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01/10/2013 | FRANCE | N°351982

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 01 octobre 2013, 351982


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 1er septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société BNP Paribas, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), représentée par son président directeur général ; la société BNP Paribas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE01416 du 9 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 26 février 2010 du tribunal administratif

de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations su...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 1er septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société BNP Paribas, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), représentée par son président directeur général ; la société BNP Paribas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10VE01416 du 9 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 26 février 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la Compagnie immobilière de France a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003, et d'autre part, à titre subsidiaire, à la réduction des bases d'imposition à hauteur de 12 951 053 euros, 6 904 479 euros, 32 412 378 euros, 31 750 629 euros et 31 738 541 euros respectivement au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 11et 25 septembre 2013, présentée pour la société BNP Paribas ;

Vu la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur les revenus, signée le 22 mai 1968 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la Societe BNP Paribas ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Compagnie Immobilière de France (CIF), qui a pour activité la location d'immeubles aux sociétés filiales du groupe fiscal intégré BNP Paribas auquel elle appartient, a acquis le 21 juin 2002, auprès d'une société française, un immeuble situé à Londres ; que cette acquisition a été financée, d'une part, par une augmentation de capital accompagnée d'un contrat d'échange de devises ( ou " swap ") souscrit avec la SA BNP Paribas, lequel s'est dénoué par un gain de change et des " produits financiers techniques ", le 10 septembre 2003, d'autre part, par un emprunt à long terme contracté auprès de la succursale londonienne de la banque BNP Paribas au titre duquel la CIF a bénéficié d'écarts de conversion positifs à la clôture des exercices clos en 2002 et 2003 ainsi que d'un gain de change effectif en septembre 2003, lors d'un remboursement partiel ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2002 et 2003, l'administration fiscale a réintégré ces produits dans les résultats imposables en France de la société CIF ; que la SA BNP Paribas, en sa qualité de société intégrante du groupe, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à titre principal, à l'annulation du jugement du 26 février 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société CIF a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 à la suite de ce redressement et, d'autre part, à titre subsidiaire, à la réduction des bases d'imposition retenues au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006 ;

Sur les conclusions principales soumises à la cour :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'en se prononçant globalement sur le bien-fondé du redressement litigieux sans distinguer selon la nature des produits en cause, la cour a suffisamment motivé son arrêt, dès lors que, ainsi que le reconnaît d'ailleurs la société requérante, les questions soulevées devant elles étaient identiques pour ces différents produits ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. - (...), les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : " 1. (...), le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprise (...) 4. Pour l'application des 1 et 2, les écarts de conversion des devises ainsi que des créances et dettes libellées en monnaies étrangères par rapport aux montants initialement comptabilisés sont déterminés à la clôture de chaque exercice en fonction du dernier cours de change et pris en compte pour la détermination du résultat imposable de l'exercice. (...) 6. 1° Par exception aux 1 et 2, le profit ou la perte résultant de l'exécution de contrats à terme d'instruments financiers en cours à la clôture de l'exercice est compris dans les résultats de cet exercice ; il est déterminé d'après le cours constaté au jour de la clôture sur le marché sur lequel le contrat a été conclu (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 : " 1. Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l'autre Etat contractant, ainsi que les revenus tirés des droits attachés à ces biens sont imposables dans cet autre Etat. /2. a. l'expression " biens immobiliers " a le sens que lui attribue le droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés. (...) 3. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent aux revenus provenant de l'exploitation directe, de la location ou de l'affermage, ainsi que de toute autre forme d'exploitation de biens immobiliers. 4. Les dispositions des paragraphes précédents s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession indépendante." ; qu'aux termes du 1 de l'article 6 de cette même convention : " Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé (...) "

5. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que les produits litigieux résultaient d'opérations d'emprunt et de " swap " réalisées en vue de l'acquisition par la société CIF, dont le siège social se trouvait à Paris, d'un bien immobilier situé à Londres et qu'il n'était pas établi que les opérations financières dont ils procédaient auraient été constitutives d'un cycle commercial complet en Grande-Bretagne ou auraient été réalisées par un établissement stable en Grande-Bretagne, la cour a jugé fondée leur imposition en France;

6. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que les produits litigieux procédaient d'opérations réalisées par une entreprise exploitée en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts pour en déduire qu'ils étaient assujettis, sur le terrain du droit interne, à l'impôt sur les sociétés exigible en France, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la domiciliation de la société auprès de laquelle a été acquis l'immeuble en cause constituait un critère pertinent pour l'appréciation de la territorialité, de l'opération en litige, est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué et ne peut, par suite, en tout état de cause, qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que l'instruction administrative 4 H-1414, invoquée par la société sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne remettait pas en cause l'imposition, en droit interne, des revenus litigieux, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que les produits litigieux ne pouvaient être regardés comme des revenus immobiliers au sens de l'article 5 de la convention fiscale précitée, au motif qu'ils avaient été réalisés à l'occasion et dans le cadre d'opérations à caractère financier et qu'ils ne provenaient pas de l'exploitation de l'immeuble en cause, pour en déduire que la société n'était pas fondée à soutenir que ces stipulations conventionnelles faisaient obstacle à la réintégration de ces produits dans ses résultats imposables en France, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt;

10. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en relevant que la requérante ne pouvait sérieusement soutenir que les produits litigieux étaient taxables au Royaume-Uni dès lors qu'elle n'établissait ni même ne soutenait qu'ils auraient été mentionnés dans les déclarations souscrites dans cet Etat, est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué et doit, par suite, en tout état de cause, être écarté ;

Sur les conclusions subsidiaires soumises à la cour :

11. Considérant en premier lieu, qu'en jugeant, pour rejeter les conclusions subsidiaires présentées par la société, que celle-ci n'était pas fondée à demander la déduction des intérêts de l'emprunt relatif à l'acquisition de l'immeuble situé à Londres et des amortissements afférents à cet immeuble, au motif que, conformément aux stipulations de la convention fiscale franco-britannique, ces charges ne pouvaient être déduites que des revenus bruts tirés de l'exploitation de l'immeuble en cause imposables au Royaume-Uni, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé sa décision ;

12. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en relevant que l'administration soutenait sans être contredite qu'il ressortait des déclarations déposées par la société pour l'établissement de l'impôt au Royaume-Uni que les intérêts d'emprunt et les amortissements mentionnés ci-dessus avaient été admis en déduction par l'administration fiscale de cet Etat, est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué et doit, par suite, en tout état de cause, être écarté ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société BNP Paribas est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société BNP Paribas et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351982
Date de la décision : 01/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - CONVENTION FISCALE FRANCO-BRITANNIQUE DU 22 MAI 1968 - REVENUS IMMOBILIERS (ART - 5) - PRODUITS RÉSULTANT D'OPÉRATIONS D'EMPRUNT ET DE SWAP RÉALISÉES PAR UNE SOCIÉTÉ FRANÇAISE EN VUE DE L'ACQUISITION D'UN BIEN IMMOBILIER SITUÉ À LONDRES - EXCLUSION - CONSÉQUENCE - OBSTACLE POSÉ PAR L'ARTICLE 5 DE LA CONVENTION À LEUR RÉINTÉGRATION DANS LES BÉNÉFICES IMPOSABLES EN FRANCE - ABSENCE.

19-01-01-05 Les produits résultant d'opérations d'emprunt et de swap réalisées en vue de l'acquisition par une société française d'un bien immobilier situé à Londres ne peuvent être regardés comme des revenus immobiliers au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, dès lors qu'ils ont été réalisés à l'occasion et dans le cadre d'opérations à caractère financier et qu'ils ne proviennent pas de l'exploitation de l'immeuble en cause. Par suite, les stipulations de cet article ne font pas obstacle à la réintégration de ces produits dans les résultats imposables en France de cette société.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - PRODUITS RÉSULTANT D'OPÉRATIONS D'EMPRUNT ET DE SWAP RÉALISÉES PAR UNE SOCIÉTÉ FRANÇAISE EN VUE DE L'ACQUISITION D'UN BIEN IMMOBILIER SITUÉ À LONDRES - REVENUS IMMOBILIERS AU SENS DE L'ARTICLE 5 DE LA CONVENTION FISCALE FRANCO-BRITANNIQUE DU 22 MAI 1968 - EXCLUSION - CONSÉQUENCE - OBSTACLE POSÉ PAR CET ARTICLE À LEUR RÉINTÉGRATION DANS LES BÉNÉFICES IMPOSABLES EN FRANCE - ABSENCE.

19-04-01-04-01 Les produits résultant d'opérations d'emprunt et de swap réalisées en vue de l'acquisition par une société française d'un bien immobilier situé à Londres ne peuvent être regardés comme des revenus immobiliers au sens de l'article 5 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968, dès lors qu'ils ont été réalisés à l'occasion et dans le cadre d'opérations à caractère financier et qu'ils ne proviennent pas de l'exploitation de l'immeuble en cause. Par suite, les stipulations de cet article ne font pas obstacle à la réintégration de ces produits dans les résultats imposables en France de cette société.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 2013, n° 351982
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351982.20131001
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