La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2013 | FRANCE | N°355035

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 mars 2013, 355035


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2011 et 16 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Merlett France, dont le siège est 10 rue du Moirond à Domène (38420) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00558-11LY01754 du 28 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0700090 du 16 février 2011 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande et sa réclamation soumise d'office

tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les soc...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2011 et 16 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Merlett France, dont le siège est 10 rue du Moirond à Domène (38420) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11LY00558-11LY01754 du 28 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0700090 du 16 février 2011 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande et sa réclamation soumise d'office tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Merlett-France,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Merlett-France ;

1. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Merlett France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2005, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans ses résultats imposables, sur le fondement de ces dispositions, le profit résultant de la diminution, sans contrepartie, d'une dette inscrite au bilan d'ouverture de l'exercice 2002 ; que, par l'arrêt attaqué du 28 octobre 2011, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement du 16 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt correspondants ;

3. Considérant que la cour a constaté qu'une dette d'un montant de 1 000 000 euros dont la société était redevable envers sa société mère de droit italien Merlett Technoplastic, inscrite au bilan d'ouverture de l'exercice 2002 dans les comptes fournisseurs, n'y figurait plus à la clôture de cet exercice et qu'à la suite d'une délibération du conseil d'administration de la société mère du 6 décembre 2002 autorisant le président de celle-ci, dans le cadre de la consolidation financière du groupe, à effectuer des versements au profit de la société Merlett France à concurrence de la somme de 1 000 000 euros dans la perspective d'une future augmentation de capital, une dette d'égal montant avait été inscrite au compte 167400 " emprunts soumis à des conditions particulières ", dénommé par la société " autres fonds propres " ; que la cour a déduit de ces faits que la société avait, sans erreur comptable mais par une décision de gestion qui lui était opposable, choisi de comptabiliser ainsi cette somme ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le conseil d'administration de son fournisseur, la société Merlett Technoplastic avait seulement décidé de la lui verser sous forme d'avances remboursables, sous réserve de l'éventuelle approbation de l'assemblée générale de ses actionnaires en 2003, et alors qu'une décision de gestion suppose l'existence d'une faculté juridique d'option et que l'écriture litigieuse ne traduisait pas l'exercice d'une telle faculté, la cour a inexactement qualifié les faits ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Merlett France est fondée à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt attaqué qui a rejeté son appel ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que les créances des tiers au sens des dispositions précitées du 2 de l'article 38 du code général des impôts s'entendent des créances régulièrement enregistrées dans les comptes de tiers, lesquels sont exclusifs des comptes de capitaux propres ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Merlett France ne pouvait inscrire, à la date du 31 décembre 2002, au crédit de son compte 167400 la somme de 1 000 000 euros, ainsi qu'elle l'a fait, dès lors que l'avance financière envisagée par sa société mère en décembre 2002 n'a présenté de caractère certain que lorsque la décision de l'assemblée générale des actionnaires de la société Merlett Technoplastic a approuvé les propositions du conseil d'administration en juin 2003 ; que, par suite, elle ne pouvait enregistrer la contrepartie de cette inscription comptable au débit du compte fournisseur de la société Merlett Technoplastic ouvert dans ses livres et ainsi diminuer d'autant son solde fournisseur ;

7. Considérant que cette écriture procède ainsi d'une erreur comptable ; qu'une telle erreur, qu'elle soit regardée comme rectifiable, ainsi que le soutient la société requérante, ou comme délibérée ainsi que le soutient l'administration notamment au vu du rapport de gestion présenté à l'assemblée générale des associés appelée à statuer sur les comptes de l'exercice 2002, ne saurait avoir d'incidence sur le bénéfice net de la société au regard des dispositions précitées du 2 de l'article 38 du code général des impôts ; qu'en effet, elle n'a pas eu pour conséquence d'augmenter son actif net dès lors qu'elle a affecté par compensation deux comptes de passif enregistrant une même créance d'un même tiers et n'entrant pas dans la catégorie des comptes de capitaux propres ; que, par suite et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de la requête, la société est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités contestées ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la société Merlett France au titre des des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 28 octobre 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement du 16 février 2011 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.

Article 2 : La société Merlett France est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur ce même impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Merlett France la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Merlett France et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 355035
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. ÉVALUATION DE L'ACTIF. THÉORIE DU BILAN. DÉCISION DE GESTION ET ERREUR COMPTABLE. - 1) DÉCISION DE GESTION - CONDITION - EXISTENCE D'UNE FACULTÉ JURIDIQUE D'OPTION - CONSÉQUENCE - AVANCE FINANCIÈRE ENVISAGÉE PAR UNE SOCIÉTÉ MÈRE AU PROFIT DE SA FILIALE NE PRÉSENTANT PAS DE CARACTÈRE CERTAIN - INSCRIPTION PAR LA FILIALE DE CETTE SOMME AU COMPTE EMPRUNTS SOUMIS À DES CONDITIONS PARTICULIÈRES ET ENREGISTREMENT DE LA CONTREPARTIE AU DÉBIT DU COMPTE FOURNISSEUR DE LA SOCIÉTÉ MÈRE AVEC DIMINUTION D'AUTANT DU SOLDE DE CE COMPTE - ERREUR COMPTABLE DE LA FILIALE - EXISTENCE - 2) CARACTÈRE RECTIFIABLE OU DÉLIBÉRÉ DE CETTE ERREUR - INCIDENCE SUR LE BÉNÉFICE NET (ART. 38, 2 DU CGI) - ABSENCE, CETTE ERREUR N'AYANT PAS EU POUR CONSÉQUENCE D'AUGMENTER L'ACTIF NET.

19-04-02-01-03-01-02 Société dont le bilan d'ouverture faisait état d'une dette envers sa société mère inscrite dans les comptes fournisseurs et dont le bilan de clôture ne comportait plus cette inscription mais faisait état d'une dette de même montant inscrite au compte emprunts soumis à des conditions particulières , dénommé par la société autres fonds propres , à la suite d'une délibération du conseil d'administration de la société mère autorisant son président à effectuer des versements sous forme d'avances remboursables au profit de sa filiale à concurrence d'un tel montant, sous réserve de l'éventuelle approbation de l'assemblée générale des actionnaires au cours de l'exercice suivant, dans la perspective d'une future augmentation de capital.,,,1) En procédant à ces écritures, la société n'a pas pris une décision de gestion qui lui serait opposable, dès lors qu'une telle décision suppose l'existence d'une faculté juridique d'option et que l'écriture litigieuse ne traduisait pas l'exercice d'une telle faculté, mais a commis une erreur comptable, dès lors qu'elle ne pouvait, l'avance financière envisagée par sa société mère ne présentant pas de caractère certain, enregistrer la contrepartie de cette inscription comptable au débit du compte fournisseur de la société mère et ainsi diminuer d'autant son solde fournisseur.... ,,2) Une telle erreur, qu'elle soit regardée comme rectifiable ou comme délibérée, ne saurait avoir d'incidence sur le bénéfice net de la société au regard des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts (CGI), dès lors qu'elle n'a pas eu pour conséquence d'augmenter son actif net mais a seulement affecté par compensation deux comptes de passif enregistrant une même créance d'un même tiers et n'entrant pas dans la catégorie des comptes de capitaux propres.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 355035
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:355035.20130325
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award