrôle des organismes de formation professionnelle ne peut être exercé que par des agents commissionnés préalablement à cet effet, assistés le cas échéant par des fonctionnaires élèves ou stagiaires ; qu'en l'absence d'un tel commissionnement, le contrôle effectué par un inspecteur ou un contrôleur de la formation professionnelle est irrégulier, même lorsque l'inspecteur ou le contrôleur a prêté serment ; que, toutefois, la régularité du contrôle conduit par un agent commissionné et assermenté n'est pas affectée par la seule présence d'un agent qui ne l'est pas encore, lorsque ce dernier s'est borné à assister son collègue sans procéder lui-même à des opérations de contrôle ; que, devant les juges du fond, la société Powersource Computer Systems se prévalait de ce qu'avait participé au contrôle, outre un inspecteur du travail commissionné et assermenté, un contrôleur qui n'avait été commissionné que le 5 mai 2006, soit dix jours après la date de début du contrôle, sans aucunement soutenir qu'il aurait lui-même réalisé des opérations de contrôle entre le 25 avril et le 5 mai 2007 ; que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas établi que la circonstance que l'un des deux contrôleurs avait été commissionné après le début des opérations de contrôle aurait constitué, dans les circonstances de l'espèce, une irrégularité de nature à entacher d'irrégularité le contrôle ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 991-5 du code du travail alors en vigueur, tant dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-602 du 24 juin 2004 que dans sa rédaction postérieure à celle-ci, que les organismes de formation professionnelle sont notamment tenus de présenter aux agents mentionnés à l'article L. 991-3 tous documents et pièces établissant la réalité des actions de formation réalisées ; que le II de l'article R. 964-1-7 a prévu que le paiement des frais de formation pris en charge par les organismes collecteurs paritaires s'effectue après exécution des prestations de formation et sur production de pièces justificatives, dont les attestations de présence signées par les stagiaires ; que le décret du 15 octobre 2004 relatif au financement de la formation professionnelle continue et à la gestion des organismes paritaires collecteurs agréés a complété ces dispositions en introduisant dans le code du travail des dispositions qui prévoient que les employeurs ou les prestataires de formation adressent aux organismes collecteurs qui en font la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence et en précisant, par l'article R. 964-1-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de son article 2, que : " ces feuilles d'émargement sont au nombre des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle prévu à l'article L. 991-5 " ; que, pour écarter le moyen de la société Powerful Computer Systems tiré de ce que la réalité des prestations de formation effectuées en 2003 et 2004 était suffisamment justifiée, la cour a relevé que les documents produits par la société, qui consistaient en des attestations de salariés formateurs, des attestations globales de présence non datées et des bilans pédagogiques, ne suffisaient pas à eux seuls, compte tenu de leur imprécision et en l'absence, d'une part, de mention de tâches de formation dans les contrats de travail de ces salariés, d'autre part, de feuilles d'émargement quotidiennes signées par les stagiaires, à apporter cette justification ; qu'elle n'a pas, en statuant ainsi, subordonné la justification de la réalité des prestations à la production d'un type unique de documents et n'a pas commis sur ce point d'erreur de droit ; que si elle a ajouté, en répondant au moyen relatif aux manoeuvres frauduleuses, que les feuilles de présence quotidiennes des stagiaires étaient obligatoires en vertu des dispositions de l'article R. 964-1-7 du code du travail, elle s'est bornée à rappeler l'état de la réglementation applicable à une partie de la période concernée par le contrôle ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que sur 175 dossiers contrôlés, 29 seulement comportaient des feuilles de présence émargées par les stagiaires, dont 13 seulement étaient émargées quotidiennement ; que, dans ces conditions, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant, malgré les quelques exceptions mentionnées ci-dessus, l'absence de production, par la société Powersource Computer Systems, de feuilles d'émargement ; que, par ailleurs, en estimant que les pièces produites ne permettaient pas d'établir l'emploi de salariés formateurs, elle n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

6. Considérant, en dernier lieu, que pour écarter le moyen tiré de l'absence de manoeuvres frauduleuses, la cour a relevé que la société Powersource Computer Systems ne justifiait pas avoir employé des salariés en qualité de formateurs et n'était pas en mesure de présenter de feuilles d'émargement des stagiaires, mais avait néanmoins établi des certificats de stage, nécessaires à la prise en charge financière des actions de formation alléguées ; que son appréciation souveraine est, sur ces points, exempte de dénaturation ; qu'en estimant que le caractère systématique et répété de ces pratiques traduisait nécessairement leur caractère volontaire, et que, par suite, celles-ci constituaient des manoeuvres frauduleuses, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit, a donné aux faits ainsi appréciés une exacte qualification juridique ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Powersource Computer Systems n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Powersource Computer Systems est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Powersource Computer Systems et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351066
Date de la décision : 13/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - NOTION DE MANŒUVRE FRAUDULEUSE AU SENS DE L'ANCIEN ARTICLE L - 920-9 DU CODE DU TRAVAIL.

54-08-02-02-01-02 Le Conseil d'Etat contrôle au titre de la qualification juridique, à partir des faits souverainement appréciés par les juges du fond, si des pratiques revêtent le caractère de manoeuvres frauduleuses au sens des dispositions de l'ancien article L. 920-9 du code du travail.

TRAVAIL ET EMPLOI - FORMATION PROFESSIONNELLE - PARTICIPATION DES EMPLOYEURS AU DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE - NOTION DE MANŒUVRE FRAUDULEUSE AU SENS DE L'ANCIEN ARTICLE L - 920-9 DU CODE DU TRAVAIL - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

66-09-04 Le Conseil d'Etat contrôle au titre de la qualification juridique, à partir des faits souverainement appréciés par les juges du fond, si des pratiques revêtent le caractère de manoeuvres frauduleuses au sens des dispositions de l'ancien article L. 920-9 du code du travail.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2013, n° 351066
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351066.20131113
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