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13/09/2013 | FRANCE | N°370978

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 septembre 2013, 370978


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. G...A..., demeurant..., Mme B...E..., domiciliée..., Mme C...H..., demeurant..., Mme F...D..., demeurant..., la société SELEURL Pharmacie de la Garance, dont le siège social est sis 31, rue Principale à Weitbruch (67500), représentée par son gérant en exercice, la société SELAS Pharmacie de la Meinau, dont le siège social est sis 217 avenue de Colmar à Strasbourg (67500), représentée par son président, la SELAS Pharmacie de Wolfisheim, dont le siège social est sis 5

4, rue du Général Leclerc à Wolfisheim (67202), représentée par son p...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. G...A..., demeurant..., Mme B...E..., domiciliée..., Mme C...H..., demeurant..., Mme F...D..., demeurant..., la société SELEURL Pharmacie de la Garance, dont le siège social est sis 31, rue Principale à Weitbruch (67500), représentée par son gérant en exercice, la société SELAS Pharmacie de la Meinau, dont le siège social est sis 217 avenue de Colmar à Strasbourg (67500), représentée par son président, la SELAS Pharmacie de Wolfisheim, dont le siège social est sis 54, rue du Général Leclerc à Wolfisheim (67202), représentée par son président, la société SELAS Pharmacie du Samaritain, dont le siège social est sis 60, route du Polygone à Strasbourg (67100), représentée par son président ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution des articles R. 5125-18 et R. 5125-18-1 du code de la santé publique dans leur rédaction issue du décret n° 2013-466 du 4 juin 2013 relatif aux conditions d'exploitation d'une officine de pharmacie par une société d'exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de pharmaciens d'officine ainsi que du I de l'article 3 de ce décret ;

2°) de reporter le point de départ du délai de deux ans mentionné au I de l'article 3 du décret n° 2013-466 du 4 juin 2013 au jour de la notification de la décision du Conseil d'Etat à intervenir dans l'hypothèse où cette disposition ne serait pas annulée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que les dispositions contestées leur causent un préjudice économique grave et immédiat, et que le délai de deux ans prévu au I de l'article 3 du décret n'est pas accordé aux personnes physiques ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées ;

- le I de l'article 3 du décret n° 2013-466 du 4 juin 2013 est entaché d'incompétence, seul le législateur pouvant prévoir l'application des règles fixées par l'article R.5125-18 du code de la santé publique aux situations en cours ;

- les dispositions contestées portent une atteinte manifestement excessive au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre ;

- en l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre l'objectif poursuivi par les dispositions contestées et les moyens employés pour les atteindre, ces dispositions méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en restreignant le nombre de participations susceptibles d'être détenues dans une société exploitant une pharmacie d'officine par des pharmaciens et en interdisant à un pharmacien ou à une société d'exercice libéral de détenir la majorité du capital d'une autre société d'exercice libéral sans y exercer, les dispositions contestées méconnaissent les stipulations des articles 49 et 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la liberté d'établissement et à la liber circulation des capitaux ;

- l'article R. 5125-18-1 méconnaît les dispositions de l'article 5-1 de loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 faute que soit satisfaite l'une quelconque des conditions posées par le législateur à l'édiction de dispositions réglementaires d'application ;

- le décret contesté est entaché d'erreur de droit en ce que certains pharmaciens détenant des participations dans des sociétés d'exercice libéral sont juridiquement dans l'impossibilité de contraindre celles-ci à céder leurs propres participations afin de leur permettre de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article R. 5125-18 du code de la santé publique ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2013, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé ; la ministre conclut au rejet de la requête ; elle soutient que l'urgence n'est pas établie et qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret contesté ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 septembre 2013, présenté pour M. A...et autres qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que les dispositions du I de l'article 3 du décret contesté sont illégales en ce qu'elles ne s'appliquent pas aux personnes physiques ;

