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21/06/2013 | FRANCE | N°345500

France | France, Conseil d'État, 5ème / 4ème ssr, 21 juin 2013, 345500


Vu le pourvoi, enregistré le 4 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 novembre 2010 par laquelle la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2008 de la chambre de discipline du conseil central de la section G lui infligeant, sur une plainte du directeur régional de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile de Franc

e, la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une ...

Vu le pourvoi, enregistré le 4 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 novembre 2010 par laquelle la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2008 de la chambre de discipline du conseil central de la section G lui infligeant, sur une plainte du directeur régional de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile de France, la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de cinq ans et a décidé, d'autre part, que cette sanction s'exécutera du 1er février 2011 au 31 janvier 2016 inclus ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de M. A... et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 20 novembre 2008, la chambre de discipline du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens a prononcé à l'encontre de M. A... l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de cinq ans à la suite de la constatation de nombreux dysfonctionnements dans le laboratoire d'analyses médicales qu'il dirigeait ; que, par un jugement du 10 décembre 2008, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Pontoise a, pour les mêmes faits, condamné avec exécution provisoire M. A... à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie, en application des articles 132-40 et suivants du code pénal, d'une mise à l'épreuve pendant trois ans comportant une interdiction de même durée d'exercer sa profession ; que M. A...se pourvoit en cassation contre la décision du 4 novembre 2010 par laquelle la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens a, d'une part, rejeté sa requête en annulation de la décision du 20 novembre 2008 et, d'autre part, décidé que la sanction disciplinaire prononcée à son encontre s'exécuterait du 1er février 2011 au 31 janvier 2016 inclus ; que, par une décision du 26 mars 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a décidé de surseoir à l'exécution de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4234-6 du code de la santé publique relatif à la discipline des pharmaciens, " La chambre de discipline prononce, s'il y a lieu, l'une des peines suivantes :/ (...) 4° L'interdiction, pour une durée maximum de cinq ans avec ou sans sursis, d'exercer la pharmacie (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 132-40 du code pénal : " La juridiction qui prononce un emprisonnement peut, dans les conditions prévues ci-après, ordonner qu'il sera sursis à son exécution, la personne physique condamnée étant placée sous le régime de la mise à l'épreuve (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 132-42 du même code : " La juridiction pénale fixe le délai d'épreuve qui ne peut être inférieur à douze mois ni supérieur à trois ans (...) " ; qu'aux termes de l'article 132-45 : " La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations suivantes:/ (...) 8° Ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (...) " ;

4. Considérant que s'il découle du principe de l'indépendance des poursuites pénales et disciplinaires que des sanctions pénales et disciplinaires peuvent se cumuler à raison des mêmes faits, le principe de proportionnalité implique toutefois, dans le cas où une interdiction temporaire d'exercice a été prononcée tant par le juge pénal sur le fondement des dispositions combinées des articles 132-40, 132-42 et 132-45 du code pénal que par le juge disciplinaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 4234-6 du code de la santé publique, que la durée cumulée d'exécution des interdictions prononcées n'excède pas le maximum légal le plus élevé ; qu'il appartient au juge disciplinaire infligeant une interdiction temporaire d'exercice à une personne ayant fait l'objet d'une interdiction de même nature décidée par le juge pénal à raison des mêmes faits de prendre en compte, dans la fixation de la période d'exécution de la sanction qu'il prononce, la période d'interdiction d'exercice résultant de la décision du juge pénal et de faire en sorte que la durée cumulée des deux périodes n'excède pas le maximum de cinq ans fixé au 4° de l'article L. 4234-6 du code de la santé publique, plus élevé que celui fixé au premier alinéa de l'article 132-42 du code pénal ;

5. Considérant que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans méconnaître le principe de l'individualisation des peines que la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens a estimé que l'état de santé de M. A...ne justifiait pas une réduction de la durée de l'interdiction d'exercice de cinq ans prononcée par le juge disciplinaire de première instance ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il appartenait à la chambre de discipline de faire en sorte que les périodes d'exécution cumulées de la sanction qu'elle prononçait et de l'interdiction d'exercice qui résultait de la décision du juge pénal n'excède pas cinq ans ; qu'en prévoyant que l'interdiction qu'elle prononçait devait être exécutée à compter du 1er février 2011 jusqu'au 31 janvier 2016, alors qu'en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Pontoise M. A...était déjà sous le coup d'une interdiction d'exercer sa profession depuis le 10 décembre 2008 et qu'en conséquence la durée totale de la période d'interdiction résultant des décisions des juges pénal et disciplinaire excédait le maximum légal de cinq ans, la chambre de discipline a méconnu la règle de cumul impliquée par le principe de proportionnalité et ainsi commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est fondé à demander l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 de la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens qu'en tant que cette décision fixe la période d'exécution de la sanction qui lui a été infligée ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...s'est abstenu d'exercer sa profession pendant une durée de trois ans à compter du 10 décembre 2008 en exécution du jugement devenu définitif du tribunal correctionnel de Pontoise ; qu'afin d'assurer le respect de la règle de cumul impliquée par le principe de proportionnalité rappelée ci-dessus, la période d'exécution de cette interdiction doit être incluse dans la période d'exécution de la sanction disciplinaire d'interdiction d'exercice pendant cinq ans ; que cette interdiction de cinq ans doit, dès lors, être regardée comme ayant été exécutée pendant une première période s'étendant à partir de la date du 10 décembre 2008, à laquelle le jugement pénal est devenu exécutoire, jusqu'à celle du 26 mars 2012, à laquelle le Conseil d'Etat a décidé de surseoir à l'exécution de la sanction disciplinaire ; que reste ainsi à exécuter une interdiction d'exercice de vingt mois et quatorze jours, dont il appartient au Conseil d'Etat de fixer la période d'exécution ; qu'il y a lieu de prévoir que cette période commencera le 1er août 2013 et s'achèvera le 14 avril 2015 ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A...au titre de ces dispositions soit mise à la charge du conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui n'est pas partie à la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la chambre de discipline du conseil national de l'Ordre des pharmaciens du 4 novembre 2010 est annulée en tant qu'elle fixe la période d'exécution de l'interdiction temporaire d'exercice pendant cinq ans infligée à M.A....

