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29/10/2013 | FRANCE | N°359134

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 29 octobre 2013, 359134


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par la société Yprema, dont le siège social est 7, rue Condorcet à Chennevières-sur-Marne (94437), représentée par son président en exercice ; la société Yprema demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ministériel du 29 février 2012 fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Con...

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par la société Yprema, dont le siège social est 7, rue Condorcet à Chennevières-sur-Marne (94437), représentée par son président en exercice ; la société Yprema demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté ministériel du 29 février 2012 fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

Vu la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 ;

Vu le décret n° 2011-828 du 11 juillet 2011 ;

Vu la décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant que par l'arrêté attaqué, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a fixé le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement ;

Sur la légalité externe de l'arrêté :

2. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que l'arrêté attaqué n'a pas été adopté, en méconnaissance du 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, au terme d'une procédure de consultation du public et de concertation à laquelle elle aurait dû participer comme acteur majeur de la filière de recyclage des déchets inertes ; que, toutefois, cette disposition législative se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois ; que doit par suite, et en tout état de cause, être écarté le moyen tiré de ce que la procédure d'adoption de l'arrêté attaqué a méconnu l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

3. Considérant, en second lieu, que si, par sa décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à l'article 7 de la Charte de l'environnement la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2011, qui soumettait à une obligation de publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les projets d'arrêté du ministre chargé des installations classées fixant les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises à autorisation, les motifs et le dispositif de cette décision énoncent que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet le 1er janvier 2013 ; qu'il résulte ainsi de cette décision que le Conseil constitutionnel n'a pas entendu remettre en cause les effets que la disposition déclarée contraire à la Constitution avait produits avant la date de son abrogation ; que, par suite, la déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article L. 512-5 du code de l'environnement est sans incidence sur l'issue du présent litige, dirigé contre l'arrêté ministériel du 29 février 2012 fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement ;

Sur la légalité interne de l'arrêté :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 11 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets : " : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour promouvoir le réemploi des produits (...). Les Etats membres prennent des mesures pour promouvoir un recyclage de qualité (...) 2. Afin de se conformer aux objectifs de la présente directive et de tendre vers une société européenne du recyclage, avec un niveau élevé de rendement des ressources, les États membres prennent les mesures nécessaires pour parvenir aux objectifs suivants : (...) b) d'ici 2020, la préparation en vue du réemploi, le recyclage et les autres formules de valorisation de matière, y compris les opérations de remblayage qui utilisent des déchets au lieu d'autres matériaux, des déchets non dangereux de construction et de démolition, à l'exclusion des matériaux géologiques naturels définis dans la catégorie 17 05 04 de la liste des déchets, passent à un minimum de 70 % en poids. (...) " ; que l'article L. 541-1 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets précise, au sujet du chapitre Ier du titre IV du livre V de ce code, intitulé " prévention et gestion des déchets ", que : " les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : (...) 2° De mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination ; / 3° D'assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l'environnement, notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air, le sol, la faune ou la flore, (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 541-43 du code de l'environnement : " Les exploitants des établissements produisant ou expédiant des déchets, les collecteurs, les transporteurs, les négociants et les exploitants des installations de transit, de regroupement ou de traitement de déchets tiennent à jour un registre chronologique de la production, de l'expédition, de la réception et du traitement de ces déchets. Ce registre est conservé pendant au moins trois ans (...) " ; que l'article R. 541-46 du même code dispose que : " Les exploitants des installations visées à l'article L. 214-1 soumises à autorisation ou à déclaration ou des installations visées à l'article L. 511-1 soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration qui traitent des substances ou objets qui sont des déchets afin qu'ils cessent d'être des déchets conformément à l'article L. 541-4-3 tiennent un registre chronologique de la nature, du traitement et de l'expédition de ces substances ou objets. / Ils fournissent à l'administration compétente une déclaration annuelle sur la nature et les quantités de ces substances ou objets qui quittent leur installation " ; que l'article R. 541-48 du même code précise que : " Les modalités d'application de la présente section sont fixées en tant que de besoin par arrêté du ministre chargé de l'environnement (...) / Ces arrêtés fixent notamment : / 1° Le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 ; (...) " ;

En ce qui concerne les registres applicables aux déchets entrant respectivement dans les installations de stockage de déchets inertes et dans les installations de recyclage de ces déchets :

