Vu 1°, sous le n° 366847, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Citelum, dont le siège est 37, rue de Lyon à Paris (75012) ; la société Citelum demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300701 du 1er mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, à la demande de la société Bouygues Energies et Services, a, d'une part, annulé la procédure de dialogue compétitif lancée par la commune de Sète au mois de mai 2012 en vue de l'attribution d'un contrat de partenariat ayant pour objet " la rénovation et la gestion du réseau d'éclairage public, de la signalisation lumineuse tricolore et d'équipements électriques urbains de la ville de Sète ", et, d'autre part, lui a enjoint, si elle estime opportun de poursuivre la procédure d'attribution du contrat de partenariat, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres ;
2°) de mettre à la charge de la société Bouygues Energies et Services la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 366902, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Sète, représentée par son maire ; la commune de Sète demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300701 du 1er mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, à la demande de la société Bouygues Energies et Services, a, d'une part, annulé la procédure de dialogue compétitif qu'elle a lancée au mois de mai 2012 en vue de l'attribution d'un contrat de partenariat ayant pour objet " la rénovation et la gestion du réseau d'éclairage public, de la signalisation lumineuse tricolore et d'équipements électriques urbains de la ville de Sète ", et, d'autre part, lui a enjoint, si elle estime opportun de poursuivre la procédure d'attribution du contrat de partenariat, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Bouygues Energies et Services ;
3°) de mettre à la charge de la société Bouygues Energies et Services la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour la société Bouygues Energies et Services ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Citelum, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Bouygues Energies et Services (anciennement ETDE) et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la commune de Sète ;
1. Considérant que les pourvois de la société Citelum et de la commune de Sète sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1414-7 du code général des collectivités territoriales, relatif à la passation des contrats de partenariat selon la procédure du dialogue compétitif : " Lorsqu'elle estime que la discussion est arrivée à son terme, la personne publique en informe les candidats qui ont participé à toutes les phases de la consultation. Elle invite les candidats à remettre leur offre finale sur la base de la ou des solutions présentées et spécifiées au cours du dialogue dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Elle définit les conditions d'exécution du contrat, y compris de celles de ses clauses qui prévoient une évolution, pendant la durée du contrat, des droits et obligations du cocontractant, et, le cas échéant, précise les critères d'attribution du contrat définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le règlement de la consultation. Elle s'efforce de maintenir jusqu'à ce stade une concurrence réelle. / Ces offres comprennent tous les éléments nécessaires à l'exécution du contrat. / La personne publique peut demander des clarifications, des précisions, des compléments ou des perfectionnements concernant les offres déposées par les candidats ainsi que la confirmation de certains des engagements, notamment financiers, qui y figurent. Cependant, ces demandes ne peuvent avoir pour effet de modifier les éléments fondamentaux de l'offre ou des caractéristiques essentielles du contrat dont la variation est susceptible de fausser la concurrence ou d'avoir un effet discriminatoire. " ;
4. Considérant qu'après avoir notamment relevé que l'offre finale de la société ETDE, devenue société Bouygues Energies et Services, comportait des contradictions sur le nombre de luminaires que la société s'engageait à remplacer en réponse à la demande que la commune avait détaillée dans les documents de la consultation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a jugé que la commune aurait pu corriger cette irrégularité en identifiant elle-même le chiffre exact à retenir et que, par suite, elle ne pouvait regarder l'offre comme irrégulière et la rejeter pour ce motif ; qu'il a ainsi commis une erreur de droit ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que la commune de Sète et la société Citelum sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
5. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Bouygues Energies et Services, anciennement dénommée ETDE ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1414-10 du code général des collectivités territoriales : " En réponse à une demande écrite d'un candidat évincé, la personne publique indique par écrit dans les quinze jours les motifs du rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre ainsi que le nom de l'attributaire du contrat. " ; qu'il résulte de l'instruction que la commune de Sète a communiqué à la société ETDE les raisons du rejet de son offre finale ; que celle-ci ayant été éliminée comme irrégulière, la commune a pu, sans méconnaître ses obligations de publicité et de mise en concurrence, ne pas faire droit à la demande de communication du rapport d'analyse des offres, qui retraçait les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre de la société Citelum et qui n'était pas nécessaire à la société ETDE pour contester utilement le rejet de son offre ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner avant-dire droit à la commune de produire ce rapport ; que, par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public est inopérant à l'appui d'un référé précontractuel ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, parmi les éléments sur lesquels les candidats devaient s'engager par leur offre finale, figurait notamment le nombre de luminaires à remplacer, dont le règlement de la consultation précisait qu'il constituerait un des critères de choix au titre des " objectifs de performance en matière de reconstruction et renouvellement du patrimoine et de qualité globale des ouvrages " ; que l'offre finale de la société ETDE ne comportait pas d'engagement clair sur ce point ; qu'ainsi, elle ne comprenait pas tous les éléments nécessaires à l'exécution du contrat ; que, par suite, la société Bouygues Energies et Services, qui ne peut utilement soutenir que la commune aurait pu relever une telle irrégularité dès ses propositions initiales et qui avait au demeurant été invitée, pendant la phase de dialogue, à " préciser exactement " son engagement sur ce point, n'est pas fondée à soutenir qu'en éliminant son offre comme irrégulière, la commune de Sète aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
8. Considérant, en dernier lieu, que la commune de Sète ayant écarté l'offre finale de la société ETDE comme irrégulière, les moyens tirés de ce qu'elle aurait relevé à tort d'autres irrégularités sont inopérants ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Bouygues Energies et Services doit être rejetée ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sète et de la société Citelum, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Bouygues Energies et Services au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière, d'une part, une somme de 4 500 euros à verser à la commune de Sète au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens pour la procédure devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Montpellier et, d'autre part, une somme de 3 000 euros à verser à la société Citelum au titre de la procédure devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Montpellier du 1er mars 2013 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Bouygues Energies et Services devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Bouygues Energies et Services versera une somme de 4 500 euros à la commune de Sète et une somme de 3 000 euros à la société Citelum au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Citelum, à la commune de Sète et à la société Bouygues Energies et Services.