Article 2 : L'interdiction temporaire d'exercice infligée à M. A...par la décision de la chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens reprendra effet entre le 1er août 2013 et le 14 avril 2015.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B..., au conseil national de l'ordre des pharmaciens et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème / 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 345500
Date de la décision : 21/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION PÉNALE - DROIT PÉNAL - PEINES - PROPORTIONNALITÉ DES PEINES - INTERDICTION TEMPORAIRE D'EXERCICE D'UNE PROFESSION - SANCTION PÉNALE ET SANCTION DISCIPLINAIRE - POSSIBILITÉ DE CUMUL - EXISTENCE - LIMITE - PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ - CONSÉQUENCE - DURÉE CUMULÉE D'INTERDICTION NE POUVANT PAS EXCÉDER LE MAXIMUM LÉGAL LE PLUS ÉLEVÉ [RJ1] - CONSÉQUENCE - OFFICE DU JUGE DISCIPLINAIRE INFLIGEANT UNE INTERDICTION TEMPORAIRE D'EXERCICE À UNE PERSONNE AYANT FAIT L'OBJET D'UNE TELLE INTERDICTION PAR LE JUGE PÉNAL À RAISON DES MÊMES FAITS - PRISE EN COMPTE DE L'INTERDICTION PRONONCÉE.

59-01-02-03-02 1) S'il découle du principe de l'indépendance des poursuites pénales et disciplinaires que des sanctions pénales et disciplinaires peuvent se cumuler à raison des mêmes faits, le principe de proportionnalité implique toutefois, dans le cas où une interdiction temporaire d'exercice a été prononcée tant par le juge pénal sur le fondement des dispositions combinées des articles 132-40, 132-42 et 132-45 du code pénal que par le juge disciplinaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 4234-6 du code de la santé publique (CSP), que la durée cumulée d'exécution des interdictions prononcées n'excède pas le maximum légal le plus élevé.,,,2) Il appartient au juge disciplinaire infligeant une interdiction temporaire d'exercice à une personne ayant fait l'objet d'une interdiction de même nature décidée par le juge pénal à raison des mêmes faits de prendre en compte, dans la fixation de la période d'exécution de la sanction qu'il prononce, la période d'interdiction d'exercice résultant de la décision du juge pénal et de faire en sorte que la durée cumulée des deux périodes n'excède pas le maximum de cinq ans fixé au 4° de l'article L. 4234-6 du CSP, plus élevé que celui fixé au premier alinéa de l'article 132-42 du code pénal.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - INTERDICTION TEMPORAIRE D'EXERCICE D'UNE PROFESSION - SANCTION PÉNALE ET SANCTION DISCIPLINAIRE - POSSIBILITÉ DE CUMUL - EXISTENCE - LIMITE - PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ - CONSÉQUENCE - DURÉE CUMULÉE D'INTERDICTION NE POUVANT PAS EXCÉDER LE MAXIMUM LÉGAL LE PLUS ÉLEVÉ [RJ1] - CONSÉQUENCE - OFFICE DU JUGE DISCIPLINAIRE INFLIGEANT UNE INTERDICTION TEMPORAIRE D'EXERCICE À UNE PERSONNE AYANT FAIT L'OBJET D'UNE TELLE INTERDICTION PAR LE JUGE PÉNAL À RAISON DES MÊMES FAITS - PRISE EN COMPTE DE L'INTERDICTION PRONONCÉE.

59-02-02 1) S'il découle du principe de l'indépendance des poursuites pénales et disciplinaires que des sanctions pénales et disciplinaires peuvent se cumuler à raison des mêmes faits, le principe de proportionnalité implique toutefois, dans le cas où une interdiction temporaire d'exercice a été prononcée tant par le juge pénal sur le fondement des dispositions combinées des articles 132-40, 132-42 et 132-45 du code pénal que par le juge disciplinaire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 4234-6 du code de la santé publique (CSP), que la durée cumulée d'exécution des interdictions prononcées n'excède pas le maximum légal le plus élevé.,,,2) Il appartient au juge disciplinaire infligeant une interdiction temporaire d'exercice à une personne ayant fait l'objet d'une interdiction de même nature décidée par le juge pénal à raison des mêmes faits de prendre en compte, dans la fixation de la période d'exécution de la sanction qu'il prononce, la période d'interdiction d'exercice résultant de la décision du juge pénal et de faire en sorte que la durée cumulée des deux périodes n'excède pas le maximum de cinq ans fixé au 4° de l'article L. 4234-6 du CSP, plus élevé que celui fixé au premier alinéa de l'article 132-42 du code pénal.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cons. const., 28 juillet 1989, décision n° 89-260 DC ;

Cons. const., 30 décembre 1997, décision n° 97-395 DC.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2013, n° 345500
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Domitille Duval-Arnould
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:345500.20130621
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