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05/04/2013 | FRANCE | N°357938

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 05 avril 2013, 357938


Vu le pourvoi, enregistré le 26 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le Parquet général près la Cour des comptes qui demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 62533 du 16 janvier 2012 par lequel la Cour des comptes, statuant sur un appel de l'ordonnateur du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, a annulé le jugement n° 2010-0015 du 17 février 2011 par lequel la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon a constitué M. A...B..., comptable, débiteur des deniers dudit établissement pour les sommes de 6

202,99 euros et 20 768,02 euros augmentées des intérêts de droit ;

2°)...

Vu le pourvoi, enregistré le 26 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le Parquet général près la Cour des comptes qui demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 62533 du 16 janvier 2012 par lequel la Cour des comptes, statuant sur un appel de l'ordonnateur du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, a annulé le jugement n° 2010-0015 du 17 février 2011 par lequel la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon a constitué M. A...B..., comptable, débiteur des deniers dudit établissement pour les sommes de 6 202,99 euros et 20 768,02 euros augmentées des intérêts de droit ;

2°) de renvoyer l'affaire devant les chambres réunies de la Cour des comptes ;

Vu les pièces dont il résulte que le pourvoi a été communiqué à M. B...qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, statuant sur les comptes 2002 à 2004 du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau sur réquisitoire du ministère public, a, par un jugement du 17 février 2011, constitué M.B..., comptable, débiteur des deniers de cet établissement pour les sommes de 6 602,99 euros et 20 768,02 euros augmentées des intérêts de droit ; que, saisie par le directeur du Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, la Cour des comptes a annulé le jugement de la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon pour méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, en raison de l'absence d'examen par le magistrat rapporteur dans son rapport d'instruction des présomptions de charge invoquées par l'ordonnateur en réponse au réquisitoire du ministère public, et a renvoyé l'affaire à la chambre régionale des comptes ; que le Parquet général près la Cour des comptes se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 241-2 du code des juridictions financières, relatif aux activités juridictionnelles des chambres régionales des comptes : " I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes. (...) / III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement. / La procédure est contradictoire. (...) " ; que l'article R. 212-19 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Le procureur financier exerce le ministère public par voie de réquisitions, de conclusions ou d'avis. Il met en mouvement et exerce l'action publique. (...) / S'il n'a pas conclu à la décharge du comptable, il saisit la formation de jugement de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable par des réquisitions écrites et motivées en droit " ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article R. 241-34 du même code dispose que : " Lorsqu'une instance a été ouverte dans les conditions prévues au III de l'article L. 242-1, le réquisitoire du ministère public et le nom du ou des magistrats chargés de l'instruction sont notifiés à chacun des comptables et autres personnes mis en cause, ainsi qu'à l'ordonnateur en fonctions. / Les comptables et autres personnes mis en cause, ainsi que l'ordonnateur en fonctions, ont accès au dossier constitué des pièces sur lesquelles le réquisitoire est fondé. " ; que l'article R. 241-35 précise que : " I. - Les comptables et les autres personnes mis en cause, ainsi que l'ordonnateur en fonctions, sont tenus de déférer aux demandes d'explication ou de production de pièces formulées par le magistrat chargé de l'instruction jusqu'à la clôture de celle-ci, dans un délai fixé par ce magistrat et qui ne peut être inférieur à quinze jours suivant la réception de cette demande. / II. - Les mêmes personnes ont accès au dossier et peuvent demander au greffe copie de pièces du dossier. / III. - Elles peuvent adresser au magistrat chargé de l'instruction leurs observations écrites, dont la production est notifiée à chaque partie. Ces observations sont versées au dossier. " ; qu'aux termes du II de l'article R. 241-39 du même code : " La formation délibère ensuite sur le projet de jugement présenté, le cas échéant, par le réviseur ; elle examine les propositions du rapport sur chacun des griefs formulés par le réquisitoire du ministère public. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsque, à l'issue de la première phase non contentieuse de la procédure de jugement des comptes, le ministère public conclut à l'existence d'un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, il saisit, par son réquisitoire, la formation de jugement ; que, dans le cadre de la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes ouverte par le réquisitoire du ministère public, l'instruction dont est chargé le magistrat rapporteur de la chambre régionale ou territoriale des comptes ne peut porter que sur les griefs formulés par le ministère public dans ce réquisitoire introductif et, le cas échéant, dans un réquisitoire supplétif ; que si, lorsque l'ordonnateur produit dans ses observations des éléments nouveaux se rapportant à des griefs formulés par le ministère public, il appartient au magistrat rapporteur de les instruire, en revanche, il n'appartient pas à ce magistrat d'instruire au-delà des termes du réquisitoire, que ce soit de sa propre initiative ou pour répondre aux observations d'une partie, sous peine de méconnaître le monopole des poursuites confié au ministère public par le législateur ; que cette règle ne fait pas obstacle à ce que le ministère public, qui a accès à l'ensemble des mémoires et pièces versées au dossier, reprenne, s'il s'y croit fondé, dans un réquisitoire supplétif les griefs nouveaux éventuellement formulés par une partie ; que, dès lors, en jugeant que le jugement attaqué a été rendu de façon irrégulière en l'absence d'instruction par le magistrat rapporteur des présomptions de charge invoquées par l'ordonnateur dans ses observations en réponse au réquisitoire du ministère public et que ce dernier n'avait pas reprises, la Cour des comptes a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Parquet général près la Cour des comptes est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes du 16 janvier 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour des comptes.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Centre hospitalier intecommunal du bassin de Thau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Parquet général près la Cour des comptes, à M. A... B..., au Centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau et au Premier président de la Cour des comptes.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357938
Date de la décision : 05/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-01-04-02 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES. JUGEMENT DES COMPTES. CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES. - PROCÉDURE JURIDICTIONNELLE - PHASE CONTENTIEUSE OUVERTE PAR LE RÉQUISITOIRE DU MINISTÈRE PUBLIC - FACULTÉ DU MAGISTRAT RAPPORTEUR D'INSTRUIRE AU-DELÀ DES GRIEFS FORMULÉS DANS CE RÉQUISITOIRE ET, LE CAS ÉCHÉANT, DANS UN RÉQUISITOIRE SUPPLÉTIF - ABSENCE.

18-01-04-02 Dans le cadre de la phase contentieuse de la procédure de jugement des comptes ouverte par le réquisitoire du ministère public, l'instruction dont est chargé le magistrat rapporteur de la chambre régionale ou territoriale des comptes ne peut porter que sur les griefs formulés par le ministère public dans ce réquisitoire introductif et, le cas échéant, dans un réquisitoire supplétif.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2013, n° 357938
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357938.20130405
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