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23/09/2013 | FRANCE | N°357504

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 septembre 2013, 357504


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la clinique vétérinaire du Grand Renaud, dont le siège est chemin vicinal n° 1, à Saint Saturnin (72650) ; la clinique vétérinaire du Grand Renaud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires du 10 janvier 2012 confirmant la décision par laquelle le conseil régional de l'ordre des vétérinaires des Pays de la Loire a rendu un avis négatif sur le projet de contrat-type qu'elle lui a

vait soumis ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'ordre de...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la clinique vétérinaire du Grand Renaud, dont le siège est chemin vicinal n° 1, à Saint Saturnin (72650) ; la clinique vétérinaire du Grand Renaud demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires du 10 janvier 2012 confirmant la décision par laquelle le conseil régional de l'ordre des vétérinaires des Pays de la Loire a rendu un avis négatif sur le projet de contrat-type qu'elle lui avait soumis ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative, modifié notamment par le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Blanc, Rousseau, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la clinique vétérinaire du Grand Renaud a communiqué au conseil régional des Pays-de-la-Loire de l'ordre des vétérinaires, en application du troisième alinéa de l'article R. 242-41 du code rural et de la pêche maritime, un projet de contrat-type avec des tiers correspondant à un nouveau service qu'elle entendait développer, afin de s'assurer de sa conformité à la déontologie des vétérinaires ; que, le 15 septembre 2011, le conseil régional a fait savoir à la clinique qu'il était d'avis que ce projet n'était pas conforme au code de déontologie de la profession et que la clinique " engagerait [sa] responsabilité disciplinaire en passant outre à cet avis " ; que la clinique a alors introduit devant le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires un recours préalable contre cet avis, comme l'impose avant tout saisine du juge l'article R. 242-84 du code rural et de la pêche maritime ; que, le 10 janvier 2012, le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, a fait savoir à la clinique qu'il ne pouvait que confirmer la position du conseil régional de l'ordre ; que, bien qu'il ait été rendu sur un projet de contrat et non sur un contrat déjà conclu, l'avis du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires constitue un acte faisant grief et susceptible d'être attaqué par la voie d'un recours pour excès de pouvoir dont le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort en application de l'article R. 242-84 du code rural et de la pêche maritime, lequel n'a pas été abrogé par le décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives ;

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, la requérante s'est acquittée de la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 Q du code général des impôts ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la clinique vétérinaire du Grand Renaud a présenté à l'ordre des vétérinaires un projet de contrat-type proposant au propriétaire d'un cheval que l'opération pratiquée sur son animal soit filmée et que le vidéogramme soit ensuite mis en ligne sur le site internet de la clinique pour pouvoir, pendant une durée de deux mois, y être visionné moyennant paiement, les recettes ainsi recueillies venant en déduction du coût supporté par le propriétaire pendant la durée de l'hospitalisation du cheval, le surplus restant au bénéfice direct de la clinique ; que ce contrat-type était destiné, selon la clinique, à faciliter le financement d'opérations urgentes et onéreuses, notamment grâce à la mobilisation de l'entourage du propriétaire du cheval ; que, par l'avis attaqué, le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires a estimé que le projet de contrat-type était contraire à la déontologie des vétérinaires et notamment aux articles R. 242-62 ainsi qu'aux articles R. 242-33, R. 242-70 et R. 242-72 du code rural et de la pêche maritime ;

4. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 242-62 du code rural et de la pêche maritime : " Toute activité commerciale est interdite dans les lieux d'exercice mentionnés à l'article R. 242-54. Toutefois, n'est pas considérée comme une activité commerciale l'hospitalisation, la délivrance des médicaments, des aliments physiologiques ou diététiques et, d'une façon générale, celle des produits, matériels et services en rapport avec l'exercice de la médecine vétérinaire. Le vétérinaire doit veiller au respect de la législation en vigueur concernant la mise sur le marché de ces divers produits et services " ;

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 25 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : " Les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l'exercice conjoint ou en partenariat d'activités différentes. / Toutefois, les prestataires suivants peuvent être soumis à de telles exigences :/ a) les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l'indépendance et l'impartialité de ces professions (...) " ; que les dispositions de l'article R. 242-62 du code rural et de la pêche maritime, qui ont pour objet de garantir l'indépendance du vétérinaire et son dévouement exclusif aux soins des animaux, sont compatibles avec les dispositions précitées de la directive 2006/123/CE ;

