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05/07/2013 | FRANCE | N°341015

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 05 juillet 2013, 341015


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0801778 du 27 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 février 2008, confirmée le 4 avril 2008, par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d'une pension de réversion à la suite du décès de son co

njoint le 6 juin 2006 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministr...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0801778 du 27 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 février 2008, confirmée le 4 avril 2008, par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d'une pension de réversion à la suite du décès de son conjoint le 6 juin 2006 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense et des anciens combattants de la rétablir dans ses droits dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, et enfin, que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

Vu le décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Régis Fraisse, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la caisse des dépôts et consignations ;

1. Considérant qu'il ressort de ses écritures devant le tribunal administratif que Mme A...soutenait qu'elle pouvait opter pour l'une des pensions acquises du chef de ses conjoints successivement décédés ; que, par son jugement du 27 avril 2010, le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ce moyen ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, Mme A...est fondée à demander son annulation ;

2. Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

3. Considérant qu'après le décès de M.B..., ouvrier du ministère de la justice, son premier conjoint, en 1958, une pension de réversion a été concédée à la requérante et liquidée par le ministère de la justice ; que la requérante s'est remariée en 1984 avec M.A... ; que celui-ci a bénéficié, du 1er avril 1975 au 6 juin 2006, date de son décès, d'une pension servie par le Fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'Etat ; que, durant la période de son second mariage, Mme A...a continué à percevoir la pension de réversion du chef de M. B..., en vertu des dispositions de l'article L. 62 du code des pensions civiles et militaires, dans leur version applicable à la date du décès de son premier conjoint, aux termes desquelles : " Les veuves remariées... percevront, sans augmentation de taux, les émoluments dont elles bénéficiaient antérieurement à leur nouvel état " ; qu'à la suite du décès de M. A..., en 2006, elle a recouvré l'intégralité de sa pension, en application de l'article 10 de la loi du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux termes duquel " les veuves... dont la pension déjà concédée est payée sans augmentation de taux en raison d'un remariage... recouvreront l'intégralité... de leur pension à compter de la date... de la dissolution du nouveau mariage par décès " ; qu'elle a sollicité le bénéfice de la réversion de la pension servie à son second mari en plus ou, à défaut, en lieu et place de la réversion de la pension du chef de son premier mari ; que, par une décision du 11 février 2008, confirmée le 4 avril 2008, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif qu'elle bénéficiait déjà d'une pension de réversion du chef de son premier conjoint et qu'une telle circonstance faisait obstacle à ce qu'elle puisse, d'une part, la cumuler avec une pension de réversion acquise du chef de son second conjoint et, d'autre part, opter pour cette seconde pension ; que Mme A...demande l'annulation de ces deux décisions ;

4. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 9 mars 2007 publiée au Journal officiel de la République française du 14 mars suivant, M.E..., sous-directeur des pensions, et M. D..., chef de bureau des retraites civiles et militaires, ont reçu délégation à l'effet de signer au nom du ministre de la défense les décisions relevant de leurs attributions au sein de leur sous-direction ou bureau ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence des signataires des deux décisions contestées doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du I de l'article 25 du décret du 5 octobre 2004 : " Les conjoints ont droit à une pension égale à 50 % de la pension obtenue par l'intéressé ou qu'il aurait pu obtenir au jour du décès. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version en vigueur à la date des décisions attaquées : " Le cumul par un conjoint survivant de plusieurs pensions obtenues du chef d'agents différents, au titre des régimes de retraites des collectivités énumérées à l'article L. 84, est interdit " ; que l'article L. 84 renvoie à la liste des employeurs mentionnés à l'article L. 86-1 du même code, au nombre desquels figurent les administrations de l'Etat et leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial ; que, par ailleurs, l'article 48 du décret du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions relevant du Fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'Etat étend à ces dernières les règles de cumul applicables aux fonctionnaires de l'Etat et à leurs ayants cause relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi, les dispositions précitées interdisent le cumul de pensions de réversion relevant du régime des pensions civiles et militaires de l'Etat et du Fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'Etat ; qu'il s'ensuit que le ministre de la défense n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant la demande de Mme A...tendant à cumuler les deux pensions en cause ;

7. Considérant, en revanche qu'il ne pouvait, sans erreur de droit, refuser de faire droit à sa demande tendant à ce que lui soit accordée, en application des dispositions citées ci-dessus du décret du 5 octobre 2004, une pension de réversion du chef de son second mari décédé, alors même qu'elle renonçait au bénéfice de la pension qu'elle percevait du chef de son premier mari ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande, Mme A...est fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la défense de procéder, dans un délai de deux mois, à un nouvel examen de la demande de Mme A...tendant à bénéficier de la pension de réversion du chef de son second conjoint ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 avril 2010 est annulé.

Article 2 : Les décisions des 11 février et 4 avril 2008 sont annulées en tant que le ministre de la défense a refusé à Mme A...le bénéfice d'une pension de réversion du chef de son second conjoint en lieu et place de celle qui lui était versée du chef de son premier conjoint.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de la défense de procéder au réexamen de la demande de MmeA....

Article 4 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme A...est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A..., à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 341015
Date de la décision : 05/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2013, n° 341015
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Régis Fraisse
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:341015.20130705
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