Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 novembre 2011 et 6 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SECRA, représentée par son président, dont le siège est 35, rue Alexandre Dumas à Amiens (80090) ; la société SECRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 13 septembre 2011 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a, d'une part, annulé sur la requête de MM. D...etA..., la décision du 29 janvier 2007 par laquelle la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Picardie-Ardennes a prononcé un blâme avec inscription au dossier à l'encontre de M. D...et de M. A...et, d'autre part, les a renvoyés des fins des poursuites disciplinaires engagées à leur encontre ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par MM. D...et A...contre la décision de la chambre régionale de discipline de l'ordre des experts-comptables en date du 29 janvier 2007 ;
2°) de mettre à la charge de MM. D...et A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celle de 35 euros correspondant à la contribution à l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du même code ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-3138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;
Vu le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 ;
Vu le code des devoirs professionnels des experts-comptables ;
Vu la décision n° 319075 du 30 juin 2010 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société SECRA, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. D...et de M. A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 29 janvier 2007, la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Picardie-Ardennes, saisie d'une plainte déposée par la société SECRA, a prononcé à l'encontre de MM. D...et A...la sanction de blâme avec inscription au dossier ; que, sur l'appel de MM. D...etA..., la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, par une décision du 15 mai 2008, a annulé cette décision et renvoyé MM. D...et A...des fins de la poursuite disciplinaire ; que, statuant sur le pourvoi formé par la société SECRA, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision du 30 juin 2010, annulé la décision de la chambre nationale de discipline du 15 mai 2008 et lui a renvoyé l'affaire ; que, par une nouvelle décision du 13 septembre 2011, contre laquelle la société SECRA se pourvoit en cassation, la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a annulé la décision de la chambre régionale de discipline du 29 janvier 2007 et a renvoyé MM. D... et A...des fins de poursuites disciplinaires ;
2. Considérant que, par la décision précitée du 30 juin 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a relevé qu'en jugeant que les agissements de MM. D...etA..., dénoncés par la société SECRA, ne constituaient pas des manquements aux articles 13 et 14 du code des devoirs professionnels des experts-comptables, la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables avait donné aux faits une qualification juridique erronée et a annulé, pour ce motif, sa décision du 15 mai 2008 ; que la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, saisie de nouveau de l'affaire après son renvoi, ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de chose jugée qui s'attachait à cette décision du 30 juin 2010, juger, alors qu'aucun élément nouveau n'était présenté par les parties, que M. C...D...et M. B...A...avaient respecté les dispositions de l'article 14 du code des devoirs professionnels et qu'il n'était pas établi qu'ils avaient méconnu les dispositions de l'article 13 du même code ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la décision du 13 septembre 2011 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables doit être annulée ;
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code des devoirs professionnels de l'ordre des experts-comptables alors applicable, repris à l'article 161 du décret du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable : " Les membres de l'ordre se doivent assistance et courtoisie réciproques. Ils doivent s'abstenir de toutes paroles blessantes, de toute imputation malveillante, de tous écrits publics ou privés, de toutes démarches, offres de services et, d'une façon générale, de toutes manoeuvres susceptibles de nuire à la situation de leurs confrères (...) " ; que selon l'article 14 du même code alors applicable, repris à l'article 163 du décret du 30 mars 2012 : " a) le membre de l'ordre appelé par un client à remplacer un confrère ne peut accepter sa mission qu'après en avoir informé ce dernier (...) " ;
6. Considérant que par la décision déjà mentionnée du 30 juin 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision du 15 mai 2008 de la chambre régionale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables au motif que le comportement de la société ACDF révélait un manquement aux règles énoncées aux articles 13 et 14 du code des devoirs professionnels de l'ordre des experts citées au point précédent ; que, par suite, en l'absence d'élément nouveau présenté par les parties depuis qu'est intervenue la décision du Conseil d'Etat, MM. A...et D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 29 janvier 2007, la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Picardie-Ardennes a prononcé à leur encontre la sanction de blâme avec inscription au dossier prévue au 2° de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 visée plus haut ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. A...et D...la somme de 1500 euros chacun qui sera versée à la société SECRA, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SECRA qui n'est pas, dans la partie présente, la partie perdante ; que les conclusions présentées au titre de ces dispositions par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables qui, n'ayant pas été partie en appel et n'ayant été appelé en la cause que pour produire des observations, n'est pas partie à la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables du 13 septembre 2011 est annulée.
Article 2 : L'appel formé par MM. A...et D...contre la décision de la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Picardie-Ardennes du 29 janvier 2007 est rejeté.
Article 3 : MM. A...et D...verseront chacun à la société SECRA une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de MM. A...et D...et du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SECRA, à M. C...D..., à M. B...A..., au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, et au ministre de l'économie et des finances.