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11/10/2013 | FRANCE | N°372607

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 octobre 2013, 372607


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société SHD-IMMO, dont le siège social est centre commercial Atlantis à Saint-Herblain (44800), et par la société Bowling Atlantis, dont le siège social est 19, avenue de Grugliasco à Echirolles (38130) ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1307281 du 19 septembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de j

ustice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoin...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société SHD-IMMO, dont le siège social est centre commercial Atlantis à Saint-Herblain (44800), et par la société Bowling Atlantis, dont le siège social est 19, avenue de Grugliasco à Echirolles (38130) ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1307281 du 19 septembre 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Loire-Atlantique d'accorder le concours de la force publique pour assurer l'exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Nantes en date du 26 avril 2013 ordonnant l'expulsion immédiate des occupants sans droit ni titre des immeubles et terrains situés 9, rue des Pilier de la Chauvinière, cadastrés section EC n° 182 à Saint-Herblain ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance, sans délai et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros à chacune des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'évacuation prochaine du campement avec le concours de la force publique n'est pas démontrée ; que l'absence de réponse du préfet à la demande de réquisition de la force publique n'est pas justifiée et est illégale ; que le retard de l'expulsion fait peser un risque pour la santé publique du fait de l'insalubrité du campement et pour la sécurité ; qu'enfin, cette occupation porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts économiques de la société Bowling Atlantis ;
- le refus du préfet de prêter le concours de la force publique pour procéder à l'évacuation des terrains concernés porte une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de propriété ;
- c'est à tort que le juge des référés a estimé que la condition d'urgence n'était pas remplie ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fondé son ordonnance du 19 septembre 2013 au regard de l'application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 alors que celle-ci ne peut être opposée aux particuliers ni aux magistrats et qu'en tout état de cause, elle prévoit la possibilité de recourir à l'usage de la force publique pour mettre fin aux occupations illicites de terrain en exécution de décisions de justice ;
- le préfet n'apporte aucun élément attestant qu'il a mis en oeuvre les démarches prévues par la circulaire susmentionnée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'il n'est pas démontré que l'huissier a procédé à la signification aux occupants sans titre du commandement d'avoir à libérer les terrains intéressés en l'espèce ; la société Bowling Atlantis n'a pas effectué de demande de concours de la force publique et n'est pas, en tout état de cause, fondée à demander le concours de la force publique au fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les sociétés requérantes ont saisi le juge administratif deux mois et demi après le refus implicite du préfet de prêter le concours de la force publique, puis ont attendu un délai de quinze jours supplémentaires pour interjeter appel ; que le préjudice économique n'est pas démontré ; que l'insécurité causée par le raccordement électrique du campement est devenu sans objet depuis que l'armoire électrique a été mise hors tension le 31 juillet 2013 ;
- l'atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est pas caractérisée en ce que, d'une part, l'ordonnance d'expulsion et le commandement de quitter les lieux n'ont pas été signifiés aux occupants sans titre des terrains ici intéressés et que, d'autre part, le moyen tiré de l'illégalité du refus de concours de la force publique opposé à la société Bowling Atlantis est inopérant dès lors que cette dernière n'a pas fait de demande ;
- l'atteinte grave à une liberté fondamentale n'est pas caractérisée dès lors que le refus d'expulsion est justifié par un motif d'ordre public constitué en ce que l'expulsion entraînerait l'aggravation de la précarisation des occupants susceptible de placer ces derniers dans une situation contraire à la dignité humaine ;
- l'Etat a confié à une association la mise en oeuvre d'un diagnostic social des occupants sans titre intéressés en l'espèce en vue d'exécuter l'ordonnance d'expulsion du 26 avril 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société SHD-IMMO et la société Bowling Atlantis, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 octobre 2013 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Blaise Capron, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés requérantes ;

- le représentant de la société SHD-IMMO et de la société Bowling Atlantis ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ; que, lorsqu'un requérant fonde son action, non sur la procédure de suspension régie par l'article L. 521-1 du même code, mais sur la procédure particulière instituée par l'article L. 521-2, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier ainsi que des éléments recueillis au cours de l'audience publique tenue au Conseil d'Etat le 9 octobre 2013 que la société SHD-IMMO est propriétaire d'un ensemble immobilier composé de terrains et de locaux commerciaux situés 9, rue Piliers de la Chauvinière, sur une parcelle cadastrée EC n° 182, à Saint-Herblain (44800), sur lequel elle possède un entrepôt ; que l'autre partie de cette parcelle a été donnée à bail à la société Bowling Atlantis qui y exploite une activité de bowling et de restauration ; que plusieurs personnes se sont installées sans droit ni titre sur le parking situé à l'arrière de l'établissement, avec seize caravanes, et y demeurent depuis lors après s’être raccordées par effraction au réseau d’eau et d’électricité ; que le président du tribunal de grande instance de Nantes a, par une ordonnance en date du 26 avril 2013, ordonné " l'expulsion immédiate et sans délai de tous occupants sans droit ni titre, y compris tous véhicules et toutes caravanes " présents sur cette parcelle ; que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas donné suite aux demandes de concours de la force publique des requérantes ;

3. Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative d'assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l'exécution des décisions de justice ; que le droit de propriété, qui constitue une liberté fondamentale, a pour corollaire la liberté de disposer de son bien ; qu'il en est de même pour le locataire en ce qui concerne les biens pris à bail ; que le refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision juridictionnelle ordonnant l'expulsion d'un immeuble porte atteinte à cette liberté fondamentale ; que les exigences de l'ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l'Etat sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique ;

4. Considérant que le ministre de l'intérieur a, au cours de l'audience, souligné la grande précarité des personnes occupant la parcelle des requérantes et qu'en application d'une circulaire ministérielle du 26 août 2012, un diagnostic social les concernant était engagé, sans pour autant donner d'indications quant à des troubles ou violences que risquerait de causer l'octroi du concours de la force publique ;

5. Considérant cependant que les requérantes, qui se bornent à faire état des nuisances provoquées par cette situation et, pour la société Bowling Atlantis, d'une diminution de son activité, ne justifient pas des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elles de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que c'est par suite à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'était pas remplie ;

6. Considérant que la présente ordonnance ne fait pas obstacle à ce que les sociétés requérantes invoquent, devant le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'urgence qui pourrait s'attacher à la suspension de l'exécution du refus du préfet de la Loire-Atlantique mentionné ci-dessus ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les sociétés requérantes lui demandent au titre des frais exposées par elles et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société SHD-IMMO et de la société BOWLING ATLANTIS est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SHD-IMMO, à la société BOWLING ATLANTIS et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 372607
Date de la décision : 11/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2013, n° 372607
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP CAPRON, CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:372607.20131011
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