Vu le pourvoi, enregistré le 19 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09NT02744 du 30 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir partiellement annulé le jugement n° 07-184 du 8 octobre 2009 du tribunal administratif de Rennes rejetant le surplus de la demande de M. B... A...tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2003 et des pénalités correspondantes, a déchargé M. A...de cette cotisation en tant qu'elle excède celle qui résulte de l'application du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles à la plus-value litigieuse, dans la limite de 18 497 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a cédé, le 22 octobre 2003, les titres de la société du nouveau port de Vallauris-Golfe-Juan, concessionnaire du port de plaisance de Juan-les-Pins, qu'il détenait depuis le 9 novembre 1990 ; que lors d'un contrôle sur pièce, l'administration fiscale a estimé que la plus-value de cession ainsi réalisée devait être soumise à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2003, selon les règles applicables aux plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux prévues à l'article 150-0 A du code général des impôts et non, comme le contribuable avait cru pouvoir s'en prévaloir dans sa déclaration, selon les règles applicables aux plus-values de cession des biens immeubles ; qu'elle a notifié, en conséquence, à l'intéressé des redressements d'impôt sur le revenu ; que M. A... a contesté le montant des cotisations supplémentaires ainsi mises à sa charge au motif que l'actif de la société dont il avait cédé des actions était majoritairement composé de droits sur des biens immeubles, que cette société devait dès lors être regardée comme étant à prépondérance immobilière au sens de l'article 74 A bis de l'annexe II au code général des impôts, alors en vigueur, et que la plus-value réalisée devait en conséquence être imposée, en application de l'article 150 A bis du code général des impôts, selon les règles applicables aux plus-values de cession de biens immeubles ; que par un jugement du 8 octobre 2009, le tribunal administratif de Rennes, après avoir prononcé un non-lieu dans la mesure d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté la demande de décharge présentée par M. A... ; que la cour administrative d'appel de Nantes, saisie par celui-ci, a, par les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 30 juin 2011 fait partiellement droit à sa requête et réduit la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge ; que le ministre chargé du budget se pourvoit, dans cette mesure, en cassation contre cet arrêt ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat alors en vigueur, issu de l'article 1er de la loi du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 2122-6 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat a, sauf prescription contraire de son titre, un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice d'une activité autorisée par ce titre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi du 25 juillet 1994 : " Pour les autorisations et conventions en cours, les dispositions de la présente loi ne sont applicables, le cas échéant, qu'aux ouvrages, constructions et installations que le permissionnaire ou le concessionnaire réaliserait après renouvellement ou modification de son titre. Toutefois, lorsque le permissionnaire ou le concessionnaire réalise des travaux et des constructions réhabilitant, étendant ou modifiant de façon substantielle les ouvrages, constructions et installations existants, il peut lui être délivré un nouveau titre conférant un droit réel sur ces ouvrages, constructions et installations lorsqu'ils ont été autorisés par le titre d'occupation. " ;
3. Considérant qu'en adoptant ces dispositions, notamment celles de l'article 3 de la loi du 25 juillet 1994, le législateur a entendu que le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public ne soit susceptible de détenir des droits réels que sur les seuls ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il a réalisés en vertu d'un titre délivré, modifié ou renouvelé postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 25 juillet 1994 ou qui, autorisés par un titre antérieur, ont été réhabilités, rénovés ou étendus postérieurement à cette entrée en vigueur, sous réserve de la délivrance d'un nouveau titre ; qu'il suit de là que la cour, en jugeant que la société concessionnaire, qui était titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, était détentrice de droits réels sur les immeubles concédés, sans rechercher si elle avait, conformément aux dispositions combinées de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat et de l'article 3 de la loi du 25 juillet 1994, construit les ouvrages concernés, ou obtenu un nouveau titre après avoir réhabilité, rénové ou étendu, postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, a commis une erreur de droit ; que les articles 1er, 2 et 3 de son arrêt doivent, dès lors, être annulés ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 30 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. B... A....