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16/10/2013 | FRANCE | N°339035

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 16 octobre 2013, 339035


Vu 1°), sous le numéro 339035, le pourvoi, enregistré le 28 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02694 du 1er avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, réformant le jugement n° 0507835 du 14 mai 2007 du tribunal administratif de Marseille, a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction et rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B...tendant à la décharge des

cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contribution...

Vu 1°), sous le numéro 339035, le pourvoi, enregistré le 28 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02694 du 1er avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, réformant le jugement n° 0507835 du 14 mai 2007 du tribunal administratif de Marseille, a ordonné avant dire droit un supplément d'instruction et rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme B...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 et des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

Vu, 2°), sous le numéro 346561, le pourvoi, enregistré le 9 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02694 du 13 janvier 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur la requête de M. et Mme A... B...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999 et 2000 et des pénalités correspondantes, a, réformant le jugement n° 0507835 du 14 mai 2007 du tribunal administratif de Marseille, réduit les bases de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2000 et les pénalités correspondantes de la somme de 212 504 euros et rejeté le surplus de leurs conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. ou Mme A...B...;

1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de visites intervenues sur le fondement de l'article L. 16 B. du livre des procédures fiscales dans des établissements de la BRED Banque populaire, du Nouveau Crédit martiniquais et de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Alpes-Provence, l'administration a saisi des éditions papier de fichiers informatiques de relevés mensuels de comptes ouverts au nom de M. ou MmeB... ; que ces documents n'ont pas été restitués à ces établissements ; que M. et Mme B... ont fait l'objet, à compter du 22 janvier 2002, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'issue duquel des redressements en matière d'impôt sur le revenu leur ont été notifiés au titre des années 1999 et 2000 ; que par un arrêt du 1er avril 2010, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que c'était à tort que le tribunal administratif de Marseille avait rejeté leur demande de décharge des impositions procédant de l'exploitation des éléments obtenus au cours de la perquisition dans les locaux de ces trois banques et ordonné avant dire droit un supplément d'instruction aux fins de préciser le montant des redressements correspondants ; que, par un arrêt du 13 janvier 2011, la cour réduit les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2000 et rejeté le surplus de leurs conclusions ; que le ministre chargé du budget se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu (...) elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. (...) / V. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite (...) / VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 " ;

4. Considérant qu'au regard du caractère exorbitant du droit commun des mesures de saisie de documents et pièces au domicile de personnes, leur restitution dans les délais légaux constitue une garantie pour les personnes auprès desquelles ils ont été saisis ; que, cependant, la portée d'un défaut de restitution de documents et pièces saisis auprès de tiers sur la procédure fiscale ultérieurement conduite à l'encontre d'un contribuable dépend des effets concrets que celui-ci a pu avoir sur les droits de la défense et sur le caractère contradictoire de la procédure ; que, dès lors que l'intéressé n'a, en dépit du défaut de restitution des documents et pièces saisis auprès de tiers, pas été privé de la possibilité d'accéder à ceux-ci ni de s'assurer que ceux utilisés par l'administration étaient identiques à ceux dont il a pu disposer, et qu'ainsi la possibilité de contester les redressements opérés n'a pas été affectée par le défaut de restitution des documents et pièces, ce dernier ne saurait à elle seule et par elle même entraîner la décharge des impositions contestées ;

5. Considérant que, par suite, en jugeant que, faute que les documents saisis à l'occasion des visites conduites dans les locaux des établissements bancaires détenant des comptes au nom de M. ou Mme B...aient été restitués à ces établissements, comme le prescrivent les dispositions précitées du V et du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'imposition supplémentaire de ces contribuables devait être réduite des sommes correspondant à l'exploitation des documents non restitués, sans rechercher si, en raison de ce défaut de restitution, M et Mme B...avaient été privés des garanties qu'impose le caractère contradictoire de la procédure ou le respect des droits de la défense, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, de la somme que M et Mme B...demandaient sur leur fondement ;

D E C I D E :

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Article 1 : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille du 1er avril 2010 et du 13 juillet 2011 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de Mme et M.B... présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Monsieur ou Madame A...B....


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 339035
Date de la décision : 16/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. - PIÈCES ET DOCUMENTS SAISIS AUPRÈS DE TIERS DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE VISITE ET DE SAISIE PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 16 B DU LPF - DÉFAUT DE RESTITUTION - CONSÉQUENCE SUR LA PROCÉDURE FISCALE ULTÉRIEUREMENT CONDUITE À L'ENCONTRE D'UN CONTRIBUABLE - PRINCIPE - APPRÉCIATION AU VU DES EFFETS CONCRETS SUR LES DROITS DE LA DÉFENSE ET SUR LE CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE.

19-01-03-01-06 La portée d'un défaut de restitution de documents et pièces saisis auprès de tiers dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) sur la procédure fiscale ultérieurement conduite à l'encontre d'un contribuable dépend des effets concrets que ce défaut de restitution a pu avoir sur les droits de la défense et sur le caractère contradictoire de la procédure.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2013, n° 339035
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:339035.20131016
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