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19/06/2013 | FRANCE | N°364819

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 19 juin 2013, 364819


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 décembre 2012, 11 janvier et 25 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Bassillac (Dordogne), représentée par son maire ; la commune de Bassillac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204048 du 12 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de l'arrêté du 12 novembre 2012 par lequel son maire a refusé à M. A...B...un permis de construire pour la construction

d'une maison d'habitation au lieu-dit " le Bourg " à Bassillac et a enjoi...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 27 décembre 2012, 11 janvier et 25 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Bassillac (Dordogne), représentée par son maire ; la commune de Bassillac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204048 du 12 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de l'arrêté du 12 novembre 2012 par lequel son maire a refusé à M. A...B...un permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation au lieu-dit " le Bourg " à Bassillac et a enjoint à son maire de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gaël Raimbault, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Bassillac et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M.B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...a réalisé des travaux de construction d'une maison d'habitation non conformes au permis de construire qui lui avait été délivré le 11 avril 2009 par le maire de Bassillac ; qu'il a cherché à obtenir un permis de construire de régularisation, en dernier lieu par une demande déposée le 25 septembre 2012, rejetée par le maire le 12 novembre suivant, au motif que le projet prévoyait la construction d'une maison d'habitation sur un emplacement réservé relatif à l'entretien du mur de soutènement d'une voie publique ; que la commune se pourvoit en cassation à l'encontre de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 12 décembre 2012 qui, à la demande de M.B..., a suspendu l'exécution de l'arrêté refusant le permis sollicité et a enjoint à son maire de réexaminer la demande de M.B... ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

3. Considérant que le juge des référés a regardé comme propre à créer un doute sérieux, quant à la légalité de la décision en litige, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la fixation d'un emplacement réservé d'une largeur de 8 mètres, à la seule fin de permettre l'entretien du mur de soutènement de l'ancienne route départementale 5, et, par suite, de l'illégalité du motif de refus opposé à la demande de permis de construire une maison d'habitation qui empiétait de 1,20 mètres sur l'emplacement réservé ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, et spécialement du dossier joint à la demande de permis, que, la construction étant implantée sur la partie haute de la parcelle, la demande portait également sur la construction d'un muret destiné à maintenir les sols et modifiant le profil du terrain, situé entre la maison et le mur de soutènement, empiétant de plus de 5,50 mètres sur l'emplacement réservé ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Bassillac est fondée à soutenir que le juge des référés, dont l'appréciation sur ce point n'était pas surabondante, a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

5. Considérant, d'une part, que M. B...demande effectivement la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 novembre 2012 par lequel le maire de Bassillac a rejeté sa demande de permis de construire ; que, d'autre part, les formalités de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables à un recours dirigé contre une décision refusant l'octroi d'un permis de construire ; que, par suite, la commune de Bassillac n'est pas fondée à soutenir que la requête de M. B...dirigée contre l'arrêté du 12 novembre 2012 et sa demande de suspension de l'exécution de cet arrêté sont irrecevables ;

Sur l'urgence :

6. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

7. Considérant que M. B...a réalisé les constructions litigieuses en violation des prescriptions du permis de construire qui lui avait été délivré et n'a formé de recours contentieux qu'au quatrième refus opposé par le maire de Bassillac à ses demandes successives de permis de construire modificatif ou de régularisation ; que toutefois, d'une part, les nouvelles demandes de M. B...s'efforçaient de répondre, au moins pour partie, aux motifs de refus précédemment opposés par la commune ; que, d'autre part, le tribunal correctionnel, devant lequel M. B...est prévenu des chefs d'infractions pénales liées à ces constructions litigieuses, est susceptible d'ordonner, à échéance rapprochée, la démolition de la maison d'habitation ainsi édifiée ; que la régularisation de la construction ferait obstacle, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, à ce que le juge pénal ordonne cette démolition ; que, par suite, l'exécution de la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation ; que si la commune de Bassillac invoque l'intérêt général qui s'attache à ce que les comportements illégaux soient poursuivis et sanctionnés, la suspension de l'arrêté litigieux serait sans effet sur la caractérisation des éventuelles infractions pénales poursuivies devant le juge judiciaire et sur le prononcé, le cas échéant, de l'une des peines prévues par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse :

8. Considérant que le moyen tiré de l'illégalité du règlement du plan local d'urbanisme au regard de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, en tant qu'il prévoit un emplacement réservé destiné à l'entretien du mur de soutènement d'une voie publique, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 novembre 2012 par lequel le maire a rejeté sa demande de permis de construire ;

10. Considérant que la suspension ainsi prononcée implique nécessairement que la commune se prononce de nouveau sur la demande de permis de construire présentée le 25 septembre 2012 par M.B... ; qu'il y a lieu d'enjoindre à la commune de Bassillac de réexaminer cette demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bassillac la somme que M. B...demande au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 12 décembre 2012 est annulée.

Article 2 : L'arrêté du maire de Bassillac du 12 novembre 2012 est suspendu.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Bassillac d'instruire de nouveau la demande de permis de construire présentée par M.B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bassillac et de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bassillac et à M. A...B....


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 364819
Date de la décision : 19/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2013, n° 364819
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gaël Raimbault
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:364819.20130619
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