Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2011 et 23 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés (SRGP), dont le siège est 26 bis, rue François 1er à Paris (75008), représenté par son président en exercice ; le Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2011-916 du 27 septembre 2011 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Sud Radio Services à exploiter un service de radio de catégorie E par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé " Sud Radio " dans la zone de Valence ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Sud Radio Services la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le décret n° 94-972 du 9 novembre 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gérald Bégranger, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés et à Me Spinosi, avocat de la société Sud Radio Services ;
1. Considérant qu'au terme d'une procédure d'attribution de fréquences radiophoniques consécutive à un appel à candidatures dans le ressort du comité technique radiophonique de Lyon, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, par une décision n° 2011-916 du 27 septembre 2011 publiée au Journal officiel de la République française le 25 octobre 2011, a autorisé la société Sud Radio Services à exploiter le service Sud Radio dans la zone de Valence ; que le Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés demande l'annulation de cette décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Sud Radio Services ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend neuf membres nommés par décret du Président de la République. (...) Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. Il délibère à la majorité des membres présents. Le président à voix prépondérante en cas de partage égal des voix. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait du procès-verbal de la réunion plénière du 27 septembre 2011 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, que huit des membres de cette instance ont siégé lors de cette réunion ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la règle de quorum applicable aux réunions de cette instance n'aurait pas été respectée doit être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Sous réserve des dispositions de l'article 26 de la présente loi, l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article. (...) Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; (...) Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale " ;
En ce qui concerne l'objet et les caractéristiques du service autorisé :
4. Considérant que, par ses communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E) ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de candidature de la société Sud Radio Services ainsi que de la convention conclue avec cette société par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, que le service Sud Radio Services qui a été autorisé dans la zone de Valence est un service généraliste d'information générale, sociale, politique, sportive et de débat à dominante parlée et à vocation nationale " appuyé sur les cultures et les points de vue du sud de la France " ; qu'ainsi, eu égard aux définitions données par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans ses communiqués mentionnés ci-dessus, ce service répond par son objet et ses caractéristiques à la définition d'un service de catégorie E et non d'un service de catégorie B ; qu'en estimant, pour délivrer l'autorisation litigieuse, que le service proposé par la société Sud Radio Services relevait de la catégorie E, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation ; que la circonstance que la société Sud Radio Services diffuse dans d'autres zones un service également dénommé Sud Radio qui a été autorisé au titre de la catégorie B est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
En ce qui concerne le financement et les perspectives d'exploitation du service :
6. Considérant qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 que le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde les autorisations en tenant compte notamment du financement et des perspectives d'exploitation du service ; que, sur le fondement de ces dispositions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut écarter une candidature lorsque les modalités de financement envisagées n'offrent pas des garanties suffisantes permettant d'assurer une mise en oeuvre effective et durable du projet ;
7. Considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a estimé qu'à la date de sa décision, la société Sud Radio Services, bien que faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, restait économiquement viable et présentait les garanties lui permettant d'assurer une mise en oeuvre effective et durable du service proposé ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 5 août 2010, le tribunal de commerce d'Orléans a approuvé au titre de cette société un plan de sauvegarde bénéficiant de l'avis favorable de l'administrateur judiciaire et du soutien de ses principaux créanciers, et que la société Sud Radio Services n'a ni demandé de remise de dettes, ni mis en oeuvre une procédure conduisant à des licenciements pour motif économique ; qu'en se fondant sur ces éléments, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit, accorder à la société Sud Radio Services l'autorisation litigieuse ; que, dès lors qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que la société Sud Radio Services se soit employée à dissimuler la réalité de sa situation financière au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le moyen tiré de ce que l'autorisation litigieuse aurait été obtenue à la suite de manoeuvres frauduleuses de cette société doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société Sud Radio services, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent au Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés la somme qu'il demande à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme de 4 000 euros à verser à la société Sud Radio Services au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés est rejetée.
Article 2 : Le Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés versera à la société Sud Radio Services la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat professionnel des radiodiffuseurs généralistes privés, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Sud Radio Services. Copie pour information en sera adressée au ministre de la culture et de la communication.