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21/10/2013 | FRANCE | N°360971

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 21 octobre 2013, 360971


Vu le pourvoi enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1001066 du 15 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a condamné l'Etat à verser à Mme D...A...la somme de 6 630 euros en réparation du préjudice ayant résulté pour elle du retard pris par le préfet pour apporter le concours de la force publique en vue de l'exécution de l'ordonnance du tribunal d'instance de Saint-Paul du 15 avri

l 2008 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de ne faire droit qu'à hauteu...

Vu le pourvoi enregistré le 11 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1001066 du 15 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a condamné l'Etat à verser à Mme D...A...la somme de 6 630 euros en réparation du préjudice ayant résulté pour elle du retard pris par le préfet pour apporter le concours de la force publique en vue de l'exécution de l'ordonnance du tribunal d'instance de Saint-Paul du 15 avril 2008 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de ne faire droit qu'à hauteur de 2 448 euros à la demande indemnitaire de Mme A...et de subordonner le paiement de cette sommes à la subrogation de l'Etat dans les droits que l'intéressée détient à l'encontre de M. C...B...au titre de la période de responsabilité de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de MmeA... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 15 avril 2008, le juge des référés du tribunal d'instance de Saint-Paul a constaté la résiliation d'un bail conclu entre Mme A...et M. B...et ordonné l'expulsion de ce dernier et de tout occupant de son chef ; qu'en vue de l'exécution de cette décision de justice, Mme A... a demandé au préfet de la Réunion de lui accorder le concours de la force publique, qui lui a été refusé par une décision implicite née le 6 janvier 2009 ; que le préfet n'a donné suite à la réquisition de la force publique que le 24 février 2010 ; que le ministre demande la cassation du jugement du 15 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a condamné l'Etat à verser à Mme A...la somme de 6 630 euros en réparation du préjudice ayant résulté pour elle du refus de concours de la force publique entre le 6 janvier 2009 et le 24 février 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille ... " ; que l'article L. 661-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que pour l'application de l'article L. 613-3 à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin, l'autorité compétente, après avis conforme du conseil général, fixe le point de départ de la période prévue pour le sursis à expulsion, et le cas échéant, la divise de manière à tenir compte des particularités climatiques propres à chacun de ces départements ; qu'en application de cet article, un arrêté du préfet de la Réunion du 17 janvier 1991 a prévu que dans ce département il serait sursis aux mesures d'expulsion du 1er décembre de chaque année jusqu'au 15 avril de l'année suivante ;

3. Considérant qu'en jugeant que la décision du 6 janvier 2009 du préfet de la Réunion refusant à Mme A...le concours de la force publique avait engagé la responsabilité de l'Etat à compter de la date à laquelle elle avait été prise, alors qu'en vertu des dispositions rappelées ci-dessus il ne pouvait légalement être procédé à l'expulsion qu'à compter du 16 avril 2009, le tribunal administratif a commis une erreur de droit qui l'a conduit à condamner une collectivité publique à payer des sommes qu'elle ne devait pas ; que son jugement doit, par suite, être annulé, sans qu'y fasse obstacle, contrairement à ce que soutient MmeA..., la circonstance que le préfet, qui n'avait pas produit d'observations en défense, n'avait pas invoqué devant le tribunal les dispositions de l'arrêté du 17 janvier 1991 ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

5. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que le refus implicite du préfet de la Réunion de prêter le concours de la force publique à MmeA..., né le 6 janvier 2009, à une date à laquelle il ne pouvait légalement être procédé à l'expulsion de M.B..., n'a pu engager la responsabilité de l'Etat qu'à compter du 16 avril 2009, date à laquelle le sursis prévu par les dispositions rappelées ci-dessus a pris fin, et ce jusqu'au 24 février 2010, date à laquelle le préfet a accordé à l'intéressée le concours de la force publique ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la signature le 10 mars 2010 d'un protocole transactionnel intervenu au titre des articles 2044 et suivants du code civil, le préfet de la Réunion a alloué à MmeA..., par une décision du 10 mai 2010, une indemnité de 2 805 euros en réparation des pertes de loyers subies par elle entre le 16 avril et le 30 septembre 2009 ; qu'ainsi, l'intéressée peut seulement prétendre à la réparation des pertes de loyers qu'elle a subies entre le 1er octobre 2009 et le 24 février 2010 ; que, dès lors que le montant total des loyers et charges impayées s'élevait à 510 euros par mois, la somme à mettre à la charge de l'Etat au titre de cette période doit être fixée à 2 448 euros ;

7. Considérant que Mme A...qui a saisi le préfet d'une réclamation préalable dès le 21 septembre 2009, a droit aux intérêts au taux légal sur l'indemnité compensant le loyer dû au titre de chaque mois, à compter de la date à laquelle elle aurait dû le percevoir ; qu'elle a demandé pour la première fois la capitalisation des intérêts le 17 janvier 2013 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour plus d'une année entière sur la somme de 2 448 euros ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de capitalisation tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

8. Considérant qu'il y a lieu de subordonner le versement des indemnités fixées par la présente décision à la subrogation de l'Etat dans les droits que détiendrait Mme A...sur M. B...;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Saint-Denis et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement n° 1001066 du 15 février 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 2 448 euros portant intérêt au taux légal, pour chaque échéance mensuelle du loyer, à compter de la date à laquelle elle a été due, les intérêts échus le 17 janvier 2013 étant capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le paiement des sommes allouées par la présente décision est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits que détiendrait Mme A...sur M.B....

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Saint-Denis est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme D...A....


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 360971
Date de la décision : 21/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2013, n° 360971
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP BLANC, ROUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360971.20131021
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