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15/05/2013 | FRANCE | N°341598

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 15 mai 2013, 341598


Vu, 1° sous le n° 341598, la requête, enregistrée le 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Nio-Adesium, dont le siège est 6, rue du Cardinal Mercier à Paris (75009), représentée par son président directeur général en exercice ; la société Nio-Adesium demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2010 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours

d'appel, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence du garde des s...

Vu, 1° sous le n° 341598, la requête, enregistrée le 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société Nio-Adesium, dont le siège est 6, rue du Cardinal Mercier à Paris (75009), représentée par son président directeur général en exercice ; la société Nio-Adesium demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2010 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur son recours gracieux du 18 juin 2010 dirigé contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 343742, la requête, enregistrée le 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Chambre nationale des avoués, dont le siège est 3, avenue de l'Opéra à Paris (75001), Me H...K..., demeurant..., Me G...P..., demeurant..., Me Q...M..., demeurant..., Me L...R..., demeurant..., Me O... -D...B..., demeurant..., Me O...-D...I..., demeurant..., Me D...C..., demeurant..., Me F...N..., demeurant..., Me O...-S...E..., demeurant..., Me A...J..., demeurant ... ; la Chambre nationale des avoués et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 mai 2010 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, en tant qu'il donne l'exclusivité de cette communication électronique aux instruments et plate-forme de transmission des données mises au point par le Conseil national des barreaux, ainsi que la décision du 9 septembre 2010 du ministre de la justice rejetant leur recours gracieux tendant à l'abrogation de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la Chambre nationale des avoués de la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à défaut, de mettre à la charge de l'Etat le versement de cette même somme à l'ensemble des autres requérants ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

Vu la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même arrêté et les différentes décisions de refus de l'abroger opposées par le garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 748-1 du code de procédure civile : " Les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre " ; qu'aux termes de l'article 748-6 du même code : " Les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et celle de la réception par le destinataire " ; que, par ailleurs, l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que " le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics " ;

3. Considérant que sur le fondement des dispositions de l'article 748-6 du code de procédure civile citées ci-dessus, le garde des sceaux, ministre de la justice, a, aux termes de l'arrêté attaqué, prévu que les actes de procédure remis par un auxiliaire de justice doivent, pour des motifs tenant à la fiabilité et à la sécurité des échanges, transiter par une plate-forme nationale de services de communication électronique confiée à un prestataire de confiance agissant sous la responsabilité du Conseil national des barreaux ;

4. Considérant, en premier lieu, que si l'arrêté attaqué, qui détermine des règles communes à tous les auxiliaires de justice quant aux procédés techniques à utiliser en matière de communication électronique des actes dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, est intervenu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, qui a procédé à la suppression des offices d'avoués près les cours d'appel et à l'intégration, pour ceux d'entre eux le souhaitant, des avoués dans la profession d'avocats, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à affecter sa légalité ni, dès lors que ses dispositions s'appliquent indifféremment aux avoués et aux avocats, à l'entacher de discrimination vis-à-vis de la profession d'avoué ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 4 de l'arrêté litigieux prévoit que les actes de procédure remis par un auxiliaire de justice doivent transiter par une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée " e-barreau ", administrée sous la responsabilité du Conseil national des barreaux ; qu'il ressort des pièces du dossier que le choix d'un tel système, qui a pour effet de conduire à abandonner l'usage de la solution technique précédemment développée dans le cadre d'une convention passée entre la Chambre nationale des avoués et le ministre de la justice, répond, dans le respect de l'exigence de bonne administration de la justice, à un objectif d'unification des procédures dématérialisées devant les cours d'appel, notamment au regard du nombre respectif d'avocats et d'avoués susceptibles d'y recourir ; qu'il ne prive pas les avoués de la possibilité d'accéder à la plate-forme " e-barreau " ; que les mérites comparés de la solution technique défendue par la Chambre nationale des avoués sont, dès lors que la plate-forme " e-barreau " répond aux exigences posées par les dispositions de l'article 748-6 du code de procédure civile et de l'arrêté du 5 mai 2010, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions contestées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dispose que : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. (...) / Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) " ; que si les requérants soutiennent que le ministre de la justice a méconnu les règles posées par ces dispositions en déléguant au Conseil national des barreaux, par l'intermédiaire de la convention qu'il a signée le 16 juin 2010 avec le président de cette instance, sans mise en concurrence préalable, la mission de service public consistant à organiser la communication électronique avec les cours d'appel pour les procédures sans représentation obligatoire, un tel moyen est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, qui n'a, en tout état de cause, pas pour objet d'attribuer un marché ou une délégation de service public, mais se borne à déterminer les conditions de forme et de sécurité dans lesquelles doivent s'effectuer les échanges électroniques entre les auxiliaires de justice et les juridictions d'appel ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, l'arrêté attaqué confie au Conseil national des barreaux la responsabilité de la gestion de la plate-forme électronique nécessaire au fonctionnement du service public de la justice mais n'a ni pour objet ni pour effet de désigner le prestataire de service appelé à agir pour son compte ; que, dans ces conditions, alors même qu'il est soutenu que le recours à ce prestataire conférerait à ce dernier une position dominante, aucune des dispositions de l'arrêté attaqué n'a par elle-même pour effet de méconnaître le principe de liberté de la concurrence ni, en particulier, de placer ce prestataire dans une situation d'abus de position dominante ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Nio-Adesium et la Chambre nationale des avoués et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la société Nio-Adesium et de la Chambre nationale des avoués et autres sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Nio-Adesium, à la Chambre nationale des avoués, premier requérant dénommé sous le n° 343742, et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Les autres requérants seront informés de la présente décision par Me de Froment, avocat au Barreau de Paris, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341598
Date de la décision : 15/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2013, n° 341598
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:341598.20130515
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