6. Considérant que l'activité consistant à filmer l'opération chirurgicale pratiquée sur un animal et à permettre de visionner en ligne contre rémunération les images en résultant présente un caractère commercial, quand bien même une partie des recettes, sous réserve des frais de mise en ligne, reviendrait au propriétaire de l'animal afin de lui permettre de financer l'opération chirurgicale pratiquée sur ce dernier ; que cette activité ne peut être regardée comme étant en rapport avec les soins vétérinaires, ni avec la santé ou l'entretien des animaux ; qu'enfin, la clinique n'est pas fondée à soutenir que cette activité n'est pas rattachée à un lieu d'exercice habituel de l'art vétérinaire dès lors que le vidéogramme est réalisé dans la clinique et que les activités menées sur le site internet de la clinique ne sont pas détachables de celles qui sont menées dans ses locaux ; que, par suite, le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires a fait une exacte application des dispositions de l'article R. 242-62 du code rural et de la pêche maritime en estimant que le projet de contrat-type qui lui était soumis organisait une activité commerciale prohibée par ces dispositions ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur ce motif ; que, dès lors, les moyens de la requérante critiquant les autres motifs de la décision attaquée sont, en tout état de cause, inopérants ; que, si la requérante soutient que la notification de l'avis attaqué ne comportait pas les voies et délais de recours, cette irrégularité est par elle-même sans incidence sur la légalité de l'acte attaqué ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête présentée par la clinique vétérinaire du Grand Renaud doit être rejetée, y compris les conclusions présentées par elle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la clinique vétérinaire du Grand Renaud la somme que demande le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la clinique vétérinaire du Grand Renaud est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la clinique vétérinaire du Grand Renaud et au Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357504
Date de la décision : 23/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - AVIS ET PROPOSITIONS - AVIS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE DES VÉTÉRINAIRES SUR UN PROJET DE CONTRAT [RJ1].

54-01-01-01-01 Avis par lequel le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires estime non conforme au code de déontologie de la profession un projet de contrat-type d'une clinique vétérinaire avec des tiers correspondant à un nouveau service à développer et affirme que sa mise en oeuvre engagerait la responsabilité disciplinaire de la clinique.,,,Bien qu'il ait été rendu sur un projet de contrat et non sur un contrat déjà conclu (comme le prévoit le troisième alinéa de l'article R. 242-41 du code rural et de la pêche maritime), un tel avis est un acte faisant grief et susceptible d'être attaqué par la voie d'un recours pour excès de pouvoir.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - VÉTÉRINAIRES - 1) AVIS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE DES VÉTÉRINAIRES SUR UN PROJET DE CONTRAT [RJ1] - 2) PROHIBITION DES ACTIVITÉS COMMERCIALES (ART - R - 242-62 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME) - MISE EN LIGNE DE FILMS D'OPÉRATIONS CHIRURGICALES PRATIQUÉES SUR UN ANIMAL CONTRE REVERSEMENT D'UNE PARTIE DES RECETTES AU PROPRIÉTAIRE - INCLUSION.

55-03-042 1) Avis par lequel le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires estime non conforme au code de déontologie de la profession un projet de contrat-type d'une clinique vétérinaire avec des tiers correspondant à un nouveau service à développer et affirme que sa mise en oeuvre engagerait la responsabilité disciplinaire de la clinique.,,,Bien qu'il ait été rendu sur un projet de contrat et non sur un contrat déjà conclu (comme le prévoit le troisième alinéa de l'article R. 242-41 du code rural et de la pêche maritime), un tel avis est un acte faisant grief et susceptible d'être attaqué par la voie d'un recours pour excès de pouvoir.,,,2) L'activité consistant à filmer l'opération chirurgicale pratiquée sur un animal et à permettre de visionner en ligne contre rémunération les images en résultant présente un caractère commercial, quand bien même une partie des recettes, sous réserve des frais de mise en ligne, reviendrait au propriétaire de l'animal afin de lui permettre de financer l'opération chirurgicale pratiquée sur ce dernier. Elle ne peut être regardée comme étant en rapport avec les soins vétérinaires, ni avec la santé ou l'entretien des animaux et constitue une activité commerciale prohibée par les dispositions de l'article R. 242-62 du code rural et de la pêche maritime.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 25 octobre 1996,,, n° 84930, T. pp. 738-1140.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 sep. 2013, n° 357504
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP BLANC, ROUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357504.20130923
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