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17/07/2013 | FRANCE | N°369458

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 juillet 2013, 369458


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M.A..., demeurant... ; le requérant demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2013 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 euros et, d'autre part, décidé de publier cette même décision sous une f

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Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M.A..., demeurant... ; le requérant demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2013 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 euros et, d'autre part, décidé de publier cette même décision sous une forme préservant l'anonymat de la personne physique mise en cause, sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'insérer sur son site internet une mention indiquant que la décision de la commission des sanctions du 16 avril 2013 est suspendue ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation financière ainsi que professionnelle ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée a été prise sur le fondement de dispositions qui portent atteinte au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines tel que consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qu'il s'agisse des dispositions législatives du code monétaire et financier qui renvoient au règlement de l'AMF ou des dispositions du règlement général de l'AMF lui-même ;

- la décision contestée est dénuée de base légale en ce qu'aucun manquement de recommandation autonome ne saurait être sanctionné en application du règlement général de l'AMF ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'une interprétation nouvelle et non raisonnablement prévisible du règlement de l'AMF est contraire tant aux principes de légalité des délits et des peines et de non rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère qu'au principe de sécurité juridique ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit tirée de la violation des règles applicables en matière de preuve et procède d'une dénaturation des pièces du dossier ;

- la sanction pécuniaire prononcée est disproportionnée ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2013, présenté pour l'Autorité des marchés financiers, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que l'exécution de la décision contestée n'est pas de nature à porter atteinte à la situation du requérant ;

- aucun doute sérieux n'existe quant à la légalité de la décision contestée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 juillet 2013, présenté pour M. A... qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions législatives autorisant l'AMF à édicter le règlement général en application duquel la décision contestée a été prise fait naître un doute sérieux quant à la légalité de cette même décision ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A...et, d'autre part, l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juillet 2013 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- le représentant de M. A... ;

- Me Ohl, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

- la représentante de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;

3. Considérant que pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de la décision contestée, par laquelle l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) lui a infligé une sanction de 200 000 euros et a publié sa décision sur son site internet, le requérant soutient que l'exécution de celle-ci porterait atteinte de manière grave et immédiate à sa situation dès lors que, d'une part, elle le placerait dans une situation financière insoutenable en ce que la sanction représenterait plusieurs années de revenus et que, d'autre part, sa publication porterait gravement atteinte à son activité professionnelle ;

4. Considérant, d'une part, que si le requérant, qui est président d'une banque d'investissement établie à Londres - dont il est le co-fondateur et l'un des principaux actionnaires et qu'il dirige depuis 17 années - soutient que la décision contestée porterait une atteinte grave et immédiate à sa situation financière, il se borne à verser au dossier à l'appui de cette affirmation des éléments relatifs aux salaires qui lui auraient été versés au cours des trois dernières années par la banque qu'il dirige ; que toutefois, alors qu'il ressort de l'instruction que la banque en question verse d'importants revenus complémentaires à ses principaux dirigeants et que le requérant exerce par ailleurs d'autres fonctions, notamment à la tête d'une société de gestion d'actifs installée en France, il n'a apporté, y compris lors de l'audience, aucune des précisions demandées concernant les revenus qu'il est susceptible d'avoir perçus à ces titres, ni concernant son patrimoine ; que, d'autre part, il n'apporte pas d'éléments de nature à établir que la publication de la décision porterait un préjudice grave et immédiat à sa situation professionnelle, alors que la décision a été publiée sous une forme préservant son anonymat ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'état de l'instruction et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M.A..., y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge, sur le fondement de ces mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros à verser à l'AMF au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : M. A...versera à l'Autorité des marchés financiers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 369458
Date de la décision : 17/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2013, n° 369458
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:369458.20130717
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