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04/11/2013 | FRANCE | N°347474

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 04 novembre 2013, 347474


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France (CARDIF) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005 refusant de l'autoriser à créer une structure d'hospitalisation à domicile de quarante places dans l'Essonne et la Seine-et-Marne et la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et des solidarités a rejeté le recours hiérarchique qu'

elle avait formé le 10 février 2006 contre cette décision. Par une ordonna...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France (CARDIF) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005 refusant de l'autoriser à créer une structure d'hospitalisation à domicile de quarante places dans l'Essonne et la Seine-et-Marne et la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et des solidarités a rejeté le recours hiérarchique qu'elle avait formé le 10 février 2006 contre cette décision. Par une ordonnance n° 0700922 du 16 décembre 2008, le vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 08PA06260 du 31 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'association CARDIF contre cette ordonnance.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 15 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association CARDIF, représentée par la SCP Gaschignard, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 08PA06260 de la cour administrative d'appel de Paris du 31 décembre 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le pourvoi a été communiqué au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus en séance publique :

- le rapport de M. Denis Rapone, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole a été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Par une décision du 29 novembre 2005, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a rejeté la demande de l'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France (CARDIF) d'autorisation de création d'une structure d'hospitalisation à domicile de quarante places dans les départements de l'Essonne et de la Seine-et-Marne. Cette association ayant formé le 10 février 2006 un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la santé, reçu le 15 février suivant, le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale a rendu le 29 juin 2006 un avis tendant à ce que ce recours soit accueilli. Toutefois, une décision implicite de rejet est intervenue par suite du silence gardé pendant un délai de six mois par le ministre de la santé et des solidarités. L'association se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris du 16 décembre 2008 rejetant pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2005 et de la décision rejetant son recours hiérarchique.

2. Aux termes de l'article L. 6122-10-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France : " Le schéma régional ou interrégional d'organisation sanitaire et les décisions d'autorisation d'activités ou d'équipements matériels lourds sont susceptibles d'un recours hiérarchique auprès du ministre chargé de la santé, qui statue dans un délai maximum de six mois, après avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale. Ce recours hiérarchique ne constitue pas un préalable obligatoire au recours contentieux ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 6122-42 du même code : " Le recours est réputé rejeté à l'expiration d'un délai de six mois à partir de sa réception par le ministre chargé de la santé si aucune décision de sens contraire n'est intervenue dans ce délai ". L'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-3 du même code : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : (...) 2° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux (...) ".

3. D'une part, le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale doit être regardé comme un organisme collégial pour l'application des dispositions du 2° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative. D'autre part, les dispositions de l'article R. 6122-42 du code de la santé publique citées ci-dessus, qui se bornent à fixer à six mois le délai à l'expiration duquel naît une décision implicite de rejet, par le ministre chargé de la santé, du recours hiérarchique prévu à l'article L. 6122-10-1 du même code, ne font pas obstacle à l'application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative. Par suite, seule la notification d'une décision expresse de rejet du recours hiérarchique formé au titre de l'article L. 6122-10-1 du code de la santé publique est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que l'association requérante ne pouvait se prévaloir des dispositions du 2° de l'article R. 421-3 de ce code pour soutenir que le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision implicite du ministre de la santé et des solidarités, prise après avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale, ne pouvait courir qu'à compter de la notification d'une décision expresse de rejet et en en déduisant que la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005 et de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la santé et des solidarités sur le recours hiérarchique formé le 10 février 2006 avait été présentée tardivement au tribunal administratif de Paris. Son arrêt doit, par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, tirés du défaut de réponse au moyen tiré de l'absence de mention des voies et délais de recours accompagnant la décision du 29 novembre 2005 et de l'erreur de droit commise par la cour en jugeant que les indications qui lui avaient été données avaient été de nature à faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. D'une part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il ressort des pièces du dossier que ni la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005 ni le courrier qui la notifie à l'association requérante, lesquels se bornent à mentionner la possibilité d'un recours hiérarchique devant le ministre de la santé et des solidarités, ne comportent l'indication des voies et délais pour former un recours contentieux. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai de recours contentieux n'a pas couru à l'encontre de la décision du ministre rejetant le recours hiérarchique formé par l'association requérante, faute de décision expresse. Dès lors, la demande de l'association tendant à l'annulation de ces deux décisions, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 janvier 2007, n'était pas tardive. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'ordonnance attaquée doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association CARDIF devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre chargé de la santé et par l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le ministre et l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France ne sont pas fondés à soutenir que la demande de l'association requérante était tardive, faute d'avoir été formée dans le délai de deux mois à compter de l'intervention de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Sur la légalité de la décision du 29 novembre 2005 :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de l'hospitalisation les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, et l'installation des équipements matériels lourds ". Aux termes de l'article L. 6122-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par le schéma d'organisation sanitaire mentionné à l'article L. 6121-1 ; / 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ainsi qu'avec son annexe ; / 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement (...) ". En vertu de l'article R. 6122-34 de ce code, dans sa rédaction applicable à la même date, l'autorisation ne peut être refusée que pour l'un ou plusieurs des motifs que cet article énumère, et notamment : " (...) 2° Lorsque les besoins de santé définis par le schéma d'organisation sanitaire sont satisfaits et lorsque les objectifs quantifiés fixés par l'annexe au schéma d'organisation sanitaire sont atteints ; / 3° Lorsque le projet n'est pas compatible avec les objectifs du schéma d'organisation sanitaire ainsi qu'avec son annexe (...) ".

