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23/10/2013 | FRANCE | N°349042

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 octobre 2013, 349042


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai 2011 et 1er août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C... B..., demeurant ...; M. C...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY00893 du 3 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a annulé sur la requête du préfet de la Haute-Savoie, le jugement n° 1001703 du 22 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 17 mars 2010 ordonnant la r

econduite à la frontière de M.B..., ainsi que les décisions du même jour f...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai 2011 et 1er août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C... B..., demeurant ...; M. C...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10LY00893 du 3 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a annulé sur la requête du préfet de la Haute-Savoie, le jugement n° 1001703 du 22 mars 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 17 mars 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M.B..., ainsi que les décisions du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative, d'autre part, a rejeté la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Waquet, Farge, Hazan, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à

New-York le 26 janvier 1990, notamment son article 3, paragraphe 1 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par arrêtés du 17 mars 2010, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné la reconduite à la frontière, fixé le pays de destination et ordonné le placement en rétention administrative de M.B..., de nationalité ivoirienne, qui se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'à la demande de M.B..., le tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 22 mars 2010, annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois ; que l'intéressé se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 22 mars 2010 et rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si le requérant fait valoir que la cour administrative d'appel de Lyon a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas de l'arrêt attaqué, le dernier mémoire qu'il avait présenté dans l'instance et qui avait été produit avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité de l'arrêt attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau relatif à la situation du requérant à la date des décisions préfectorales litigieuses auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs ;

3. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour a apporté une réponse suffisante au moyen tiré de ce que la reconduite à la frontière contestée aurait méconnu l'intérêt supérieur des enfants concernés par cette mesure ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

5. Considérant que, pour estimer que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. B...n'avait pas méconnu l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que M.B..., entré en France en 2000, était père de deux enfants, nés respectivement en 1996 en Côte d'Ivoire et en 2008 en France, qu'il vivait avec ses deux enfants et en union libre avec leur mère, Mlle D...A..., ressortissante ivoirienne, titulaire d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelé depuis 2005, et que le couple élevait également l'enfant Tiebi Dalet, de nationalité française, né en 2004 de la relation de Mlle A...avec un ressortissant français ; que la cour a relevé que, si le requérant faisait valoir que l'arrêté de reconduite à la frontière impliquait nécessairement une séparation entre M. B...et ses enfants ou, en cas de reconstitution de la cellule familiale en Côte d'Ivoire, entre l'enfant Tiebi Dalet et sa mère s'il demeurait en France ou entre Tiebi Dalet et l'un de ses parents, d'une part, il n'était toutefois ni établi ni allégué que le père de Tiebi exercerait un droit de visite régulier sur son enfant et participerait à son éducation et, d'autre part, si M. B...soutenait s'occuper de ses enfants et du fils de sa compagne, il n'était toutefois pas établi que M. B...exercerait sur cet enfant l'autorité parentale ; que la cour en a déduit que rien ne s'opposait à ce que M. B... puisse reconstituer la cellule familiale en République de Côte d'Ivoire avec sa compagne, de même nationalité, présente en France depuis 2003, et sans emploi ; qu'en se fondant sur ces motifs pour estimer que l'arrêté du 29 avril 2010 n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie [...] dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

7. Considérant que, pour estimer que la reconduite à la frontière de M. B...ne méconnaissait pas les stipulations citées au point précédent, la cour a relevé, d'une part, que la présence régulière et continue du requérant en France sur le territoire français n'était pas établie, pas plus que la réalité de sa communauté de vie depuis 2005 avec MlleA..., d'autre part, qu'il ressortait de ses propres écrits que M. B...avait vécu séparé de sa fille aînée, qui n'était entrée en France qu'en 2008 à l'âge de 12 ans, et que le requérant, sans emploi et sans ressources en France, n'était pas dépourvu d'attaches familiales et culturelles dans son pays d'origine, où il avait passé l'essentiel de son existence et exercé la profession de commerçant, enfin, que sa compagne, sans emploi, ainsi que leurs enfants étaient de nationalité ivoirienne ; que la cour a également relevé qu'il n'était pas établi que le père de l'enfant français de Mlle A...exerçait un droit de visite régulière sur cet enfant et que, dès lors, rien ne s'opposait à ce que M. B...puisse reconstituer la cellule familiale en République de Côte d'Ivoire avec sa compagne, si elle le souhaitait ; que la cour en a déduit que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'avait pas porté une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris et n'avait ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 janvier 2011 ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 349042
Date de la décision : 23/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2013, n° 349042
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:349042.20131023
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