La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2013 | FRANCE | N°366071

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 25 juillet 2013, 366071


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 15 février, 27 février et 14 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Annonay (07100), représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300061 du 1er février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de la société FP Conseil, l'exécution de l'arrêt

é du 7 novembre 2012 par lequel le maire a exercé le droit de préemption ur...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 15 février, 27 février et 14 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Annonay (07100), représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300061 du 1er février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de la société FP Conseil, l'exécution de l'arrêté du 7 novembre 2012 par lequel le maire a exercé le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 24-26, rue Melchior-de-Vogüé, cadastré section AN n° 361 ;

2°) de mettre à la charge de la société FP Conseil la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune d'Annonay ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que, par une ordonnance du 1er février 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par la société FP Conseil sur le fondement de ces dispositions, a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 novembre 2012 par lequel le maire d'Annonay a exercé le droit de préemption urbain sur un immeuble situé 24-26, rue Melchior-de-Vogüé ; que la commune d'Annonay se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sur le pourvoi de la commune d'Annonay :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 522-8 du code de justice administrative : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences. / L'instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction ; qu'il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close ; qu'il ne saurait, par suite, rendre son ordonnance tant que l'instruction est ainsi rouverte ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lyon que la commune d'Annonay et la société FP Conseil ont produit plusieurs mémoires après la tenue de l'audience du 14 janvier 2013 ; que ces mémoires ont été communiqués aux parties par le juge des référés, qui a ainsi procédé à la réouverture de l'instruction ; que, toutefois, il résulte des mentions de l'ordonnance du 1er février 2013 que le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience du 14 janvier 2013 et n'a pas fixé de nouvelle date de clôture ; que, par suite, le juge des référés, qui s'est abstenu de fixer une nouvelle audience ou d'informer les parties de la date à laquelle l'instruction rouverte serait close, a irrégulièrement statué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune d'Annonay est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur la demande de suspension :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2012 et la demande de la suspension de son exécution ont toutes deux été enregistrées le 8 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif de Lyon ; que, par suite, la commune d'Annonay n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la demande de suspension présentée par la société FP Conseil serait irrecevable faute d'avoir été précédée d'une requête aux fins d'annulation ;

En ce qui concerne l'urgence :

9. Considérant qu'eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision ; que la société FP Conseil bénéficie, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une telle présomption ; que si la commune d'Annonay invoque l'intérêt qui s'attache à la réalisation de son projet de réhabilitation de l'immeuble préempté, dans le cadre de sa politique de renouvellement urbain, elle ne fait état d'aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité pour elle de réaliser rapidement ce projet, sans attendre que le tribunal statue sur la requête en annulation de l'arrêté du 7 novembre 2012 ; que ni la circonstance que la société FP Conseil ait introduit sa demande deux mois après l'arrêté litigieux, ni celle que le compromis de vente comportait certaines conditions suspensives ainsi qu'une clause de caducité au 31 décembre 2012 ne sont, par elles-mêmes, de nature à priver de son caractère d'urgence la suspension de l'exécution de la décision de préemption ; que, par suite, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

En ce qui concerne l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 7 novembre 2012 :

10. Considérant que le moyen tiré de ce que la commune ne justifie pas avoir régulièrement instauré le droit de préemption urbain préalablement à l'arrêté du 7 novembre 2012, la délibération du 17 décembre 1992, d'une part, ayant été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière faute pour les conseillers municipaux d'avoir reçu une convocation accompagnée d'une notice explicative de synthèse et, d'autre part, n'ayant pas fait l'objet d'une publicité régulière, paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

11. Considérant en revanche que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par la société FP Conseil et tirés de l'absence de caractère exécutoire de la délibération du 17 décembre 1992 approuvant la révision du plan d'occupation des sols à la date d'institution du droit de préemption urbain, de la compétence de la communauté de communes du bassin d'Annonay pour mettre en oeuvre la politique locale de l'habitat, de l'absence de réalité et d'intérêt général suffisant du projet d'opération d'aménagement envisagé et, enfin, de l'erreur manifeste d'appréciation commise quant à l'état de l'immeuble en cause, ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FP Conseil est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 novembre 2012 par lequel le maire a exercé, aux prix et conditions indiqués par la déclaration d'intention d'aliéner, le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 24-26, rue Melchior-de-Vogüé, en tant que cet arrêté permet à la commune d'Annonay d'exercer les prérogatives s'attachant au droit de propriété ; qu'en revanche, la société FP Conseil ne justifie pas de la nécessité de suspendre cet arrêté en tant qu'il fait obstacle à ce que la vente soit menée à son terme à son profit ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant que la suspension prononcée n'appelle, dans l'attente du jugement de la requête aux fins d'annulation de l'arrêté litigieux, pas d'autres obligations pour la commune que celle de s'abstenir d'exercer les prérogatives s'attachant au droit de propriété, de sorte que la décision de préemption ne soit pas rendue plus difficilement réversible à la date à laquelle il sera statué sur le litige au fond ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la société FP Conseil ;

En ce qui concerne les dépens :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Annonay la contribution pour l'aide juridique acquittée par la société FP Conseil en première instance ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société FP Conseil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Annonay, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la société FP Conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle en première instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 1er février 2013 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 7 novembre 2012 par lequel le maire a exercé le droit de préemption urbain sur l'immeuble situé 24-26, rue Melchior de Vogüé, cadastré section AN n° 361, est suspendue en tant que cet arrêté permet à la commune d'Annonay l'exercice des prérogatives s'attachant au droit de propriété.

Article 3 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par la société FP Conseil en première instance est mise à la charge de la commune d'Annonay.

Article 4 : La commune d'Annonay versera à la société FP Conseil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société FP Conseil est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune d'Annonay tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Annonay et à la société FP Conseil.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 366071
Date de la décision : 25/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2013, n° 366071
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:366071.20130725
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award