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les articles 1er et 5 de l'arrêté prévoient, pour l'application respective des articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement, des registres distincts pour les déchets entrant, d'une part, dans les installations de transit, de regroupement ou de traitement de déchets, notamment de tri, et, d'autre part, dans les installations qui traitent des substances ou objets qui sont des déchets afin qu'ils cessent d'être des déchets ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait prévu à tort des registres identiques pour des catégories de déchets différents manque en fait ;

En ce qui concerne le registre applicable aux substances ou objets qui ne sont plus des déchets :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement : " Un déchet cesse d'être un déchet après avoir été traité dans une installation visée à l'article L. 214-1 soumise à autorisation ou à déclaration ou dans une installation visée à l'article L. 511-1 soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation, s'il répond à des critères remplissant l'ensemble des conditions suivantes : / - la substance ou l'objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ; / - il existe une demande pour une telle substance ou objet ou elle répond à un marché ; / - la substance ou l'objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ; / - son utilisation n'aura pas d'effets globaux nocifs pour l'environnement ou la santé humaine. / Ces critères sont fixés par l'autorité administrative compétente. Ils comprennent le cas échéant des teneurs limites en substances polluantes et sont fixés en prenant en compte les effets nocifs des substances ou de l'objet sur l'environnement. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté attaqué : " Les exploitants des installations visées à l'article L. 214-1 soumises à autorisation ou à déclaration ou des installations visées à l'article L. 511-1 soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration qui traitent des substances ou objets qui sont des déchets afin qu'ils cessent d'être des déchets conformément à l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement tiennent un registre chronologique des substances ou objets ayant cessé d'être des déchets. / Ce registre contient au moins, pour chaque flux de substances ou objets ayant cessé d'être des déchets, les informations suivantes : / - la date de traitement du déchet ; / - la nature du déchet traité (code du déchet au regard de la nomenclature définie à l'annexe II de l'article R. 541-8 du code de l'environnement) ; / - la quantité de déchet traité ; / - la date d'expédition de ces substances ou objets ; / - le nom et l'adresse de la personne qui a pris possession de ces substances ou objets ayant cessé d'être des déchets ; / - la référence de l'acte administratif ayant fixé les critères de sortie du statut de déchet. "

9. Considérant, en premier lieu, que la seule circonstance que l'article R. 541-46 du code de l'environnement, sur le fondement duquel a notamment été pris l'arrêté attaqué, prévoit, pour les substances ou objets ayant cessé d'être des déchets, la tenue d'un registre chronologique n'est pas de nature à contrarier l'application des dispositions rappelées ci-dessus, issues de l'ordonnance du 17 décembre 2010 et prises pour la transposition de la directive du 19 novembre 2008 en matière de réemploi et de recyclage des déchets non dangereux de construction et de démolition ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que si le registre dont le contenu est précisé par l'article 5 de l'arrêté attaqué porte sur des substances ou objets ayant cessé d'être des déchets conformément à l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement, il est destiné à contrôler le respect des critères posés par ces dispositions et à garantir la sortie du statut de déchet ; qu'ainsi, loin d'opérer une confusion entre les déchets et les substances ou objets ayant cessé de l'être, ce registre permet d'assurer la distinction entre ces deux catégories de substances ou objets et la correcte application de leurs régimes juridiques respectifs ; que dès lors, l'arrêté attaqué a pu légalement préciser l'obligation de tenue d'un registre des substances ou objets ayant cessé d'être des déchets ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que se borne à affirmer la société requérante, les exigences, posées par l'arrêté attaqué, relatives au registre des substances ou objets ayant cessé d'être des déchets ne font pas peser sur les exploitants des installations concernées des contraintes qui, par leur intensité, seraient de nature à contrarier l'application des dispositions citées au point 4 ;

12. Considérant, enfin, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 5 de l'arrêté attaqué, cité au point 8, qu'il n'impose pas que soient précisés sur le registre applicable aux substances ou objets qui ne sont plus des déchets les lots auxquels appartenaient à leur arrivée dans l'installation concernée les déchets qui y ont ensuite été traités ; d'autre part, qu'en prévoyant que soit consignée dans le registre la date d'expédition des substances ou objets ayant cessé d'être des déchets, l'article 5 de l'arrêté attaqué permet de garantir, conformément à l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement, que la substance ou l'objet est couramment utilisé à des fins spécifiques et qu'il existe une demande pour une telle substance ou objet ou qu'elle répond à un marché ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en déterminant le contenu du registre applicable aux substances ou objets qui ne sont plus des déchets, aurait fixé des exigences inadaptées n'est pas fondé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Yprema n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Yprema est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Yprema et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 359134
Date de la décision : 29/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2013, n° 359134
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:359134.20131029
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