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17/07/2013 | FRANCE | N°357405

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 17 juillet 2013, 357405


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. A... B..., domicilié..., 20, chemin de la providence à Bourg-en-Bresse (01011) ; M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à l'abrogation de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

Vu la conv

ention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamental...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. A... B..., domicilié..., 20, chemin de la providence à Bourg-en-Bresse (01011) ; M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à l'abrogation de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 ;

Vu la décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, Auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A...B...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 726 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 91 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. / Ce décret précise notamment : / 1° Le contenu des fautes disciplinaires, qui sont classées selon leur nature et leur gravité ; / 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises. Le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ; / 3° La composition de la commission disciplinaire, qui doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire ; / 4° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d'office, en bénéficiant le cas échéant de l'aide de l'Etat pour l'intervention de cet avocat ; / 5° Les conditions dans lesquelles la personne placée en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle exerce son droit à un parloir hebdomadaire ; / 6° Les conditions dans lesquelles le maintien d'une mesure de placement en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle est incompatible avec l'état de santé de la personne détenue. / Le placement, à titre exceptionnel, des détenus mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire ne peut excéder sept jours. / En cas d'urgence, les détenus majeurs et les détenus mineurs de plus de seize ans peuvent faire l'objet, à titre préventif, d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle. Cette mesure ne peut excéder deux jours ouvrables. / Lorsqu'une personne détenue est placée en quartier disciplinaire, ou en confinement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative " ;

2. Considérant qu'en application des dispositions citées ci-dessus, le décret du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le code de procédure pénale a introduit dans ce code un article R. 57-7-33 qui dispose que : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° L'interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur pendant une période maximum de deux mois ; / 3° La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d'effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d'hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac ; / 4° La privation pendant une durée maximum d'un mois de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration ; / 5° La privation d'une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d'un mois ; / 6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction ; / 7° La mise en cellule disciplinaire " ; que M. B...a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger ces dispositions ; qu'il demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur cette demande ;

3. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient que les dispositions réglementaires contestées sont entachées d'incompétence dans la mesure où elles apportent des restrictions à l'exercice de certains droits et libertés relevant du domaine de la loi ; qu'il invoque, en particulier, à l'encontre des 2°, 3°, 4° et 6° de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale, les restrictions que les sanctions qui y sont prévues apportent tant au droit d'accès à l'information des personnes détenues qu'à leur droit de propriété ;

4. Considérant que le régime disciplinaire des personnes détenues ne relève pas en lui-même des matières que la Constitution range dans le domaine de la loi ; que, toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de ne pas définir de sanctions portant atteinte aux droits et libertés dont les personnes détenues bénéficient dans les limites inhérentes aux contraintes de la détention ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue " ; que s'agissant des droits et libertés dont la méconnaissance est invoquée par le requérant, s'il est vrai que les personnes détenues jouissent tant du droit d'accès à l'information qui découle de la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le rappelle l'article 43 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, que du droit de propriété garanti tant par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 que par le premier paragraphe de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils n'en bénéficient que dans les limites résultant des contraintes inhérentes à la détention et des nécessités tenant au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements ;

6. Considérant qu'en prévoyant la possibilité d'interdire à une personne détenue de recevoir des subsides de l'extérieur, d'effectuer des achats en cantine ou de la priver de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration, les dispositions contestées ont institué des sanctions susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et, lorsque la personne détenue se trouve privée d'un appareil de radio ou de télévision, à son droit d'accès à l'information ; que toutefois ces atteintes à l'usage des biens sont limitées à une durée qui ne peut excéder deux mois, s'agissant des sanctions prévues aux 2° et 3° de l'article contesté, un mois, s'agissant de la sanction prévue au 4° et, s'agissant de la sanction prévue au 6°, la durée de l'exécution de la sanction de confinement en cellule individuelle ordinaire laquelle, en vertu du 2° de l'article 726 du code de procédure pénale, ne peut excéder vingt jours et peut être portée à trente jours en cas d'acte de violence physique contre les personnes ; que les produits d'hygiène, le nécessaire de correspondance et le tabac sont exclus du champ des achats en cantine que la personne détenue peut se voir interdire ; qu'eu égard tant à leur nature, qui ne saurait les faire regarder comme des privations du droit de propriété, qu'à leur durée maximale et aux biens exclus de leur champ, les sanctions susceptibles d'être prononcées sur le fondement des dispositions contestées n'affectent pas la substance des droits invoqués ; que, dans tous les cas, il incombe à l'autorité disciplinaire de prononcer une sanction adéquate qui ne restreint l'exercice de ces droits que dans la mesure strictement nécessaire ;

7. Considérant qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions litigieuses de l'article R. 57-7-33 n'ont pas institué des sanctions disciplinaires qui restreignent l'exercice du droit de propriété et du droit à l'accès à l'information dans une mesure excédant ce qui est strictement nécessaire ; que, dans ces conditions, le Premier ministre n'a pas méconnu l'étendue de l'habilitation qui lui a été accordée par le législateur en édictant ces dispositions ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-49 du code de procédure pénale : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur (... ) " ; qu'il résulte de ces dispositions et de ce qui a été dit au point 7 que le requérant n'est pas fondé à soutenir que les sanctions disciplinaires instituées par les dispositions litigieuses méconnaissent le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

9. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la sanction de confinement en cellule individuelle ordinaire assortie de la privation de tout appareil acheté par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction prévue au 6° de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale, ne constitue pas le cumul de deux sanctions distinctes mais une sanction unique d'un degré de gravité différent du seul confinement en cellule individuelle ordinaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe " non bis in idem " doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite attaquée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A...B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la Justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357405
Date de la décision : 17/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2013, n° 357405
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357405.20130717
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