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17/05/2013 | FRANCE | N°356291

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 17 mai 2013, 356291


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n° 10PA00962 du 25 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après lui avoir accordé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et réformé en ce sens le jugement nos 0617661-0717963 du tri

bunal administratif de Paris du 21 octobre 2009, a rejeté le surplus d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n° 10PA00962 du 25 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après lui avoir accordé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et réformé en ce sens le jugement nos 0617661-0717963 du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2009, a rejeté le surplus des conclusions de son appel, tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit sur ce point à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. A..., qui exerce l'activité d'ostéopathe, a demandé, le 27 septembre 2006, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, puis, par une nouvelle réclamation du 4 septembre 2007, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; qu'il a relevé appel du jugement du 21 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de restitution ; que par un arrêt du 25 novembre 2011, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a jugé irrecevable la requête de M. A... en tant qu'elle portait sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et, d'autre part, lui a accordé la restitution des droits acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, réformant dans cette mesure le jugement précité du tribunal administratif de Paris ; que M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) " ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

4. Considérant que pour demander la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, M. A... soutenait devant la cour administrative d'appel de Paris qu'en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, en l'absence de mention des voies et délais de recours sur les formulaires de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait remplis, le délai de recours prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne pouvait lui être opposé ;

5. Considérant qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à en demander l'annulation en tant qu'il a jugé tardive sa réclamation au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et par suite, irrecevables les conclusions de sa requête tendant à la restitution des droit de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de cette période ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'un formulaire de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas une décision au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'absence de la mention des voies et délais de recours sur un tel formulaire ferait obstacle à l'application du délai de recours fixé par le b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales à sa demande tendant à la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait spontanément acquittés ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et des amendes " ;

9. Considérant qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées du premier alinéa de cet article ; que, toutefois, l'instauration d'un délai de réclamation d'au moins deux ans à compter de la date de la mise en recouvrement ou, à défaut, du versement de l'imposition est suffisante pour permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs droits ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne méconnaissent pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations précitées du premier protocole additionnel ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. A... soutient entrer dans les prévisions du quatrième alinéa (c) précité de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, à raison de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04 ou de la décision rendue le 16 avril 2010 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux sous le n° 318941 ; que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

11. Considérant qu'en l'espèce, contrairement à ce que soutient M. A..., aucune décision de la Cour de justice de l'Union européenne n'a, à ce jour, révélé, au sens des dispositions précitées de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la non-conformité des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la période d'imposition en litige, à l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, y compris à la lumière de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04 ; qu'ainsi, cet arrêt ne peut être regardé comme ayant révélé la non-conformité à une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application à M. A... ni, par conséquent, comme un événement ayant motivé sa réclamation au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

12. Considérant que M. A... ne peut utilement invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions du livre des procédures fiscales, la décision rendue le 16 avril 2010 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux sous le n° 318941, dès lors que cette décision, qui a été rendue postérieurement à la réclamation formée le 4 septembre 2007, n'a pu constituer un événement l'ayant motivée ;

13. Considérant qu'il suit de là que la réclamation de M. A... présentée le 4 septembre 2007, en tant qu'elle porte sur la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, est tardive au regard de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et, dès lors, irrecevable ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 25 novembre 2011 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel de M. A... tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 356291
Date de la décision : 17/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2013, n° 356291
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie Deligne
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356291.20130517
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