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17/07/2013 | FRANCE | N°342434

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 17 juillet 2013, 342434


Vu le pourvoi, enregistré le 12 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de l'arrêt n° 09PA03511 du 15 juin 2010 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° s 993110/993111/00342/011719 du 17 décembre 2002 du tribunal a

dministratif de Melun rejetant ses demandes tendant à la réduction d...

Vu le pourvoi, enregistré le 12 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de l'arrêt n° 09PA03511 du 15 juin 2010 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° s 993110/993111/00342/011719 du 17 décembre 2002 du tribunal administratif de Melun rejetant ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 dans les rôles de la commune de Bonneuil-sur-Marne, a fixé, pour la détermination de la base des impositions dues par la société à 9,15 euros par mètre carré la valeur locative unitaire de la partie à usage d'hôtel de son immeuble situé avenue Jean Rostand et a déchargé cette société de la différence entre le montant des impositions auxquelles elle a été assujettie et celui qui résulte de la base d'imposition ainsi déterminée ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge du fond que la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux, qui est propriétaire d'un immeuble exploité sous l'enseigne " Campanile ", a été assujettie à des cotisations de taxe foncières sur les propriétés bâties dans les rôles de la commune de Bonneuil-sur-Marne au titre des années 1997 à 2000 à raison de la partie de ce bâtiment destinée à l'hôtellerie ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement se pourvoit contre les articles 1er à 3 de l'arrêt du 15 juin 2010 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, sur renvoi du Conseil d'Etat, a jugé que la valeur locative unitaire de la partie de l'immeuble à usage d'hôtel devait être fixée à 9,15 euros par mètre carré, a déchargé dans cette mesure la société des impositions contestées et lui a accordé la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les mentions portées sur la fiche de calcul relative à ce local-type n° 10 font apparaître que la valeur locative de ce local-type a été fixée par voie d'appréciation directe ; qu'en effet, au recto de ce document, la case " appréciation directe " est cochée et, dans la rubrique " observations ", il est indiqué " VL 60 F (évaluation directe) " ; qu'au verso, la rubrique relative au calcul par voie d'appréciation directe est renseignée par l'inspecteur principal, avec le résultat de l'évaluation, souligné : " 60 F au mètre carré " ; que si la déclaration modèle C relative à ce local-type, remplie par le propriétaire, fait état de ce que ce bien était loué par l'usufruitière, pour un loyer symbolique, à son fils nu-propriétaire dans le cadre d'un bail verbal, le même montant de 60 F au mètre carré apparaît dans la rubrique réservée à l'administration ; que le procès-verbal modèle C initial de la commune de Chennevières-sur-Marne reprend la même valeur de 60 F au mètre carré ; que, par suite, en estimant, au vu des mentions portées sur la déclaration modèle C que le local-type n° 10 avait été évalué à partir de son bail et que les mentions contradictoires de la fiche de calcul ne permettaient pas d'établir le contraire, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt attaqué ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'évaluation par voie de comparaison :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative des immeubles commerciaux " est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou... occupés par un tiers à un autre titre que la location... la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision, lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe " ;

5. Considérant que la valeur locative de l'immeuble de la société requérante a initialement été déterminée par l'administration par comparaison avec le local-type n° 32 du procès-verbal de la commune de Bonneuil-sur-Marne ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par le ministre que ce local ne peut être retenu dès lors qu'il a été lui-même évalué par comparaison avec un local-type d'une autre commune qui n'était pas inscrit au procès-verbal des opérations de révision foncière ;

6. Considérant que l'administration, à titre principal, propose de lui substituer le local-type n° 61 figurant sur le procès-verbal complémentaire de la commune de Créteil et, à titre subsidiaire, demande que l'immeuble soit évalué par voie d'appréciation directe ; que la société requérante propose douze autres termes de comparaison situés dans différentes communes de l'agglomération parisienne ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le local-type n° 61 du procès-verbal complémentaire des opérations foncières de la commune de Créteil adopté le 19 juin 1995 a lui-même été évalué par référence au local-type n° 4 du procès-verbal des opérations foncières de la commune d'Evry ; que l'administration ne conteste pas que ce local n'était pas achevé au 1er janvier 1970 ; qu'en conséquence, il ne pouvait être loué à cette date ; que, par suite, ce local doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le tarif de 63 francs par mètre carré mentionné pour le local-type n°43 sur le procès-verbal du 21 décembre 1973 des opérations de révision foncière de la commune de Villejuif a été barré et qu'il y est indiqué que ce tarif a été rectifié ; que, par suite, la société requérante ne peut s'en prévaloir ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des mentions du procès-verbal complémentaire des opérations de révision foncière de la commune de Villeneuve-Saint-Georges que le local-type n° 55 construit en 1991 a été évalué par référence au local-type n° 10 du procès-verbal de la commune de Chennevières-sur-Marne ; qu'il ressort d'une part de la déclaration souscrite en 1970 que ce dernier immeuble était loué au 1er janvier de cette année par son usufruitière pour un loyer symbolique à son fils nu-propriétaire et d'autre part des données de la fiche de calcul de cet immeuble qu'il a été évalué par la méthode d'appréciation directe à partir d'un loyer très largement supérieur au loyer réel ; que, dans ces conditions, le local-type n° 55 ne peut être retenu ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, s'agissant du local-type n° 64, le procès-verbal de la commune de Montrouge versé au dossier se borne à renvoyer à un procès-verbal complémentaire sans donner de précision sur les modalités de son évaluation, alors que la régularité de celle-ci est contestée par l'administration ; que, par suite, ce local ne peut être retenu ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a fait valoir, sans que cela soit contesté, que le local-type n° 52 du procès-verbal des opérations de révision foncières de la commune de Meudon, le local-type n° 218 du procès-verbal de la commune de Versailles et le local-type n° 43 du procès-verbal de la commune de Fontainebleau sont situés dans des communes qui ne présentent pas une situation analogue, eu égard à la dominante de leur activité économique, à celle de Bonneuil-sur-Marne ;