9. La décision du 29 novembre 2005, par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a refusé d'accorder à l'association CARDIF l'autorisation sollicitée par cette dernière, se fonde sur trois motifs tirés de ce que, en premier lieu, près de la moitié des capacités autorisées en France en matière d'hospitalisation à domicile se trouvait en région Ile-de-France, qui était ainsi caractérisée par des capacités importantes, en deuxième lieu, la demande était prématurée, le schéma régional d'organisation sanitaire d'Ile-de-France de troisième génération étant en voie de finalisation, et, en troisième lieu, l'association n'avait pas tenu compte, dans ses prévisions, de l'existence d'une structure d'hospitalisation à domicile pour la partie de l'activité prévue dans le département de l'Essonne.

10. D'une part, l'agence régionale de l'hospitalisation ne pouvait se borner à constater que la région Ile-de-France était comparativement mieux dotée que les autres régions en matière d'hospitalisation à domicile mais devait rechercher si le projet répondait aux besoins de santé de la population identifiés par le schéma d'organisation sanitaire. D'autre part, elle devait se prononcer sur la demande dont elle était saisie au regard des dispositions du schéma régional d'organisation sanitaire en vigueur à la date de sa décision et ne pouvait ainsi se fonder sur le caractère prématuré de la demande. Par suite, tant le premier que le deuxième motifs de sa décision sont entachés d'erreur de droit.

11. Il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que l'agence régionale de l'hospitalisation aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le seul motif tiré du défaut de prise en compte d'une structure d'hospitalisation à domicile existant dans le département de l'Essonne. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande dirigée contre cette décision, l'association CARDIF est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005.

Sur la légalité de la décision implicite du ministre de la santé et des solidarités rejetant le recours hiérarchique de l'association requérante :

12. A défaut de toute justification des motifs de sa décision, tirée notamment de l'application du nouveau schéma régional d'organisation sanitaire, entre-temps entré en vigueur, le ministre doit être regardé comme ayant entendu s'approprier les motifs de la décision de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France. Dès lors, il résulte de ce qui précède que l'association requérante est également fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et des solidarités a rejeté son recours hiérarchique, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande dirigés contre cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

14. La présente décision n'implique pas que l'administration prenne une mesure dans un sens déterminé. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de procéder à un nouvel examen de la demande de l'association CARDIF, dans un délai de trois mois à compter de la présente décision, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par l'association requérante.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France le versement à l'association CARDIF de sommes de 3 000 euros chacun, au titre des différentes instances, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre devant la cour administrative d'appel de Paris par l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : L'ordonnance du vice-président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris du 16 décembre 2008 est annulée.

Article 3 : La décision de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France du 29 novembre 2005 et la décision implicite du ministre de la santé et des solidarités rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de statuer sur la demande de l'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : L'Etat et l'agence régionale de santé d'Ile-de-France verseront chacun une somme de 3 000 euros à l'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France présentées devant la cour administrative d'appel de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à l'association Comité d'organisation de l'assistance respiratoire d'Ile-de-France, à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 347474
Date de la décision : 04/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2013, n° 347474
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Denis Rapone
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:347474.20131104
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