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23/04/2013 | FRANCE | N°367761

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 avril 2013, 367761


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 18 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Ajaccio, représentée par son maire ; la commune demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300252 du 29 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, après avoir rejeté différentes demandes de Mme C...A...et Mme B...A..., les a autorisées à installer

à nouveau une chaîne à l'entrée du terrain dont elles revendiquent la propr...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 18 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Ajaccio, représentée par son maire ; la commune demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300252 du 29 mars 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, après avoir rejeté différentes demandes de Mme C...A...et Mme B...A..., les a autorisées à installer à nouveau une chaîne à l'entrée du terrain dont elles revendiquent la propriété, jusqu'à ce que le juge du possessoire se soit prononcé sur leur droit de jouir de celui-ci ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mmes C...et B...A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia ;

3°) à titre subsidiaire, de mettre fin à la mesure ordonnée par l'article 2 de l'ordonnance attaquée ;

4°) de mettre à la charge de Mmes C...et B...A...le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée de contradiction de motifs et de contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

- le juge des référés n'avait pas le pouvoir d'autoriser Mmes C...et B...A...à réinstaller une chaîne à l'entrée de l'impasse en litige ;

- il a statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;

- aucune liberté fondamentale n'est en cause, rien n'établissant la propriété des intéressées ;

- le maire de la commune n'a commis aucune illégalité manifeste ;

- en tout état de cause, aucune atteinte grave n'a été portée au droit de propriété ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense et appel incident, enregistré le 22 mars 2013, présenté par Mme C...A..., demeurant..., et Mme B...A..., demeurant ... ; Mmes C...et B...A...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de rejeter la requête de la commune d'Ajaccio, d'enjoindre à la commune d'Ajaccio de " ne casser ni altérer la chaîne séparant leur cour de la montée Saint-Jean ", sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée, et de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

- l'appel de la commune est, compte tenu de ce qu'a décidé le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sans objet et, donc, irrecevable ;

- le juge des référés s'est à tort borné à les " autoriser " à maintenir la chaîne qu'elles ont installée ;

- elles sont nues-propriétaires et leur mère usufruitière de l'impasse litigieuse, qui constitue une cour attenante à leur maison ;

- le maire d'Ajaccio a porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de propriété et commis une double voie de fait ;

- la condition d'urgence est remplie ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 avril 2013, présenté pour la commune d'Ajaccio, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune d'Ajaccio et, d'autre part, Mmes C...et B...A...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 23 avril 2013 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Waquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune d'Ajaccio ;

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mmes C...et B...A...;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant qu'il ressort des écritures des parties et de leurs déclarations au cours de l'audience devant le juge des référés du Conseil d'Etat que, après avoir mis en demeure Mmes C...et B...A..., par un courrier du 16 octobre 2012, de retirer la chaîne qu'elles avaient installée à l'entrée d'une impasse donnant sur la montée Saint-Jean et attenante à leur maison pour en interdire l'accès, le maire de la commune d'Ajaccio a décidé, par un arrêté du 14 février 2013 qui n'a fait l'objet d'aucun recours, qu'il serait procédé d'office à l'enlèvement de cette chaîne sous 48 heures ; que cet arrêté a été exécuté le 13 mars 2013 ; que Mmes C...et B...A...ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bastia le 25 mars 2013 pour lui demander, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 14 février 2013, d'enjoindre à la commune de " cesser d'empiéter " sur l'impasse en cause et d'en " revendiquer la propriété ", de lui enjoindre de " rétablir et reconstruire les ouvrages ", d'interdire au maire d'émettre un titre exécutoire pour avoir paiement des frais d'enlèvement et de condamner la commune à leur verser la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice ;

3. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur certaines demandes de Mmes C...et B...A...et a jugé les autres irrecevables, a décidé " d'autoriser les requérantes à installer de nouveau une chaîne à l'entrée du terrain objet du litige, jusqu'à ce que le juge du possessoire se soit prononcé, au moins à titre temporaire, sur leur droit de jouir de celui-ci " et a mis à la charge de la commune d'Ajaccio le versement d'une somme de 1 500 euros au tire des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la commune d'Ajaccio demande l'annulation de cette ordonnance ; que Mmes C...et B...A...demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, d'une part, de rejeter l'appel de la commune, d'autre part, par la voie de l'appel incident, d'enjoindre à la commune d'Ajaccio de " ne casser ni altérer la chaîne séparant leur cour de la montée Saint-Jean ", sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent Mmes C...et B...A..., l'ordonnance attaquée ne saurait être regardée comme rejetant leur demande et comme faisant droit aux conclusions en ce sens présentées par la commune d'Ajaccio devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia ; que, dès lors, l'appel de la commune ne peut être rejeté comme irrecevable ;

5. Considérant que la mesure " autorisée " par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia n'est pas de celles que peut ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés ; que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ainsi méconnu l'étendu de son office ; que l'ordonnance attaquée, qui est au demeurant entachée de contradiction, est, dès lors, irrégulière et doit être annulée ;

6. Considérant qu'il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant par voie d'évocation, de se prononcer sur le référé introduit par Mmes C...et B...A..., en tenant compte de la nouvelle formulation de leurs demandes devant lui dans leur mémoire en défense et appel incident ainsi que de la situation existant au jour de son ordonnance ;

7. Considérant qu'à supposer même que, comme le soutient la commune d'Ajaccio sans l'établir, l'impasse litigieuse constitue une voie communale, son maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, en l'absence de toute situation d'urgence, procéder à l'exécution forcée de l'injonction qu'il avait faite aux requérantes de retirer la chaîne qu'elles avaient installée ; qu'en outre, en l'état de l'instruction, il existe un doute sérieux sur le caractère de voie communale de l'impasse, dont les requérantes revendiquent la propriété, en produisant notamment l'acte de vente de leur maison ; que Mmes C...et B...A...soutiennent ainsi qu'elles-mêmes, en leur qualité de nues-propriétaires, et leur mère, usufruitière, sont en droit d'interdire l'accès de l'impasse au public et que l'illégalité commise par le maire a porté atteinte à leur droit de jouir normalement de leur propriété ;

8. Considérant, toutefois, qu'il ressort des écritures de Mmes C...et B...A...et de leurs déclarations au cours de l'audience devant le juge des référés du Conseil d'Etat qu'à la date de la présente ordonnance, les requérantes, qui n'ont d'ailleurs jamais été dans l'impossibilité d'accéder à leur maison et d'y poursuivre les travaux qu'elles avaient engagés, ont à nouveau installé une chaîne à l'entrée de l'impasse litigieuse, qui en interdit l'entrée au public ; qu'ainsi qu'il a été dit, il ne peut être procédé sans leur consentement à son enlèvement que si l'autorité judiciaire l'ordonne ; que, alors même que certaines des mesures demandées par les requérantes seraient de celles que peut ordonner le juge des référés sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, elles ne justifient pas d'une situation d'urgence, au sens de ces dispositions ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mmes C...et B...A...le versement de la somme que demande la commune d'Ajaccio sur le fondement des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que celles-ci font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Ajaccio le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mmes C...et B...A...et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1300252 du 29 mars 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par Mmes C...et B...A...au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Ajaccio et par Mmes C...et B...A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune d'Ajaccio et à Mmes C...et B...A....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 367761
Date de la décision : 23/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2013, n° 367761
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:367761.20130423
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