Vu le mémoire distinct, enregistré le septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...et les autres requérants, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A...et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des 3ème alinéa de l'article 5 et 3ème et 4ème alinéas de l'article 5-1 et de l'article 34 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

ils soutiennent que ces dispositions législatives sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce que, s'agissant des articles 5 et 5-1, touchant à la liberté d'entreprendre, ils ne pouvaient renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d'en déterminer le champ d'application et, s'agissant de l'article 34, il méconnaît la liberté contractuelle et l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ; que ces questions présentent un caractère sérieux justifiant le renvoi au Conseil constitutionnel ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2013, présenté par la ministre des affaires sociales et de la santé ; la ministre conclut à ce que le juge des référés ne renvoie pas la question soulevée au Conseil constitutionnel ; elle soutient que cette question ne présente pas de caractère sérieux ;

Vu les dispositions dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation des dispositions contestées ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A...et autres, d'autre part, le Premier ministre et la ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 6 septembre 2013 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me de Chaisemartin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A...et autres ;

- MmeD... ;

- le représentant de M. A...et autres ;

- les représentants de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée notamment à la condition qu'il y ait urgence ; que l'urgence ne justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif que pour autant que son exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement si cette condition se trouve remplie, compte tenu des justifications fournies par le requérant ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 5125-18 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-466 du 4 juin 2013, pris pour l'application de la loi du 31 décembre 1990, publié le 6 juin 2013 au Journal officiel : " Un pharmacien d'officine ne peut détenir des participations directes ou indirectes que dans quatre sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine autres que celle au sein de laquelle il exerce. / Une société d'exercice libéral de pharmaciens d'officine ne peut détenir des participations directes ou indirectes que dans quatre sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine. / Une société de participation financière de profession libérale de pharmaciens d'officine ne peut détenir des participations que dans trois sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine " ; que le nouvel article R. 5125-18-1, issu du même décret, ne permet plus de déroger à la règle, fixée par l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990, selon laquelle la moitié du capital social et des droits de vote d'une société d'exercice libéral doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° de cet article, par des professionnels en exercice au sein de la société ; qu'enfin, selon le I de l'article 3 du même décret " Les sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine constituées avant la date de publication du présent décret doivent, dans un délai de deux ans à compter de cette date, se mettre en conformité avec les dispositions de celui-ci. A l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne satisfaisant pas aux dispositions du présent décret n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil./A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu " ;

3. Considérant que les requérants soutiennent que l'exécution du décret contesté porterait une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts économiques et financiers au motif qu'ils se verraient pour les uns obligés, afin de respecter les règles fixées par les dispositions citées ci-dessus, de céder des participations détenues dans des sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine, pour les autres d'acquérir de telles participations afin de conserver leur statut, ce dans des conditions défavorables, eu égard tant aux règles applicables à ce type d'opérations qu'aux caractéristiques actuelles du marché que ne vont pas manquer de perturber les transactions rendues nécessaires par la mise en oeuvre des dispositions litigieuses ;

4. Considérant que l'article 3 du décret litigieux impartit aux sociétés d'exercice libéral et aux sociétés de participations financières de professions libérales de pharmaciens d'officine constituées avant la date de publication du décret, ainsi qu'à leurs associés, personnes physiques ou morales, un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec ces dispositions ; qu'il n'apparaît pas, eu égard à l'existence de ce délai, qu'il n'appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de modifier, que les conséquences de la mise en oeuvre de ces dispositions sur la situation des requérants, au demeurant en partie au moins incertaines et indirectes, préjudicient de manière grave et immédiate à leurs intérêts dès lors, en outre, que la requête au fond sera jugée par le Conseil d'Etat dans les délais les plus brefs compatibles avec son instruction complète et, en tout cas, bien avant le terme de cette période transitoire ; qu'ainsi, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie ;

5. Considérant que la présente ordonnance rejetant les conclusions à fin de suspension pour défaut d'urgence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions de la requête, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A...et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. G...A..., à Mme B...E..., à Mme C...H..., à Mme F...D..., à la société SELEURL Pharmacie de la Garance, à la société SELAS Pharmacie de la Meinau, à la SELAS Pharmacie de Wolfisheim, à la société SELAS Pharmacie du Samaritain, au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 370978
Date de la décision : 13/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 sep. 2013, n° 370978
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:370978.20130913
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