12. Considérant, en sixième lieu, qu'en ce qui concerne le local-type n° 20 du procès-verbal de la commune de Vert-Saint-Denis, la société n'apporte aucune précision relative aux caractéristiques de ce local et à la situation économique de la commune permettant d'apprécier si cet immeuble peut être retenu comme terme de comparaison ;

13. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, le local-type n° 119 du procès-verbal de la commune de Saint-Germain-en-Laye a été détruit en 1985 et que le local-type n° 55 du procès-verbal de Courbevoie a été supprimé du procès-verbal initial de la commune de Courbevoie par un procès-verbal complémentaire établi en 1987 ; que, d'autre part, le local- type n° 90 du procès-verbal de la commune d'Issy-les-Moulineaux, construit en 1936, le local-type n° 48 du procès-verbal de la commune de Chelles, construit en 1952 et le local-type n° 1 du procès-verbal de la commune de Cergy, construit en 1884, correspondent à des hôtels de type traditionnel dont les caractéristiques au regard de leur construction, leur structure, leur nature et leur aménagement ne sont pas similaires à celles de l'immeuble en litige dont la construction a été achevée en 1992 et dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient fait l'objet de travaux depuis 1970 de nature à les rendre comparables au local à évaluer ; que, par suite, ces locaux ne peuvent être retenus ;

14. Considérant qu'en l'absence de terme de comparaison approprié, la valeur locative doit être évaluée par la voie de l'appréciation directe prévue par le 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;

Sur l'évaluation par voie d'appréciation directe :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts : " Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. / Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires " ; qu'aux termes de l'article 324 AC de la même annexe : " En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien " ;

16. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la valeur vénale des immeubles évalués par voie d'appréciation directe doit d'abord être déterminée en utilisant les données figurant dans les différents actes constituant l'origine de la propriété de l'immeuble si ces données, qui peuvent résulter notamment d'actes de cession, de déclarations de succession, d'apport en société ou, s'agissant d'immeubles qui n'étaient pas construits en 1970, de leur valeur lors de leur première inscription au bilan, ont une date la plus proche possible de la date de référence, laquelle est celle du 1er janvier 1970 ; que si ces données ne peuvent être regardées comme pertinentes du fait qu'elles présenteraient une trop grande antériorité ou postériorité par rapport au 1er janvier 1970, il incombe à l'administration de proposer des évaluations fondées sur les deux autres méthodes prévues à l'article 324 AC, en retenant des transactions qui peuvent être postérieures ou antérieures aux actes ou aux bilans mentionnés ci-dessus dès lors qu'elles ont été conclues à une date plus proche du 1er janvier 1970 ; que ce n'est que si l'administration n'est pas à même de proposer des éléments de calcul fondés sur l'une ou l'autre de ces méthodes et si le contribuable n'est pas davantage en mesure de fournir ces éléments de comparaison qu'il y a lieu de retenir, pour le calcul de la valeur locative, les données figurant dans les actes constituant l'origine de la propriété du bien ou, le cas échéant, dans son bilan ;

17. Considérant que si l'administration propose de retenir le prix d'acquisition de l'hôtel tel qu'il ressort d'une transaction du 1er octobre 1992, il ne résulte pas de l'instruction que cette transaction n'était pas la plus proche de la date de référence du 1er janvier 1970 ;

18. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'indice INSEE du coût de la construction retenu par l'administration pour établir la valeur vénale des biens ne serait pas significatif de l'évolution de cette valeur par rapport à l'année 1970 ;

19. Considérant que la société requérante soutient que, contrairement aux prescriptions de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts précité, le taux d'intérêt de 8 %, appliqué par l'administration à la valeur vénale de l'immeuble ainsi actualisée au 1er janvier 1970, pour en déduire sa valeur locative à cette date, ne résulterait pas du taux des placements immobiliers constatés dans la région à cette même date de référence ; que, toutefois, en l'absence de toute précision de nature à étayer cette dernière allégation, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

20. Considérant que les éléments ainsi retenus conduisent à déterminer une valeur locative supérieure à celle retenue pour l'évaluation de la valeur locative ayant servi de base aux impositions en litige ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société doit être rejetée ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 15 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentées par la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux devant la cour administrative d'appel, dans la limite du litige visé à l'article 1er et le surplus de ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Invest Hôtels Marseille Bonneuil La Roche Bordeaux.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 342434
Date de la décision : 17/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2013, n° 342434
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:342434.20130717
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